Vincent, de quoi êtes-vous le plus fier au terme du Tour de France grandement réussi de l’équipe Ag2r La Mondiale ?
Quand on vient sur un Grand Tour, c’est pour se battre pour le classement général. Le premier objectif, il est là. La 2ème place de Jean-Christophe Péraud, la 6ème de Romain Bardet, c’est quelque chose de fort. Le classement par équipes est aussi un challenge qui nous a toujours titillés et que nous avons toujours voulu remporter. Nous avons gagné cette année sur le Giro, nous n’y étions jamais parvenus sur le Tour. Monter sur le podium du Tour avec l’ensemble de l’équipe a été un moment fort. Ça démontre un gros collectif, un gros travail, une grosse solidarité. Ce sont des valeurs auxquelles on croit au sein de l’équipe, nos partenaires aussi.
Un mois avant le départ du Tour, vous avez pourtant perdu l’un de vos leaders désignés en la personne de Carlos Betancur. Comment avez-vous rebondi pour obtenir ces résultats ?
Ça montre que sa présence était tout à fait dispensable. Même si je pense qu’avec lui on aurait pu avoir de meilleurs résultats sportifs. Avec Betancur, Bardet et Péraud, nous ne craignions personne pour le classement par équipes. Le fait qu’il ne soit pas là a rendu ce challenge un peu plus compliqué. Nos deux leaders ont toujours assumé en montagne. Et nous avons toujours eu derrière eux un coureur qui s’est concentré sur le sujet. Ben Gastauer a fait un énorme travail pour ce classement, on lui doit beaucoup. Mais un coup c’était Christophe Riblon, un coup Mikaël Chérel… Nous sommes parvenus à assommer nos adversaires en montagne.
Jean-Christophe Péraud a foulé le podium du Tour de France. Mais ni Froome ni Contador n’étaient là…
Bien sûr, des grands favoris sont tombés et ont été contraints à l’abandon, comme Chris Froome et Alberto Contador. Ça fait partie de la réalité. Mais après, la 2ème place finale de Jean-Christophe Péraud restera marquée sur le palmarès. Nous en sommes très heureux. Malgré le contexte que vous évoquez, la performance physique existe. Elle est réelle elle aussi.
Romain Bardet a quant à lui perdu sa 5ème place pour 2 secondes après une crevaison, comment avez-vous géré cette situation avec lui ?
Sur le coup ça a été très difficile pour lui. Il était très déçu, en colère. C’est normal pour un athlète. Toute la frustration de trois semaines d’efforts perdues pour 2 secondes en raison d’une crevaison, c’est un peu dur. Mais l’encadrement sportif a été là pour l’apaiser, et comme c’est un garçon intelligent il a vite relativisé et il sait que le meilleur est devant lui.
Romain Bardet avait terminé 15ème de son premier Tour de France, il se classe 6ème à sa seconde participation. Faut-il voir en lui un futur vainqueur du Tour ?
Il ne faut pas s’aventurer sur ce terrain-là. Romain est un garçon extrêmement doué, qui travaille, qui est perfectionniste. De là à aller envisager des choses plus importantes, il va encore lui falloir progresser. On ne va pas spéculer sur une potentielle victoire dans le Tour, on verra bien. On ne se l’enlève pas de la tête non plus, mais on ne va pas se dire ça tout de suite. Même combat pour Thibaut Pinot.
Ce match entre Thibaut Pinot et Romain Bardet va-t-il justement les stimuler ?
Tout à fait. Le cyclisme français a la chance d’avoir deux athlètes en devenir comme eux. Ils montrent la voie : ils sont décomplexés, ont un gros niveau physique et n’ont peur de personne. Ça va forcément créer de l’émulation. Et il y aura forcément un troisième ou un quatrième coureur qui va arriver d’ici peu. La nation française est en train de reprendre une belle place et c’est encourageant pour tout le monde : les clubs, les régions… Quand on voit l’image de ces jeunes, qui sont pour moi des exemples dans la société, ça ne peut qu’encourager des gamins à faire du vélo.
Comment expliquez-vous ce renouveau du cyclisme tricolore ?
C’est générationnel. Nous avons depuis une bonne dizaine d’années des coureurs qui fonctionnent très bien chez les Juniors et chez les Espoirs. Tout cela crée une émulation dans les clubs, dans les comités régionaux… C’est cyclique. Il semblerait que les Français retombent sur une très belle génération. Nous récoltons les fruits d’un long travail, ça se ressent au plus haut niveau international.
Jean-Christophe Péraud ambitionne toutefois de découvrir le Giro. Estimez-vous dès lors que Romain Bardet soit prêt à assumer seul le rôle de leader sur le Tour de France ?
Jicé a envie de découvrir le Giro, et je pense que c’est bien, mais peut-être enchaînera-t-il aussi avec le Tour de France, nous n’en avons pas encore discuté. Plusieurs coureurs ont doublé les deux épreuves cette année : Rafal Majka, Nicolas Roche, Pierre Rolland… Un coureur comme Jean-Christophe Péraud doit être capable de faire le Giro et le Tour. S’il ne devait pas être au départ d’Utrecht toutefois, nous laisserons sans problème la casquette de leader à Romain. Quoi qu’il en soit, nous aurons une belle équipe autour d’eux dans un an.