Romain, nous sommes à l’aube du départ du Tour de France. Quelle place visez-vous ?
On peut avoir un objectif élevé sans nécessairement devoir le chiffrer. Il est difficile d’émerger. Pour moi, il y a un trident avec Chris Froome, Nairo Quintana et Alberto Contador, qui sont les coureurs les plus expérimentés sur les Grands Tours. Derrière, il y a une pléïade d’outsiders : Aru, Nibali, Valverde, Van Garderen, Porte, Pinot… Il n’y aura pas de la place pour tout le monde dans les dix premiers du classement général. Il faut être lucide quant à cela. Mais je me réjouis plutôt de cette densité car tout le monde ne pourra pas supporter une course d’attente. Ça va engendrer des ouvertures.
Vous avez terminé 2ème du Dauphiné derrière Chris Froome. Est-ce le favori intouchable ?
Il a je pense l’équipe la plus forte qu’il n’ait jamais eu à ses côtés. Mais avec ce qui nous attend en deuxième partie de Tour de France avec la montagne, plus tous les favoris annoncés qui ont un vrai passé sur les Grands Tours, quelqu’un sera à même de renverser la course à un moment ou l’autre.
Ce podium au Dauphiné, compte tenu de la chute dont vous aviez été victime plus tôt, vous a-t-il complètement rassuré dans la perspective du Tour ?
Nous avons eu un condensé au Dauphiné de ce que peuvent être les aléas d’une course. Ça a été une semaine vraiment compliquée, avec une chute à gérer. Mais on a su se remobiliser et on a vu une merveilleuse course d’équipe vers Méribel. Ça a été une mise en pratique, et ce précédent va compter dans le Tour de France. Nous savons que nous sommes capables de faire de grandes choses et de faire trembler les plus grandes équipes du peloton. C’est ancré dans l’esprit de chacun.
Est-il sensé d’annoncer que des Français sont favoris du Tour ?
Je pense que c’est un peu prématuré de dire ça. Je fais partie d’un groupe de coureurs qui sont là pour jouer le classement général, ça c’est sûr, mais on recense une très grosse densité d’athlètes capables d’entrer dans les dix voire les cinq premiers. La bataille va être vraiment âpre. Hormis des circonstances de course très favorables, il me semble que ce sera compliqué pour un Français de gagner le Tour de France cette année. Après, ce qui fait la magie du vélo, c’est que tous les scenarii de course sont possibles. On peut se prendre à rêver, même s’il est encore un peu tôt, en 2016, pour annoncer que nous avons le favori en puissance.
Comment qualifiez-vous la première semaine du Tour, bien moins piégeuse que ne l’était celle du Tour 2015 ?
Elle est bien plus favorable à des coureurs de mon profil. J’avais trouvé le temps long l’an passé quand il m’avait fallu attendre les Pyrénées, au bout de dix jours de course, avant de trouver la première ascension. Je passais mes journées à éviter les écueils. Cette fois, dès mercredi en Auvergne, on va avoir un terrain sur lequel les puncheurs-grimpeurs vont pouvoir s’exprimer. On arrivera ensuite très vite dans les Pyrénées avec l’étape du Lac de Payolle vendredi via l’Aspin pour voir comment sont les jambes. A priori, il y aura moins de risques en première semaine que les années précédentes, mais on n’oublie pas qu’il y aura des pièges tout le week-end dans la Manche puis dans la longue diagonale jusque dans le Massif central. Il en suffit d’un pour tout perdre. Il faudra donc rester très prudent et ne pas négliger ces premiers jours qui vont être primordiaux.
Fort de vos expériences passées, qu’avez-vous adapté dans votre préparation ?
J’attaque mon troisième Tour de France, et j’ai déjà un peu d’expérience sur ce qui a pu marcher ou non les années précédentes. Par le passé, nous avions tendance à multiplier les reconnaissances et à faire des entraînements intensifs. J’arrivais un peu émoussé parfois au départ des courses. Cette année je me suis concentré sur la récupération. Je me sens frais dispo, j’espère avoir ce surplus de fraîcheur qui sera important pour aller chercher un beau résultat.
Compte tenu de votre expérience, de votre parcours cette saison et de l’équipe qui vous entoure, vous estimez-vous dans les meilleures conditions à l’approche du Tour de France ?
Très honnêtement, je ne pense pas me tromper en disant que je n’ai jamais attaqué un Tour de France dans de meilleures conditions. J’estime qu’en 2014 et 2015, c’était de la découverte, même si j’ai fait un très bon Tour en 2014 (6ème). L’an dernier, l’édition de la confirmation avait été plus compliquée dans son approche. Ces expériences me servent beaucoup dans mon appréhension du Tour cette année. Je me sens relativement serein dans la manière d’aborder l’événement. J’ai hâte d’entrer en action.
Propos recueillis à Saint-Lô le 1er juillet 2016.