Steven, qu’est-ce qui a changé pour vous depuis le 28 juin dernier, date de votre victoire à Chantonnay ?
Le maillot avec lequel je roule (il rit). Plus sérieusement, les sollicitations, la reconnaissance dans le milieu, c’est ce qui a vraiment changé. Personnellement, à part le fait d’être moins disponible, d’avoir moins de temps pour moi-même, il n’y a pas grand-chose de différent. Je suis resté le même, tel que je l’étais auparavant.
Un titre de champion de France apporte une certaine pression. Comment l’avez-vous gérée ?
Jusqu’à aujourd’hui, j’ai trouvé que la pression était positive. Cela m’encourage à faire de belles courses, à m’appliquer dans ce que je fais. Pour l’instant, elle n’a pas été négative. Au contraire, je pense qu’elle va me permettre d’aller encore de l’avant. Je sens aussi que le regard des autres a changé, sans que ce soit réellement mesurable.
Vous étiez candidat déclaré à une sélection pour Richmond. Bernard Bourreau ne vous a finalement pas retenu. Avez-vous eu le sentiment que vous n’étiez pas encore reconnu à votre juste valeur ?
C’était une déception, oui. Après le Championnat de France, le seul objectif qu’il me restait, c’était d’être présent au Championnat du Monde pour faire le boulot qui m’aurait été donné par le sélectionneur. Ça n’a pas été le cas. J’ai rencontré Bernard Bourreau au Tour du Limousin, ça s’est arrêté là. Je n’ai pas eu de nouvelles de lui. Il ne m’a pas rappelé pour expliquer son choix. Il a dû m’oublier, tout simplement. Il y a aussi le fait que je sois dans une équipe Continentale et que ces équipes sont souvent reniées au moment d’établir les sélections pour les Championnats du Monde.
Un gros changement vous attend l’année prochaine puisqu’après neuf années en Continentale, vous découvrirez la Continentale Pro avec Fortuneo-Vital Concept. N’êtes-vous pas déçu de ne pas avoir suscité plus d’attention des équipes WorldTour ?
L’objectif, c’était d’aller dans une équipe où j’aurais ma place. Il fallait aussi qu’il y ait une envie de m’avoir, pas seulement pour le maillot, mais aussi pour ce que je suis vraiment. Bretagne-Séché Environnement a vraiment cerné le coureur que j’étais. Ils ne me considèrent pas comme un simple sprinteur. Je sais faire beaucoup de choses. D’ailleurs je suis devenu champion de France dans un groupe de quatorze coureurs. Je n’ai pas gagné à Chantonnay en sprinteur. J’ai ma place chez Fortuneo-Vital Concept. Peut-être plus que si j’étais allé dans une autre équipe.
Ce transfert, vous ne le devez pas qu’à un titre, mais à l’ensemble de votre saison très réussie…
Oui, quand je gagne au Championnat de France, c’était ma troisième victoire en quinze jours après la Ronde de l’Oise et la Route du Sud. J’ai gagné quatre courses cette année, je fais deux podiums, je ne fais pas une saison blanche. Mon agent Michel Gros avait déjà reçu une offre de Manu Hubert avant le Championnat de France. Je serais tout de même allé chez Bretagne, quel que soit le résultat à Chantonnay.
C’est une juste récompense après neuf années de sacrifices dans les équipes Continentales, Roubaix Lille Métropole, puis Auber 93.
Je n’ai jamais eu l’impression de devoir aller à l’usine. Je touchais 1360 euros par mois contre 5000 euros pour un coureur d’une équipe WorldTour. Si je continue de faire du vélo, c’est que j’aime mon sport. Cela n’a jamais été une frustration. J’ai toujours travaillé pour arriver à ce niveau là. Ma passion c’était de m’entraîner pour faire des résultats. Intégrer une grosse équipe un jour, c’était la cerise sur le gâteau. Aujourd’hui, c’est fait, j’ai gagné au jeu !
La saison n’est pas tout à fait terminée, mais savez-vous d’ores et déjà comment s’organisera votre coupure hivernale ?
Comme je n’allais pas au Championnat du Monde, je me suis dit que j’allais finir la saison tranquillement, histoire de ne pas terminer sur les rotules pour bien démarrer la préparation pour 2016 après Paris-Tours. J’ai encore beaucoup de sollicitations. Je coupe du 1er au 11 novembre où je pars en vacances. En dehors de ça, je n’ai aucun week-end de libre jusqu’au début décembre entre ma randonnée, celle de Pierrick Fédrigo, la balade des p’tits gars d’Auber et le stage prévu fin novembre.
Avez-vous prévu de modifier votre approche de l’entraînement ?
Actuellement je n’ai pas d’entraîneur. J’ai envie de discuter avec l’entraîneur de Bretagne-Séché Environnement. On ne peut pas changer d’entraînement du jour au lendemain. Il faut trouver le juste milieu. Avoir un entraîneur pourra me permettre de garder mon pic de forme plus longtemps et d’optimiser mes entraînements pour que ça fonctionne mieux. Actuellement, je pense qu’à certaines périodes, j’en fais trop à l’entraînement et à d’autres, pas assez. On pourra me guider à ce niveau-là.
Fonctionner sans entraîneur, c’était une volonté ?
Oui et non. À mes débuts en 2005 à Roubaix chez les amateurs, j’ai pu bénéficier des conseils de Carlo Meneghetti, puis j’ai avancé avec ceux de Cyrille Guimard et de Guy Gallopin. Je suis quelqu’un qui sait m’infliger beaucoup de choses. J’arrive à faire ce que je n’aime pas faire. J’avance comme cela. Avec l’expérience, le recul sur les choses, je pense avoir réussi à m’entraîner correctement.
S’il y a une course que vous rêvez de gagner avec votre maillot bleu-blanc-rouge, quelle serait-elle ?
Paris-Roubaix ! J’y ai participé chez les Espoirs, mais ça fait longtemps que je n’ai pas pratiqué le pavé, sauf sur certaines étapes des Quatre Jours de Dunkerque. Il y a du boulot ! Il faut travailler le coup de pédale et la position pour les absorber au mieux. Mon calendrier 2016 n’est pas encore figé, mais mon début de saison sera tourné vers les classiques flandriennes. Tout dépendra des invitations. J’aurai un autre premier objectif sur Paris-Nice.
Propos recueillis le 2 octobre 2015.