Rudy, comment avez-vous récupéré du Giro ?
Je me suis reposé, j’ai essayé de bien dormir, de faire des petites sorties. C’est la première fois que j’opte pour un repos complet de huit jours et je pense avoir bien fait car je récupère plutôt bien. Les premiers jours, je ressentais encore la pression des semaines écoulées et il m’a fallu retrouver un sommeil régulier. Sur les Grands Tours, on se couche assez tard, donc au retour les premières nuits sont difficiles. Mais quand la pression redescend, on retrouve un sommeil profond et on récupère.
Au cours d’une telle coupure au milieu de la saison, adaptez-vous votre alimentation de façon à ne pas prendre de poids ?
Il faudrait, mais après un Grand Tour ce n’est pas évident. On a faim, vraiment très faim. On sent que le corps demande, qu’il a besoin de calories, d’énergie. On ne fait pas grand-chose, on a le pouls à 50 toute la journée, et même s’il faut essayer de se limiter le soir, j’ai besoin de reprendre des forces et je me fais quand même plaisir.
Faites-vous souvent des coupures sans vélo dans la saison ?
Ça dépend du programme de courses mais j’essaie souvent de faire des petites coupures entre deux et quatre jours sans vélo. C’est ce qui me régénère vraiment. D’autres préfèrent opter pour de petites sorties. Je fais un bloc souple pour reprendre progressivement le vélo, un peu comme sur la période hivernale, avec l’espoir de reprendre la compétition au Championnat de France.
Comment analysez-vous la performance de Thibaut Pinot, vainqueur d’étape et 4ème du Giro ?
Il a fait une grosse performance, comme l’ensemble de l’équipe articulée autour de lui. L’objectif, c’était un Top 5 et une victoire d’étape, il est donc rempli. Notre bilan est excellent. Nous avons relevé de très bons automatismes entre Thibaut et ses équipiers. Nous avons tenu notre place face à des équipes comme Movistar ou Bahrain. Forcément, perdre le podium au dernier jour génère une petite déception, mais quand on prend du recul, on est satisfaits.
A titre personnel, comment avez-vous vécu votre premier Giro ?
J’étais vraiment excité à l’idée de le faire. J’ai désormais couru les trois Grands Tours, et c’est une satisfaction personnelle. Aller sur un Giro pour jouer un Top 5, c’était un gros challenge. J’ai beaucoup appris pendant trois semaines auprès d’une équipe d’expérience. Jouer un général, c’est vraiment particulier. Il faut être concentré tous les jours, à 100 %, même sur le plat avec le stress des cassures dans le final. Ça va m’être bénéfique pour l’avenir.
La dernière semaine n’était-elle pas trop difficile ?
C’est mon avis. C’était trop dur et les favoris n’étaient finalement plus en capacité de mettre de grosses attaques. On veut toujours faire plus dur, mais ce n’est pas forcément bon pour le spectacle. Chacun montait au train, tout le monde comptait sur une défaillance, mais plus personne n’était capable de mener une attaque tranchante. D’un autre côté, on a eu du suspense jusqu’au bout, ce qui donne aussi raison aux organisateurs.
Si vous aviez une image à garder de ce Giro, laquelle serait-ce ?
Ce seraient les « ciao Scarponi » partout, dans tous les villages, dans toutes les montées de cols… Honnêtement, pendant trois semaines et demie, ce n’était pas facile. Ça fait quand même mal au cœur qu’il soit parti et de se le remémorer sans cesse.
Diriez-vous que les Italiens vouent de la passion pour le vélo quand les Français nourrissent avant tout de l’intérêt, surtout au moment du Tour de France ?
C’est avant tout un public de connaisseurs. Ils connaissent le vélo, ils connaissent les coureurs, et ça change beaucoup. On voit beaucoup de cyclistes monter les cols, surtout quand on en termine avec le gruppetto et qu’on se retrouve mêlés aux tifosi qui repartent. Ils aiment le vélo, tout simplement.
Comment pressentez-vous Thibaut Pinot pour le Tour de France ?
S’il arrive à bien récupérer de ce Giro et à arriver au Tour avec un petit peu de fraîcheur, c’est sûr qu’il sera là dans les étapes de montagne. Même si médiatiquement le Tour est un cran au-dessus, il aura moins de pression cette année, et il va surtout mieux la gérer. Le Giro, c’était vraiment la course qui le faisait rêver. Il a atteint son objectif, il va maintenant être libéré sur le Tour. La pression sera davantage sur Romain Bardet, qui est sorti avec la 2ème place l’an passé.
Pensez-vous être au départ du Tour de France à ses côtés ?
Je suis dans la liste élargie, on verra bien. Ça va dépendre de la stratégie de l’équipe et de la performance des autres coureurs au Critérium du Dauphiné et au Tour de Suisse. Vu comment je récupère du Giro, je pense pouvoir enchaîner les deux, même si je ne l’ai encore jamais fait. Même si je ne suis pas bien en début de Tour, je pense que ça peut le faire. Sinon j’espère que ce sera la Vuelta, une course sur laquelle je me suis régalé l’année dernière.
Comment s’est passée votre intégration à l’équipe FDJ en début de saison ?
Très bien. Dès les premiers stages à Calpe, je me suis vraiment très bien intégré à l’équipe. C’est bien organisé, très structuré, très professionnel, et je pense avoir fait le bon choix en rejoignant cette équipe. Ça se voit dans mes résultats, dans ma joie de vivre, je me sens épanoui et je ne le regrette pas.
Vous disiez au départ chercher les assistants de Cofidis aux ravitaillements, y a-t-il de nouveaux repères à prendre quand on change d’équipe ?
Bien sûr, surtout en course. J’ai passé cinq ans avec Cofidis, à chercher du rouge pour prendre la musette, trouver les copains dans le peloton… Au départ, ce n’était pas facile de se repérer et je me suis posé des questions au premier ravito.
On prend de plus en plus connaissance des données des coureurs en direct, est-ce un réel plus pour le vélo ou dévoile-t-on trop de secrets ?
Je pense que c’est bien. On est en 2017, on a besoin de toutes ces nouvelles technologies. Elles existent, autant en profiter et les améliorer. Les caméras embarquées plaisent, quand on voit le nombre de vues sur Internet. Idem sur le matériel. Quand on voit comment Lapierre travaille au niveau du développement de ses vélos, ils font les choses bien.
Le frein à disques, est-ce une révolution ?
Honnêtement, sous la pluie, oui. Moins sur le sec, où les doubles pivots Dura-Ace, avec de bons patins, sont largement suffisants. On sera limités dans tous les cas par les pneumatiques, avant le freinage. Le frein à disques permet de freiner plus tard, mais il faudrait faire des tests dans les descentes pour mesurer les gains. Là où nous avons surtout peur, c’est en cas de chute. Les freins à disques sont très puissants et en cas de freinage d’urgence on peut bloquer les roues. Si un coureur tombe devant nous, il peut y en avoir quinze par terre. Sans compter les problèmes de dépannage. Il faudra encore du temps.