Vincent, avant d’aborder 2015, que reste-t-il dans votre esprit de la saison 2014 ?
Ce fut une année exceptionnelle, évidemment. Sur le plan des résultats sportifs avec des résultats de très haut niveau dans toutes les plus grandes courses mondiales, notamment les courses par étapes difficiles. Sur le plan de l’ambiance générale au sein de l’équipe. Sur le plan de la reconnaissance du public et des médias liée aux résultats. Et sur le plan de nos partenaires, qui nous font confiance jusqu’en 2018. Surtout, nous avons passé un palier. Nous avons pris conscience que l’équipe Ag2r La Mondiale était capable de rivaliser avec les meilleures équipes du monde. Aujourd’hui tout est possible. Ça doit nous donner en 2015 l’envie d’atteindre cette petite marche supérieure.
Comment abordez-vous cette saison au cours de laquelle vous allez être très attendus ?
Il faut être attentifs à ne pas s’endormir sur ses lauriers. La saison 2014 doit nous servir à nous mettre en confiance, mais attention car dans le sport de haut niveau trop de confiance ce n’est pas bon non plus. Ce qui est important, c’est que nous nous savons capables de rivaliser au plus haut niveau. A nous de travailler pour continuer à progresser, ce que nous allons développer avec l’apport de deux nouveaux entraîneurs. Mais nous avons déjà réussi à conserver tous nos leaders, en dépit des nombreuses sollicitations, et c’est une première bonne chose. Ça veut aussi dire qu’ils se plaisent bien dans l’équipe.
La semaine dernière Marc Madiot a exprimé son intention de gagner le Tour dans les cinq ans à venir. Etes-vous aussi catégorique ?
Je ne ferai pas moins fort que mon ami Marc Madiot, que j’apprécie beaucoup et qui est un grand manager. Le cyclisme français, je le crois aussi, peut tout à fait envisager remporter le Tour de France dans les deux ou trois ans à venir. Il en a le potentiel, avec plusieurs coureurs pour ça. En ce qui nous concerne chez Ag2r La Mondiale, nous avons Romain Bardet. C’est un pur diamant autour duquel nous allons organiser l’équipe dans les années futures.
Dans les années futures, donc pas dès 2015, estimez-vous qu’il est encore trop tôt ?
Romain est un garçon qui a progressé tous les ans de manière fulgurante, mais il est difficile de savoir jusqu’où ira sa progression. Il est en perpétuel progrès, il travaille énormément, il a envie de réussir, il est intelligent, il a tous les éléments pour y arriver. Il sera peut-être encore un peu tendre en 2015 mais nous devons croire en lui pour l’avenir tout comme Marc Madiot croit en Thibaut Pinot. Nous aurons encore deux coureurs de même niveau sur la ligne de départ cette année avec Jean-Christophe Péraud et Romain Bardet. Nous ne définirons pas de leadership entre les deux à Utrecht, c’est le terrain qui en décidera. Dans le futur en revanche, le but est de grandir et de franchir les paliers avec Romain, qui du haut de ses 24 ans a encore une grande possibilité de progresser.
Avez-vous conscience qu’il sera difficile de faire aussi bien l’été prochain ?
Forcément. Quand on a fait 2ème du Tour et qu’on a mis dix-sept ans pour mettre un coureur français sur le podium, on se dit qu’on ne réalisera pas forcément le même exploit l’année suivante. Mais nous ferons le job, quelle que soit notre place à la fin du Tour. L’important, c’est : un, d’avoir stabilisé notre équipe avec les meilleurs coureurs ; deux, d’avoir corrigé nos points faibles en renforçant notre groupe avec des coureurs d’expérience comme Johan Vansummeren et Jan Bakelants ; trois, de maintenir l’esprit d’équipe qui nous a caractérisés en 2014. Et sur ce point je ne m’inquiète pas. Nous avons la chance d’avoir des leaders faciles, un encadrement qui bosse à 100 % pour l’équipe, et des sponsors qui nous soutiennent avec une fidélité incroyable, ce qui nous permet de structurer sur l’avenir. Tous les voyants sont au vert. Nous avons conscience de cette chance quand on voit les difficultés économiques de la société.
Le grand public va nourrir beaucoup d’attentes de la part de Jean-Christophe Péraud, pour lui aussi cela sera compliqué de faire aussi bien ?
L’idée n’est pas de se mettre une pression supplémentaire. Je donne toujours cet exemple à mes coureurs : quand un athlète a sauté 2,30 mètres en saut en hauteur, il a réussi à le faire et peut être capable de sauter un jour 2,32 mètres. Nous, on a fait 2ème du Tour. On sait qu’on l’a fait, on sait qu’on peut le refaire. Il reste une marche à franchir. En 2014, nous avons appris que nous étions capables, il faut garder espoir. En travaillant et en apportant des compétences, du travail, du sérieux, il faut rester optimistes.
Il y en a un autre que l’on attend à nouveau après une année 2014 contrastée, c’est Carlos Betancur. Comment se passe sa réintégration ?
Carlos est revenu avec nous sur la Vuelta, même s’il n’y a pas été très performant. Nous avons beaucoup travaillé avec lui sur l’esprit. Il a compris je pense ses erreurs. C’est un garçon qui a du mal à partir de sa Colombie très longtemps. Mais je pense qu’il a envie de repartir avec l’envie de bien faire. Il ne fera pas Paris-Nice cette année mais Tirreno-Adriatico, après un retour en Colombie puisque son épouse va prochainement accoucher. Il fera son retour en Europe le 4 mars pour faire Tirreno, le Tour de Catalogne puis les classiques ardennaises.
Sur qui compterez-vous sur Paris-Nice ?
Romain Bardet en priorité, mais Jean-Christophe Péraud sera également au départ. On ignore dans quelle condition du fait d’une petite opération du périnée qui a retardé sa préparation. Mais c’est un garçon tellement atypique qu’il peut être capable d’être devant. D’autant plus sur un parcours qui se conclura par le col d’Eze. Nous aurons deux atouts.
Vous évoquiez la stabilité de l’effectif, le renforcement lui s’est surtout fait sur le terrain des classiques flandriennes. Qu’en attendez-vous ?
Nous étions déjà performants sur les classiques ardennaises ces dernières saisons. Nous avons un potentiel pour ces épreuves. Mais la venue cette année de Johan Vansummeren, vainqueur de Paris-Roubaix 2011, très sympathique au demeurant et plein d’enthousiasme, doit nous apporter de l’expérience. C’est un gros guerrier, comme on a pu le voir déjà dans les stages. Avec Sébastien Turgot, Damien Gaudin, qui ont fait 2ème et 5ème de Paris-Roubaix, nous avons des coureurs capables de briller sur ces classiques. C’est en tout cas la première année que nous aurons un potentiel aussi élevé sur ces épreuves.
Propos recueillis à Paris le 2 février 2015.