Parce qu’il occupe depuis plusieurs années maintenant le fauteuil convoité de commentateur du cyclisme sur France Télévisions, apportant un éclairage à des millions de téléspectateurs sur les courses retransmises par le groupe tout au long de l’année, Thierry Adam se sait plus exposé à la critique, dans un sens comme dans l’autre, que d’autres journalistes sportifs. Les remarques gratuites sur les forums, il a fini par ne plus les lire, préférant se concentrer sur son travail, qu’il mène avec rigueur et passion. Travailleur enthousiaste et fin connaisseur en matière de cyclisme, il prépare déjà en coulisses ses futurs rendez-vous avec les téléspectateurs français. Cette année, malgré une grille des programmes de plus en plus chargée, la programmation cycliste demeurera la même sur France Télévisions. Premier rendez-vous : Paris-Nice.
Thierry, la saison 2010 a commencé, comment la pressentez-vous ?
Bien ! En tout cas, sur le plan de l’excitation, cette saison me paraît vraiment intéressante. Il y a des nouveautés, l’arrivée de l’équipe Sky, la nouvelle équipe d’Armstrong. Il va y avoir des bagarres, des duels, or on sait que c’est ce spectacle qui va passionner les téléspectateurs. Avant de commencer une course, on va déjà pouvoir leur raconter des histoires. Ca fait longtemps que je n’ai pas été aussi excité d’attaquer une saison, en me disant qu’on va se régaler. Le Tour va être hors normes je pense mais je ne parle pas que du Tour. Tout ça est très intéressant et bon pour le vélo.
Comment France Télévisions va couvrir cette saison ?
Nous couvrons les premières courses au Tour Down Under et au Tour du Qatar mais le premier direct aura lieu sur Paris-Nice. Après, nous sommes toujours dans une forme très classique, habituelle. Ca peut paraître parfois un peu restrictif mais d’abord nous n’avons pas tous les droits. Les gens se plaignent souvent que nous ne diffusions plus Milan-San Remo ou le Tour de Lombardie mais c’est compliqué en droits avec les Italiens. En revanche, nous avons des idées et nous nous sommes ouverts aux Grands Prix de Québec et de Montréal (NDLR : nouveaux venus au calendrier ProTour), avec lesquels nous cherchons à trouver un accord d’horaires.
Comment estimez-vous l’évolution de la programmation du cyclisme sur le service public ces dernières années ?
C’est plutôt bon signe de ne pas enlever de courses sur le service public quand on voit l’arrivée d’autres chaînes. Nous avons déjà stabilisé et peut-être que nous reviendrons un jour à des choses plus complètes. Avant, il était plus facile de vendre la Coupe du Monde que le ProTour aujourd’hui. Il y avait dix courses, nous les couvrions toutes. Je trouve dommage que ce format ait disparu. C’est également moins facile qu’avant de trouver des créneaux horaires. Et puis il faut reconnaître qu’en dehors de Paris-Roubaix et du Tour de France, le cyclisme n’atteint pas des taux d’audience exceptionnels. Le vélo a ses fans, point.
Est-ce plus difficile de défendre le vélo qu’un autre sport auprès de la direction de France Télévisions ?
Ce n’est même pas une question de défense, c’est une question de bonne entente. Nous avons la chance d’avoir un directeur comme Daniel Bilalian qui n’est pas vraiment vélo mais qui le connaît et le comprend. C’est un vrai chef d’entreprise et il connaît l’importance du vélo dans notre diffusion. Ce n’est pas moins que le foot, pas moins que le rugby, sachant que nous sommes étalés sur dix mois. Il y a une bonne volonté de diffuser du vélo et de s’y intéresser.
D’autant que le retour à la compétition de Lance Armstrong a boosté les audiences, l’avez-vous perçu ?
Oui ! Notre seule référence est le Tour de France. L’objectif au départ de Monaco était d’équilibrer notre audience par rapport à l’année 2008. Nous avons eu 300000 téléspectateurs en plus par jour. Le retour d’Armstrong y est pour beaucoup et je trouve ça bien. On aime ou pas le personnage mais il faut reconnaître que c’est un businessman et que les années où il n’était pas là, et même si on a de grands coureurs, c’était plus difficile à vendre médiatiquement. Armstrong est revenu, ça a boosté tout le monde, et de puissantes équipes anglo-saxonnes se créent. Si ça pouvait donner des idées à des entreprises françaises pour qu’un jour on ait une très grosse structure du genre… Ce que Sky et RadioShack font, il n’y a pas de raison qu’on ne le fasse pas en France.
Le cyclisme représente un beau terrain d’étude pour la télévision. A quelles nouveautés techniques faut-il s’attendre cette année ?
Nous avons envie de nous tourner vers un cyclisme plus spectacle. Mais ce n’est pas simple et nous avons du mal à trouver la formule. Nous allons également continuer à développer la haute définition, la 3D, que nous avons déjà testées. Il n’y aura pas de grandes évolutions cette année, mais quand on regarde ce qu’on fait sur le Tour de France, il n’y a pas d’équivalent sur les autres courses. Maintenant, on ne peut pas mettre une caméra sur tous les vélos comme ça se fait en Formule 1, donc il faut trouver autre chose. Mais ce qu’on réalise est déjà très bien, et les gens aiment le Tour parce que c’est beau, parce que c’est bien filmé. Après, c’est peut-être aussi au vélo de s’adapter, d’offrir plus de spectacle, mais ça ne peut venir que des coureurs. Nous nous adapterons à ce qu’ils feront.
Le retrait progressif de l’oreillette, sur une proposition initiale de Daniel Bilalian, va dans ce sens ?
Oui, ça va devenir plus tactique et nos consultants vont travailler à bloc ! C’était le cheval de bataille de Daniel Bilalian. Un matin au petit-déjeuner, il nous a lancé cela ! Ca m’a surpris mais c’était une super idée. Tout le monde y a adhéré bien que ça ait interloqué beaucoup de gens. C’est un bien, les coureurs sont pour et ça va donner du spectacle. On va s’enflammer davantage !
Quelle équipe de consultants vous entourera cette année ?
Du côté du personnel, nous n’avons rien changé. Quand on a Laurent Jalabert et Laurent Fignon pour consultants, il n’y a pas de raison d’aller chercher ailleurs. Et Cédric Vasseur nous donnera un petit coup de main de temps en temps compte tenu des soucis de Laurent Fignon.
On notera pour finir que les nouveaux moyens de diffusion permettent également à France Télévisions de proposer du cyclisme sur la TNT ou Internet…
En effet, il ne faut pas négliger France 4, c’est vraiment une chaîne très intéressante, accessible en clair via la TNT. Je prône plus de vélo sur France 4. Internet, on vit également avec de nos jours. C’est un plus. L’année dernière, nous avons diffusé par exemple une course comme le Tour du Haut Var exclusivement via Internet. Il faut vivre avec son temps. Le cyclisme doit se transformer vers le sport spectacle et nous devons tenir compte de supports tels qu’Internet. C’est un plus indéniable. Je suis pour tous ces modes de diffusion car je me dis tant mieux si on voit plus de cyclisme, tant mieux tant qu’on parle de vélo !
Propos recueillis à Boulogne-Billancourt le 27 janvier 2010.