Thomas, on vous connaît : vous prenez forcément le départ du Tour de France avec une idée derrière la tête ?
Pas une idée, plusieurs ! Je sais par expérience que ça ne se passe jamais trop comme on le prévoit. Des fois on croit qu’on va être bien et on est dans le dur, des fois on pense que ça va être dur et on se retrouve avec de supers jambes. Je suis là pour prendre du plaisir, essayer de faire bouger la course, n’étant pas un prétendant au classement général. Je n’ai pas envie d’arriver à Paris avec des regrets, ça passe par une attitude offensive si les jambes le permettent.
Quels lieux stratégiques avez-vous repérés ?
On parle beaucoup de la Corse. Les trois jours à venir vont être piégeurs, surtout dimanche et lundi. A Ajaccio ça risque de frotter pas mal sans faire de gros chamboulements au classement général. En revanche il peut y avoir des perdants le lendemain en direction de Calvi. Après, ce sera ou facile ou très dur, jamais entre les deux, contrairement aux dernières éditions. Donc pas trop d’étapes qui conviennent à un coureur comme moi, endurant. En contrepartie on va visiter des lieux magnifiques comme le Mont-Saint-Michel, le Mont Ventoux…
Quel objectif s’est fixé l’équipe ?
L’objectif, c’est d’être à la hauteur de nos ambitions, de faire la course en étant acteurs. Un Top 5 pour Pierre Rolland, quand on voit les clients engagés, sans dire que c’est présomptueux, c’est lui mettre trop de pression. Depuis que l’équipe existe, quel que soit notre résultat final, nous avons toujours animé la course. C’est en prenant les échappées que nous avons obtenu des résultats. Le but, c’est de ne pas se faire taper dessus.
Vous abordez mieux le Tour que l’an passé, vous y songez ?
Je sais par expérience que ça ne se passe jamais comme on le prévoit. L’an dernier je n’avais pas roulé pendant plusieurs jours avant le Tour, j’ignorais si ma blessure était rétablie, et j’avais fait un super Tour en deuxième partie. Cette année j’ai gagné trois courses au mois de juin, et ce n’est pas pour ça que je me sens très bien. Je suis très prudent. Je ne me dévalorise pas mais je ne m’enflamme pas non plus.
Vous qui avez tout connu sur le Tour, qu’est-ce qui vous émoustille encore ?
C’est le Tour, tout simplement, avec tout ce qu’il représente. C’est la course la plus importante de l’année. C’est vrai que j’ai connu tellement de bons moments sur le Tour mais ce n’est pas pour cela que je n’ai pas encore envie de les revivre. Qu’est-ce qui fait encore avancer Federer ou Nadal alors qu’ils ont tout gagné ? Quand on aime le sport, qu’on aime ce qu’on fait, on a toujours envie, si ce n’est pas possible d’avoir plus, d’au moins essayer d’avoir la même chose…
Comment sentez-vous Pierre Rolland à l’entame de l’épreuve ?
Je le côtoie depuis mercredi. Il a l’air très bien dans ses baskets. Il rigole, il est très en forme, très affûté. Après on a beau dire que tous les voyants sont au vert, seuls le terrain et les résultats parleront, mais je pense qu’il arrive dans les bonnes dispositions.
Que doit-on attendre du cyclisme français sur ce Tour ?
Nous avons connu, nous Français, une période sans trop de résultats au classement général. On essayait de faire des échappées pour gagner une étape. Depuis quelques années, on voit de jeunes coureurs comme Pierre Rolland, Thibaut Pinot, Arnold Jeannesson… Rêver d’une victoire française, ce serait un peu ambitieux, mais dans les prochaines années pourquoi pas. La génération qui arrive sera meilleure que la mienne, je pense.
A la veille du départ du Tour de France, l’équipe Europcar ignore encore quel sera son avenir, faute de repreneur déclaré. Cela vous inquiète-t-il ?
Je suis obligé d’être un peu inquiet parce que j’aime mon équipe, qui s’appelle Europcar depuis trois ans. J’y ai fait toute ma carrière. Sa pérennité est menacée, nous n’avons pas de garanties sur l’avenir, je serais malhonnête si je vous disais que je suis extrêmement serein. Jean-René Bernaudeau sait que j’ai envie que ça continue, que je suis à ses côtés. On aurait aimé pouvoir avoir des certitudes, mais ce n’est pas moi qui démarche les sponsors. J’essaie de me concentrer sur le fait d’appuyer sur les pédales. On va espérer que ça bougera pendant le mois de juillet car ce n’est pas en août, pendant les vacances, que les grands patrons prendront une décision.
Les révélations d’une génération passée n’aident en rien le démarchage de sponsors. Comment les vivez-vous ?
Franchement, tout ça m’intéresse tellement que je ne sais pas qui a déclaré quoi. Je sais comment je fais du vélo, je sais où j’ai terminé en 2004 au Plateau de Beille et avec quels moyens. L’histoire se suffit à elle-même, ce serait perdre de l’énergie que de commenter des révélations sur des faits qui datent de quinze ans. Occupons-nous du présent et de l’avenir plutôt que de ressasser le passé. Je ne dis pas que tout est rose aujourd’hui mais ça va nettement mieux depuis quelques années.
Propos recueillis à Porto-Vecchio le 28 juin 2013.