Vincent, quelle a été la teneur de vos propos au moment du debriefing du Tour de France ?
Disons que le Tour 2012 ne restera pas comme notre meilleur cru. Nous espérions plus de résultats et plus de réussite. Nous avions fixé pour objectif initial un coureur dans le Top 10. On ne termine pas trop loin avec la 12ème place de Nicolas Roche. Ça aurait pu tourner en notre faveur dans le dernier contre-la-montre, malheureusement ce jour-là il n’était pas super. Pas de victoire d’étape non plus même si les coureurs se sont battus et que nous ne sommes pas passés loin, 2ème et 4ème. Au classement par équipes, nous espérions accrocher un podium or nous sommes loin du compte. En cela la chute de Hubert Dupont nous a beaucoup pénalisés.
C’est la déception qui prédomine ?
Il y a eu quand même de l’engagement de la part de mes coureurs mais peut-être quelques difficultés en termes de puissance lorsqu’il fallait ressortir de l’échappée pour aller jouer la victoire. Nous avons loupé quelques occasions aussi, ça fait pas mal de choses à méditer pour le futur. Ce n’est pas le meilleur cru, certes, mais gardons en mémoire la volonté de mes garçons, même s’il reste des choses à apprendre.
Ce Tour de France n’aura pas su effacer la première partie de saison difficile de l’équipe, y aura-t-il des remises en question ?
Bien sûr. La saison, même si elle n’est pas terminée, ne nous a pas apporté jusqu’alors les satisfactions dont nous étions en droit d’attendre. Forcément on va prendre des décisions en termes de recrutement et de management. Notre saison n’est pas à la hauteur. Il va falloir reconstruire, trouver des solutions. On ne peut pas en rester là où nous en sommes. Quatre victoires, ce n’est pas satisfaisant, le Tour n’est pas à la hauteur des attentes. Tout n’est pas négatif, le fond de l’équipe n’est pas à remettre en cause. Beaucoup de coureurs ont du talent. C’est juste une année sans.
Vos coureurs n’ont-ils pas pour péché d’être trop lisses ?
Pour briller dans le sport de haut niveau, il faut du caractère. Il faut montrer une détermination, de l’engagement fort, des convictions fortes. Nous avons été timides dans pas mal de circonstances, le recrutement devra maintenant être organisé en fonction de ces éléments.
C’est-à-dire ?
Il faut des opportunités. Trouver un leader capable de jouer le Top 5 dans un Grand Tour ce n’est pas si facile que ça. On travaille en harmonie avec les directeurs sportifs pour avoir un bon équilibre dans notre équipe. Nous avons toujours été axés sur les courses par étapes, parce qu’il y a évidemment le Tour de France. Mais on doit aussi travailler sur les classiques et trouver des sprinteurs capables de briller, ce qui n’a pas été le cas cette année.
Vous aviez accepté un compromis avec Jean-Christophe Péraud, le mieux classé d’Ag2r La Mondiale sur le Tour 2011 mais venu cette fois y préparer les Jeux Olympiques…
S’il devient champion olympique de VTT, je pense que beaucoup de vététistes voudront participer au Tour de France à l’avenir. Ce qui est sûr, c’est que c’est un challenge que nous avons accepté et signé avec lui. Il a atteint son premier objectif, qui était de participer aux JO. On verra s’il y brille mais pour le moment la route en pâtit.
A titre plus général, que retenez-vous de ce Tour de France 2012 ?
Un Tour de France archi dominé par la Sky, une équipe surpuissante qui a tiré vers le haut le professionnalisme du cyclisme. Il y a des choses dont on doit s’inspirer. Evidemment, ça a manqué de panache, mais le parcours n’a pas facilité la tâche. Avec autant de contre-la-montre, on savait que ça allait stéréotyper la course, surtout avec Sky. En ce qui me concerne, je trouve que la part consacrée aux grimpeurs n’est pas assez belle. Je rêverais de voir des Tours à l’ancienne, dans le sens où les grimpeurs doivent pouvoir s’exprimer. Un Tour plus dur avec moins de contre-la-montre.
Pour rendre le 100ème Tour plus excitant, que diriez-vous du retour des bonifications ?
Ce serait pas mal. Depuis qu’il n’y a plus de bonif, il y a moins de possibilités de contrecarrer la différence qui se fait sur les chronos. Aujourd’hui, c’est 75 % pour les bons rouleurs et 25 % pour les grimpeurs, il faudrait rééquilibrer tout ça. Le Tour est à mon sens devenu trop facile, faute de grands cols mythiques et d’arrivées en altitude. Je rêve d’un Tour à l’italienne, peut-être moins excessif que ce qu’était le Giro 2011 mais quand même plus dur que ce qu’il n’est aujourd’hui.
Propos recueillis à Paris le 22 juillet 2012.