Avant le coup d’envoi de la saison européenne qui aura lieu cette année sur l’île de Majorque le 29 janvier, Vélo 101 est allé à la rencontre de l’équipe IAM Cycling, nouvelle promue en WorldTour et actuellement en stage sur l’île des Baléares. Et en Espagne, Sylvain Chavanel est un coureur très apprécié par le public et la presse, qui ne tarit pas d’éloges à son sujet. Elle avait même affirmé à plusieurs reprises qu’elle regrettait qu’il n’y ait pas plus de coureurs de sa trempe dans le peloton. Tout est dit, ou presque. L’homme a du panache, il est authentique, sincère et a su rester simple.
Sylvain, vous entamez votre seizième saison chez les professionnels et toujours avec une envie intacte.
Oui, je repars pour une seizième année, c’est là que je me dis que le temps passe vite. C’est bien, cela veut dire que je ne m’ennuie pas, j’aime ce que je fais.
La question sur « l’après-vélo » n’est donc pas encore d’actualité ?
Non, ce n’est pas d’actualité, même si l’on me pose souvent la question. C’est vrai que 35 ans, cela peut paraître âgé dans le sport, mais moi, je me considère encore tout jeune (il rit). C’est sûr que j’éprouve plus de difficultés à récupérer. La récupération était l’un de mes points forts quand j’étais jeune, je n’ai plus le même corps qu’à 20 ans, maintenant, je m’accorde plus de plages de repos. Je pense que cela dépend aussi des athlètes, en ce qui me concerne je suis animé par mon métier, c’est ma passion, c’est ma vie. J’ai toujours cette flamme pour aller m’entraîner et surtout pour la compétition, c’est ce qui me fait vibrer le plus. Si je fais bien mon métier et avec le talent que j’ai, il n’y a pas de raison que je ne m’en sorte pas. Je vais aussi participer à de nouvelles courses, c’est important d’amener un peu de nouveauté, c’est ce qui fait durer le plaisir.
Vous avez toujours de bons résultats et une grande régularité…
Ce que j’ai toujours recherché dans ma carrière, c’est d’avoir cette régularité. Je n’ai jamais voulu tout casser dès la première année et courir le risque d’être inexistant les années suivantes. J’ai essayé d’être régulier tout en ayant une marge de progression d’une année sur l’autre et je crois que cela m’a réussi depuis un petit moment. La régularité, cela amène aussi les résultats.
Les courses aujourd’hui sont plus cadenassées. Jugez-vous qu’il est plus difficile pour un coureur comme vous de s’exprimer ?
C’est vrai que le vélo d’aujourd’hui est à l’opposé de ma philosophie en course. Je suis un coureur qui réserve plein de surprises, je peux attaquer à tous moments ou parfois attendre. C’est ma façon de courir, je peux faire des erreurs, mais c’est le vélo que j’aime, j’essaie de dynamiter la course et je crois que le grand public apprécie.
Si l’on devait vous caractériser, on pourrait dire que vous avez du panache, un gros moteur et que vous êtes très fort mentalement ?
Oui, c’est cela, c’est un mélange des trois. Le mental, surtout, car cela fait beaucoup au haut niveau. Il ne faut pas oublier que quand j’ai découvert le vélo, je me faisais battre par les filles, toute cette période-là m’a aidé à me construire et avec l’expérience, cela fait de moi ce que je suis aujourd’hui et cela m’a forgé un gros caractère. Le travail et les kilomètres accomplis au fil des ans m’ont permis d’acquérir ce que vous appeliez un gros moteur, je suis aussi très résistant. Maintenant, j’ai besoin d’un peu plus de kilomètres pour mettre en route (il rit).
Comment avez-vous préparé cette nouvelle saison ?
L’année dernière, j’avais enchaîné la saison de route avec le cyclo-cross, je n’avais pas pris de vacances. En début d’année, j’avais remarqué que mon organisme était fatigué, je n’avais pas récupéré à 100 % et par la suite, j’ai eu des ennuis de santé qui m’ont gâché le début de saison. Cette année, j’ai opté pour une coupure de vingt, vingt-cinq jours, ensuite j’ai repris tout doucement la route, la musculation et les exercices basiques. J’ai fait trois ou quatre cyclo-cross pour me mettre en condition et garder le rythme, aussi.
Vous êtes aussi allé à Font-Romeu pour vous oxygéner ?
Oui, j’ai passé quinze jours en altitude pour les fêtes et j’y retourne après la Ruta del Sol pendant deux semaines, avant Paris-Nice. J’y monte tous les deux mois environ pendant la saison, c’est une habitude bien ancrée maintenant.
Quelles vont être les grandes lignes de votre saison ?
Je divise la saison en plusieurs blocs. Il y a d’abord Paris-Nice et les classiques jusqu’à Paris-Roubaix où j’espère être en bonne santé et en forme pour optimiser mon potentiel, c’est ce qui me tient le plus à cœur. Ensuite, cette année, il y a une nouveauté dans mon programme, car je vais découvrir le Tour d’Italie. C’est quelque chose que je voulais faire depuis des années déjà et ensuite j’enchaînerai avec le Tour de France.
L’équipe s’est bien renforcée cet hiver, pour vous épauler entre autres sur les classiques…
L’équipe est toute jeune, elle est encore en construction et pour progresser, c’était dans la logique des choses.
Vous a-t-on consulté pour les recrutements et avez-vous fait des suggestions ?
Je ne suis pas manager, ce n’est pas mon rôle, je suis avant tout coureur. Les managers ont toute latitude pour cela, mais oui, ils m’ont tout de même consulté. Le marché était quand même compliqué, avec beaucoup de coureurs sous contrats.
On devrait voir IAM Cycling en évidence dans les contre-la-montre, que ce soit individuel ou par équipes, avec plusieurs champions nationaux de la spécialité.
Oui, nous avons pas mal de spécialistes avec les nouveaux arrivés comme Stef Clement, Jérôme Coppel, mais aussi Matthias Brändle le recordman de l’Heure, moi-même et d’autres. Nous avons une bonne équipe de rouleurs.
Votre famille est très importante pour vous. Cela joue-t-il sur vos performances ?
Oui, c’est vrai, je suis très famille. J’ai remarqué que j’avais de bons résultats quand ma famille était près de moi. C’est très important de savoir que votre entourage vous soutient dans ce que vous faites, c’est rassurant. Il n’y a qu’eux qui me connaissent vraiment. Ils savent si je suis bien ou pas, même si je suis fort mentalement, on a tous parfois des moments de doutes et ils savent me remettre en confiance.
Propos recueillis par Patrick Guino le 22 janvier 2015.