L’entreprise ESP (pour Enseigne Sérigraphie Publicité) est une incontournable des courses cyclistes. Ligne d’arrivée, marquages au sol, panneaux publicitaires, banderoles, dossards, habillage des véhicules… Un véritable travail d’artiste que réalise la société de sérigraphie sur le Tour de France depuis 1947. C’est en 1938 que l’entreprise a été créée par Georges Barateau, choisi par Henri Desgrange pour la réfection des vélodromes. Aussi, quand le Tour est reparti après la guerre, le même Desgrange a confié au même Barateau les publicités sur le Tour de France. A l’époque, tout était fait à la main, jusqu’aux dossards, avant que ne soit créée la sérigraphie. Arrivé chez ESP en 1979, Thierry Martinez en est le responsable depuis 1987. L’occasion pour nous de découvrir une activité méconnue or tellement indissociable du cyclisme.

Thierry, la société ESP est née avec le cyclisme, mais touchez-vous d’autres sports ?
Tout à fait. Nous travaillons pour Roland Garros, pour les fédérations de handball, de canoë-kayak, de karaté, de tir à l’arc… Le cyclisme représente toutefois 50 % de notre activité. Il est clair que le cyclisme génère plus de publicités que les autres sports. En football, un tour de terrain, c’est 400 mètres de publicité, pas beaucoup plus. Nous y sommes un tout petit peu présents. Nous avons notamment réalisé des cubes qui vont sur les points de corners. A vélo, ce sont des kilomètres de bord de route.

Comment définissez-vous votre métier ?
Nous faisons la fabrication mais aussi la pose, l’installation, nous sommes des hommes de terrain. On peut dire que nous travaillons dans la publicité. La sérigraphie a perdu beaucoup avec l’arrivée du numérique donc le métier a forcément changé. Il évolue énormément. Aujourd’hui, il faut énormément investir. C’est aussi notre force car le fait d’avoir déjà investi nous a donné un peu d’avance sur la concurrence. Nous avons notre savoir-faire.

Votre plus gros événement annuel, c’est le Tour de France ?
Tout à fait. Nous décorons environ 2500 véhicules chaque année dont entre 300 et 400 pour le Tour de France. Nous faisons toutes les voitures de l’organisation, certaines caravanes comme Vittel, Nesquik, Skoda. Nous travaillons également pour des groupes sportifs comme la Française des Jeux, Astana, BigMat-Auber 93. Nous décorons leurs voitures et nous assurons un service sur les courses où nous les croisons pour qu’ils n’aient pas à repasser par nos locaux. En termes de banderoles, ce sont toutefois les marathons qui arrivent en tête. Nous faisons 38 kilomètres de banderoles sur le Marathon de Londres.

Les clients sont-ils fidèles ?
Tout à fait, et nous pouvons les remercier pour ça. Peut-être simplement parce que nous sommes bons et sérieux dans notre travail. J’ai des amitiés avec Jean-Marie Leblanc, Jean-François Pescheux, Albert Bouvet… Nous avons bien travaillé ensemble et travaillons toujours. Nous proposons divers services. Nous fabriquons, nous installons, nous stockons aussi du matériel, ceci sur tous les événements et tous les sports.

On parle beaucoup de respect de l’environnement, comment le vivez-vous à votre niveau ?
Nous y sommes très attachés et les fournisseurs s’y sont également attelés. Nous avons beaucoup de produits qui sont recyclés et recyclables. Au niveau de la peinture, nous sommes pratiquement les seuls à savoir peindre une route, ce que nos concurrents ne savent pas faire. Ils ont essayé de trouver un nouveau procédé, qui est de l’adhésif autocollant, mais qui n’est pas vraiment très performant. Quand nous peignons la route, il nous faut la rendre propre à 80 %, même si les communes s’en chargent parfois elles-mêmes. Nous mettons de la peinture à l’eau.

Quel est votre principal ennemi : le vent, les vandales…
La pluie ! Le vent, nous arrivons à le gérer, mais la pluie c’est difficile, surtout quand elle survient en montagne. Il y a un dénivelé, l’eau ruisselle sur la route. C’est dur pour la peinture au sol, pour l’installation, le matériel, on souffre ! L’avantage du vent, c’est que si on dépasse un certain seuil, nous sommes tenus de ne pas installer la signalétique, comme c’est arrivé sur le Mont Ventoux. La pluie, en revanche, elle est là et il faut faire avec.

Si vos supports sont vus, vous travaillez néanmoins dans l’ombre, n’est-ce pas une frustration ?
Pas du tout. Nous sommes des travailleurs de l’ombre, c’est vrai, mais nous restons à notre place. Les acteurs, ce sont les coureurs. Nous faisons notre boulot et voilà !

Anticipez-vous déjà les évolutions sur les supports de communication ?
Bien sûr. Nous avons créé la rampe de lancement du contre-la-montre par équipes l’an dernier. Nous avons créé les dossards autocollants. A une certaine époque, il a été interdit aux organisateurs du Tour de France de fournir les épingles à nourrice, ceci à cause du sida. Albert Bouvet nous a demandé de réfléchir à une solution et nous avons les premiers créé le dossard autocollant pour le Tour de France. De la même manière, après l’accident de Laurent Jalabert à Armentières en 1994, nous avons créé des blocs publicitaires en mousse le long des barrières. Nous avons également pensé à la signalétique des ronds-points sur une proposition de Charly Mottet.

Est-ce important d’avoir l’œil d’anciens coureurs dans son équipe ?
Je n’ai pas été coureur mais j’ai dans mon personnel beaucoup d’anciens coureurs. Nous sommes très attentifs à la sécurité, à essayer de bien faire. C’est l’amour du métier et des sportifs.

Voyez-vous un support particulier s’installer dans l’avenir ?
Je ne pense pas, si ce n’est l’incrustation télévisuelle. Nous avons eu ce souci-là cet hiver en cyclo-cross. Ils voulaient mettre une caméra montée sur un câble comme ça s’est fait aux Jeux Olympiques. En fin de compte, il n’y a pas que la télévision, il faut aussi penser au public. Qu’il y ait ou non la télévision, il y aura toujours une ligne d’arrivée, une banderole sur la ligne, des dossards…

Quand vous regardez un événement sportif, regardez-vous d’abord la panneautique ou le sport en lui-même ?
Déformation professionnelle, on est attentif à tout ça, dans tous les sports, et on essaie de tirer des enseignements des choses qu’on trouve bien !

Propos recueillis à la Croix Valmer le 19 février 2010.