Thomas, vous étiez passé à côté d’un deuxième titre sur le même circuit de Chantonnay en 2006, aviez-vous un besoin de revanche sur cette course-là ?
Revanche, ce n’est pas le mot. L’envie de bien faire, ça c’est clair. Je ne nourrissais pas de revanche particulière par rapport à ma deuxième place, même si elle reste à ce jour ma plus grosse déception. Mais j’ai passé cette déception aujourd’hui. Ca n’a donc rien à voir avec une revanche. Je pense avoir fait un bon début de saison cette année, même si je n’avais encore rien gagné. J’ai fait des places d’honneur dans de très belles courses : Paris-Nice, Liège-Bastogne-Liège, le Tour d’Italie… Mais c’est vrai que j’aime gagner et ça se faisait désirer car je n’avais plus levé les bras depuis ma victoire d’étape sur le Tour de France l’année dernière. Je crois que ça valait le coup d’attendre.
Finalement, la course s’est déroulée de manière assez comparable à celle du Championnat de France 2006 ?
C’est vrai que c’est comparable, mais la différence c’est que nous avions plus de cartes à jouer aujourd’hui. Je pense à Anthony Charteau, Cyril Gautier, Pierrick Fédrigo et moi-même. On a joué franc jeu tous ensemble, on s’est lancé dans le boulot de bonne heure sur un circuit sélectif. Il faut oser partir loin comme ça mais si tout le monde joue le jeu comme on l’a fait, ça marche. C’est toujours facile à dire a posteriori mais quand Cyril Gautier est sorti avec Sébastien Turgot, j’ai tout fait derrière pour casser les relais et leur permettre d’aller au bout. Finalement on les rattrape, je ressors avec Christophe Le Mével, et Pierrick Fédrigo nous couvre. Voilà, c’est un collectif. Des valeurs comme ça dans le vélo de nos jours ne sont pas usurpées.
Jean-René Bernaudeau cherche à finaliser ses négociations avec un repreneur dans les prochains jours, ce titre national arrive à point nommé ?
Depuis le début de l’année, l’équipe Bbox Bouygues Telecom fait un très bon début de saison. Maintenant, tout le monde sait très bien que ce qui compte dans une année c’est le Tour de France. Il y a quelques années, nous avons fait un super début de saison jusqu’au Tour et nous sommes passés au travers sur le Tour, ce qui pour nous était une saison ratée. L’année dernière on a gagné deux étapes au bout d’une semaine, ça a été extraordinaire. Ce ne sera pas comme ça chaque année, faut pas rêver, mais il est clair qu’un titre de champion de France est une vitrine. Je le savoure pour sa valeur sportive, mais Jean-René qui entreprend des démarches auprès des entreprises va être content des retombées médiatiques que ça engendre. C’est un maillot repérable donc si ça peut l’aider dans sa quête d’un sponsor pour que l’aventure continue, c’est génial.
Etes-vous confiant quant à l’avenir de l’équipe de Jean-René Bernaudeau ?
Oui, mais s’il trouve un partenaire, il ne faut pas que ce soit au mois de novembre, car on est quand même dans le monde professionnel. Il y a des transferts, certes pas dans les mêmes proportions qu’au football, mais il y a des transferts quand même. Moi je fais confiance à Jean-René et j’espère pouvoir continuer l’aventure dans la même structure.
Le titre obtenu en 2004 vous avait révélé, que représente pour vous ce deuxième titre de champion de France ?
Une confirmation. En un mot, c’est difficile à dire, mais j’étais vraiment frustré ces trois dernières années d’avoir fait 240 kilomètres sans souffrir parce que je n’avais jamais l’occasion de batailler. J’étais marqué, je n’avais pas la réussite, et la course se faisait sans moi. Cette année, je suis passé tout près régulièrement. J’aurais pu paniquer plus jeune mais j’ai l’expérience, même si j’ai commencé à me faire un peu de souci dernièrement. Je tournais autour sans arriver à mettre dans le mille, avec le sentiment pourtant de mieux marcher que l’année dernière. J’ai encore beaucoup d’ambition mais avec ce titre de champion de France, la saison est déjà réussie. Et j’ai envie de tout donner sur le Tour de France.
Va-t-on encore avoir droit à la Voecklermania ?
(Il sourit) A domicile sur ce Championnat de France je m’attendais à être très soutenu. Je suis venu faire un tour sur le circuit mercredi et j’étais déjà encouragé de partout. Je me suis dit qu’est-ce que ça va être dimanche ? Aujourd’hui ça s’est très bien passé et je pense que le public va en remettre une couche sur le Tour. Je ne vais pas faire le faux modeste ou le mec à qui ça lui est égal. Il faut savourer quand on a du succès auprès du public, quand on est reconnu. On fait aussi du vélo pour ça. J’apprécie d’être soutenu. Le vélo c’est déjà tellement dur, alors quand on a le soutien du public, c’est génial. Faire plaisir au public tout en se faisant plaisir à soi-même, que demander de plus…
Il ne vous manque plus que le Maillot Jaune, comme il y a six ans…
La différence, maintenant, c’est que je suis plus connu dans le peloton qu’en 2004. Ce qui fait la beauté du Maillot Jaune pendant dix jours comme je l’ai eu, c’est la rareté. Si ça pouvait se faire à chaque fois… L’année dernière j’ai gagné l’étape, ce qui a été un soulagement car je courais après depuis plusieurs années. Maintenant, je vais courir sans pression, ce qui ne veut pas dire que je ne serai pas motivé. Mais vous le savez, ne comptez pas sur moi pour dire que je vais faire telle ou telle chose. Ce n’est pas le style de la maison !
Ce titre est-il aussi savoureux que celui décroché à Pont-du-Fossé en 2004 ?
Je suis tout aussi heureux, ça c’est clair, mais c’est différent. Les circonstances diffèrent. Là j’étais attendu, comme je l’étais les années précédentes. En 2004, j’étais le seul à me savoir capable de faire un truc. J’avais fait de très bonnes courses juste avant mais je n’étais pas le favori. Ce matin dans les briefings, je pense que Pierrick Fédrigo et moi avons été cités dans toutes les équipes, ce qui est normal à domicile et sur un circuit qui nous convenait bien. Ce qui est sûr c’est que je connais le vélo et je vais savourer ce maillot de champion de France pendant 365 jours.
Propos recueillis à Chantonnay le 27 juin 2010.