Sébastien, quel bilan dressez-vous du Tour de France de Fortuneo-Vital Concept ?
Le bilan est plutôt correct. Des objectifs qui étaient les nôtres au départ du Tour de France, nous avons loupé le classement général. On visait le Top 20 avec Eduardo Sepulveda mais on savait qu’il n’arrivait pas dans les meilleures conditions après sa blessure qui l’a écarté des compétitions pendant trois mois. Il lui a manqué de la force, même si la condition était correcte. On a vu qu’il avait réussi à progresser pendant le Tour et c’est encourageant. Sa prestation au classement général est décevante (59ème) mais je ne suis pas déçu de lui car nous savions que ça allait être compliqué.
Les satisfactions, elles viennent davantage des places aux arrivées d’étapes ?
Oui car à côté de cela, nous avons fait de belles places, avec six Tops 10, dont une 3ème place au sprint de Dan McLay à Montauban et la 5ème place de Brice Feillu à Finhaut-Emosson. Nous nous sommes bien montrés, avec nos moyens, car nous savons aussi que nous ne pouvons pas concurrencer la Sky ou une équipe comme Movistar. Mais à notre niveau, nous avons fait un bon Tour.
Ce Tour de France a permis à votre jeune sprinteur, Daniel McLay, de s’épanouir. C’est une révélation ?
C’était avant tout un vrai pari pour nous que de l’emmener sur le Tour de France. Nous savions qu’il possédait de très grosses qualités de sprinteur, mais nous ignorions s’il serait capable de passer trois semaines. Au cours de ce Tour, Dan a montré qu’il possédait une grosse santé. Même s’il s’est souvent trouvé en difficulté, il était toujours là le lendemain, toujours vaillant. Il termine le Tour de France, ça prouve qu’on a là un tout bon, capable de réaliser de grosses performances, comme il l’a démontré dans les sprints en première semaine : 9ème à Utah Beach, 9ème à Angers, 7ème à Limoges et donc 3ème à Montauban. Il est clair que dans les prochaines années on devrait pouvoir compter encore plus sur lui.
Vous aviez choisi de courir sur plusieurs tableaux à la fois en alignant un effectif hétéroclite. Est-ce une formule que vous reproduirez à l’avenir ?
C’était mon objectif en début de Tour que d’être capables de jouer sur toutes les étapes. Par le passé, nous n’avions pas forcément de top sprinteur, or quand on sait qu’environ un tiers des étapes du Tour de France se termine au sprint, il était intéressant de disposer d’un coureur rapide. Le reste de l’équipe était également composé de baroudeurs et de grimpeurs. Mais on ne peut pas avoir une équipe entièrement bâtie autour d’un leader. Nous ne sommes pas la Sky, qui met huit super coureurs à disposition d’un leader. Nous sommes là avant tout pour viser des étapes, et si le général vient avec, c’est super.
Quelle image retiendez-vous de ce Tour de France s’agissant de l’équipe Fortuneo-Vital Concept ?
Je retiens que nous terminons le Tour à neuf, parmi lesquels trois néophytes, à qui j’ai dit de bien en profiter sur les Champs. Seules sept équipes ont fini le Tour au complet. Ça prouve que nous disposions d’une équipe solide. Nous avons été présents sur la plupart des étapes. Tous les jours, nous avons eu quelque chose à nous mettre sous la dent. C’était plutôt plaisant.
Ça l’était moins en revanche à vivre du côté de la course au maillot jaune, où chacun a semblé camper sur ses positions. Ce qui a finalement favorisé les desseins d’une équipe comme la vôtre ?
C’est clair que la Sky a distribué les bons. Elle n’était pas du tout intéressée par les victoires d’étape. Dès lors il y a eu souvent une grosse bagarre pour aller dans les échappées. Mais une fois qu’on y était, il y avait de fortes chances pour qu’elle aille au bout. Ça a été un Tour intéressant pour les baroudeurs. Nous sommes dans un cyclisme où il n’est pas facile de contrôler tous les jours, même pour les grosses équipes. Ça laisse des opportunités pour les baroudeurs et c’est plus sympa pour nous.
Que retiendrez-vous de l’aspect sportif de ce Tour de France ?
Je pense qu’on est sur du très haut niveau. Chris Froome est encore un peu au-dessus mais il n’a rien non plus du coureur invincible. Il est fort, mais il n’a jamais écrasé le Tour sur une étape. On l’a vu aller chercher sa victoire finale un peu tous les jours, même sur le plat. Je retiens aussi qu’un gars comme Romain Bardet est capable de faire bouger les choses en attaquant. A ce titre c’est plutôt un Tour intéressant pour l’avenir. La façon de courir d’un Romain Bardet doit inspirer les autres équipes pour le futur. Il termine 2ème du Tour en ayant pris des initiatives. S’il était resté à attendre, il aurait fait 4 ou 5. La prise de risques est payante.
Est-ce un message facile à faire passer aux coureurs dans le cyclisme d’aujourd’hui ?
Nous n’étions pas dans l’optique de faire dans les cinq du Tour, donc je n’ai eu de cesse de répéter à mes coureurs que nous n’avions rien à perdre. Il fallait prendre des risques, ne pas hésiter à aller à l’avant. C’est comme ça que viennent les résultats. Dan McLay, dans les sprints, a couru sans préjugés par rapport aux autres sprinteurs. Il est arrivé avec plein d’envie, et il a fait 3ème à une demi-roue derrière Cavendish et Kittel. On est sur du top niveau et tous les éléments doivent être réunis pour réussir, mais c’est possible.
La saison est encore longue, par quoi passera-t-elle pour l’équipe Fortuneo-Vital Concept ?
On ne va pas tarder à se remobiliser avec tout le programme français à venir, dès ce dimanche à la Polynormande, puis en août sur le Tour de l’Ain, le Tour du Limousin et le Tour du Poitou-Charentes. Ce sera un gros morceau pour nous avec la Bretagne Classic-Ouest-France le 28 août à Plouay. A partir du 1er août, nous passerons à vingt-quatre coureurs avec les stagiaires, et ceux qui n’étaient pas sur le Tour sont déjà très motivés pour faire une belle fin de saison.
Propos recueillis à Chantilly le 24 juillet 2016.