Valerio, quel est le changement principal entre l’équipe Colombia de l’an dernier et celle de cette année ?
C’est principalement au niveau des coureurs. Même si entre 60 et 70% des coureurs de l’an dernier sont restés. Nous intégrons cinq à six nouveaux coureurs et notamment Leonardo Duque. C’est un homme d’expérience très sérieux. Nous avons pris d’autres coureurs en vue du Giro. Nous travaillons pour cela avec l’invitation que nous avons reçue. Il y a certains coureurs qui peuvent bien marcher comme Alexis Camacho et d’autres colombiens.
Croyez-vous en vos chances pour le Tour ou la Vuelta?
C’est l’ambition de toutes les équipes de participer aux plus grandes courses par étapes. Le Tour, tout le monde veut y être. Ce sera difficile parce qu’il y a de bonnes équipes françaises. Nous sommes contents de l’invitation de RCS. Nous ferons le maximum pour arriver au top en mai. Pour gagner, nous avons les coureurs, la structure. Si nous recevons une invitation de la Vuelta, nous ferons tout pour prendre le départ et faire le maximum.
Le Giro et la Vuelta conviennent pourtant mieux à vos coureurs.
C’est vrai. Le Giro et la Vuelta sont totalement différents. La caractéristique du Tour, c’est la chaleur. Les dix premiers jours, il faut que tu aies une équipe avec des coureurs capables de rester placés, qui peuvent prendre du vent. Nous n’avons pas encore ce type de coureurs. Les Colombiens sont tous petits et grimpeurs. On verra si on nous sélectionne. Nous serons là si c’est le cas, ce n’est pas un problème. C’est bien de participer au Giro, car ce sera une première pour tous les coureurs à part pour Duque qui a déjà participé à plusieurs grands tours. Pour tous les autres, c’est seulement leur deuxième année en Europe et ce sera leur premier Grand Tour.
Quand allez-vous arrêter votre sélection pour le Giro ?
Nous en discuterons après le Critérium International. Nous regarderons les performances du début de saison, les caractéristiques de tous les coureurs. Fin mars, début avril nous donnerons le nom des 10-12 coureurs. Puis nous donnerons la sélection mi-avril.
Quel va être votre ambition ?
Gagner le Giro ce sera difficile, mais gagner des étapes de montagne est à notre portée, tout comme le maillot du meilleur grimpeur. Si possible, ce sera aussi de débrider la course, d’éviter qu’elle soit contrôlée. Si des étapes nous sont favorables, ce sera d’attaquer dans la montagne comme le faisait Lucho Herrera. Quand il voyait un GPM, il attaquait.
Qu’est-ce qui a changé dans l’approche des coureurs colombiens entre les années 80 et aujourd’hui ?
Je crois que la mentalité n’a pas beaucoup changé. Les coureurs colombiens sont toujours plus forts quand la montagne arrive. Sur les cols, le coureur colombien attaque. Ça n’a pas changé et nous ne voulons pas le changer, car c’est propre au cyclisme colombien. Ce qui a changé, c’est l’entraînement, l’approche de la course. Ils suivent un programme précis alors qu’avant ils roulaient plus aux sensations. On a toujours ce problème pour le chrono, mais ce sont les Colombiens. La mentalité reste la même et je pense que c’est une mentalité que tout le monde apprécie.
Tous les coureurs ont-ils un entraîneur personnel ?
Tous les coureurs habitent à proximité du service course avec leur famille. Pour l’entraînement c’est l’équipe, Oscar Pellicioli, Oliverio Rincon et moi qui nous en chargeons. Chaque mois nous donnons un plan d’entraînement que le coureur suit. La chance que nous avons c’est d’avoir les trois directeurs sportifs à côté du domicile des coureurs. Chaque semaine, nous suivons un coureur lors d’un entraînement. C’est un peu différent. Je crois que nous sommes la seule équipe à faire cela. On essaye de faire ça pour que le coureur ne se sente pas seul. Au final, il vient de Colombie et ce n’est pas facile. Nous faisons tout pour lui fournir la maison, la voiture et le plan d’entraînement. Quand le coureur a besoin de quelque chose, il peut sortir de chez lui et venir en vélo au service course. Il a les masseurs, le mécanicien, le directeur sportif, le manager, etc.
Ça ressemble un peu à un centre de formation en football…
C’est un peu ça. Les coureurs sont libres de vivre leur vie, mais ils sont toujours là, au service course.
Comment est financée votre équipe ?
C’est le gouvernement colombien. L’an dernier Coldeportes aussi, mais maintenant c’est juste la Colombie. Le projet est né pour donner la possibilité aux coureurs colombiens de s’exprimer. Une équipe continentale s’appelle maintenant Coldeportes où certains coureurs plus âgés sont allés. Mais la majeure partie de notre équipe est constituée de jeunes. On cherche beaucoup de coureurs venant de Colombie. Ils viennent ici et ont la possibilité de faire des courses en Europe. Le budget de l’équipe est de 3 millions d’euros. Nous faisons un Grand Tour, c’est déjà bien. Puis quelques courses en France, en Espagne et en Italie. Je pense que ça suffit pour une équipe comme la nôtre. L’an dernier, nous sommes allés aux États-Unis. On a fait de belles performances là-bas au Tour de Californie.
Pouvez-vous imaginer que l’équipe soit candidate au WorldTour ?
C’est l’ambition. Claudio Corti a dit au gouvernement qu’il ferait tout pour obtenir une invitation sur un Grand Tour pour la deuxième année de l’équipe et il y est parvenu. C’est l’objectif de chaque nation de parvenir à participer aux épreuves du WorldTour et notamment au Tour de France.
Pourriez-vous être amené à vous allier à un grand sponsor et recruter des coureurs non colombiens ?
C’est un autre objectif. L’équipe veut montrer qu’elle marche bien pour attirer les sponsors. Normalement quand une équipe monte de niveau, elle attire et nous voulons attirer les autres coureurs colombiens. Comme l’a fait Sky avec les Anglais. Ça dépend de nous. Il faut que l’on montre que l’on est une bonne équipe en gagnant des étapes. Et pour attirer des coureurs comme Uran, Quintana ou Henao, c’est normal que l’on ait besoin de plus d’argent. Nous sommes sur la bonne voie. L’important est de faire des résultats, les sponsors vont suivre. Mais c’est seulement la deuxième année. C’est déjà un bon début.
La tactique des Sky de franchir un col à une vitesse élevée pourrait-elle désavantager vos coureurs ?
C’est seulement la deuxième année que je travaille avec ces garçons. On va aller au Tour d’Italie pour apprendre ce rythme. Nous serons là. Les Colombiens sont très explosifs et on dit qu’ils ne tiennent pas le rythme. Mais ça dépend comment on fait la course. Ce sont des coureurs très intelligents qui écoutent beaucoup. L’an dernier, à la mi-saison, nous avions remporté six courses et de belles courses. Ce n’est pas beaucoup, mais pour une équipe qui était pratiquement amateur, ce n’est pas mal. Ça veut dire qu’ils ont de bonnes qualités. Mais un Grand Tour, c’est différent.
Le fait de dépendre des invitations n’est-il pas trop difficile pour organiser le calendrier ?
Comme vous le savez, le début de saison est très difficile pour les professionnels qui n’ont pas beaucoup de courses. Mais cette année, beaucoup d’organisateurs nous ont invités. Il n’y a que la période de Paris-Nice et de Tirreno-Adriatico où nous n’avons pas de courses.
Propos recueillis à Orange le 22 février 2013.