Romain, six mois après votre 2ème place dans le Tour de France, tout le monde vous attend déjà l’été prochain, comment le vivez-vous ?
Il est difficile de faire autrement, mais c’est quelque chose qui me plaît aussi. Le Tour de France est la course qui nous apporte les plus grandes émotions et ce sera à nouveau le gros challenge de la saison 2017. J’aurais pu envisager un nouveau programme mais j’ai encore beaucoup d’appétit sur cette course, beaucoup de choses à faire. Et malgré les quatre éditions passées, j’attends toujours juillet avec beaucoup de plaisir et d’impatience. Je sens que j’ai encore des choses à faire et que l’heure n’est pas encore venue de passer à un autre programme. J’ai conscience des attentes et de l’environnement qui va être très particulier à vivre, mais je suis prêt à le vivre. Cette expérience va façonner la suite de ma carrière.
Le renforcement de l’équipe en montagne doit vous aider à franchir un palier supplémentaire ?
Oui, tout à fait. J’ai la chance d’avoir débuté en 2015 une nouvelle aventure pour quatre ans avec l’équipe. Nous nous étions fixés d’atteindre le podium d’un Grand Tour sur ces quatre années, et même si à mi-chemin c’est déjà fait, je regarde avant tout devant. Ce podium n’a fait que raviver mes ambitons et me permet de me projeter sur les deux années qui viennent dans la continuité du très bon travail qui a été fait. Ça passe par une équipe de plus en plus compétitive au fil des ans, et j’espère me montrer à la hauteur de ce groupe et de ses ambitions.
Qu’avez-vous fait cet hiver pour tenter d’aller chercher la 1ère place du Tour de France ?
D’abord, je ne fais pas une obsession du Tour de France. Je suis une démarche d’accomplissement en tant qu’athlète. Je souhaite atteindre la plénitude de mes moyens, continuer à prendre de l’expérience. Si cela amène de meilleurs résultats sur les courses, alors tant mieux. Mais je vois les choses de façon plus générale. J’essaie d’être meilleur dans ce que je fais au quotidien, et ça passe par cette dynamique de progression sur le long terme.
Vous êtes-vous préparé à gérer cette pression qui va désormais sans cesse peser sur vos épaules quant au Tour de France ?
Ça fait trois ans qu’on ne me parle déjà plus que du Tour, je suis donc habitué, même si chaque année ça prend une dimension supérieure. J’ai lu les propos de Thomas Voeckler dans L’Equipe la semaine dernière. Il disait que Thibaut Pinot et moi étions condamnés à vivre toute notre carrière avec ça. Il n’a pas tout à fait tort, ça fait partie des choses que je vais avoir à gérer un bon petit moment, mais il y a pire comme fardeau à porter.
En dehors du Tour, quels seront vos objectifs ?
Je vais essayer d’être plus précis, plus tranchant, moins dans l’attentisme. Je ne veux plus me satisfaire d’un Top 5 ou d’un Top 10. Je veux être plus décisif dans les moments clés sur les grandes courses. Tâcher moi comme l’équipe de prendre nos responsabilités, de courir à armes égales avec les meilleurs, tout en restant humbles et conscients de nos moyens. Vraiment, j’ai envie de me mettre davantage en danger pour essayer de gagner une grosse course.
Liège-Bastogne-Liège, par exemple ?
Ce n’est pas incompatible avec mon programme de courses et ce sera forcément un objectif. Liège-Bastogne-Liège sera la seule classique, avec le Tour de Lombardie, que je devrais disputer cette saison. Mais une classique reste une course aléatoire. C’est beaucoup plus ouvert qu’une course par étapes dans laquelle ce sont toujours les mêmes qui émergent. A côté, j’ai pour ambition de bien figurer sur Paris-Nice, même si réalistement je ne suis pas un coureur de début de saison. C’est un challenge qui me plaît et il sera important d’y être performant dans ma montée en régime pour le Tour de France. Cela me permettra en outre de me familiariser aux attentes du public et des médias.
Découvrir le Giro comme le fera Thibaut Pinot, l’année de la 100ème édition, vous a-t-il titillé ?
Oui, j’y ai pensé. Je suis un compétiteur qui aime découvrir de nouvelles choses, et je souhaite conserver cette curiosité. Maintenant, autant je connais le chemin de la réussite pour arriver compétitif en juillet, autant je ne le maîtrise pas du tout pour arriver en forme au mois de mai. Tenter l’ambitieux challenge de doubler Giro et Tour me paraissait un peu court en 2017.
Où en êtes-vous à ce jour dans votre préparation ?
Je ne suis pas en avance, mais je ne suis pas en retard non plus. J’ai volontairement retardé mon entrée en compétition, qui interviendra au Tour d’Oman (14-19 février) puis au Tour d’Abu Dhabi avant Paris-Nice, de manière à faire les choses dans le calme cet hiver, sans précipitation. Je sais que mon cœur de saison, c’est l’été. Il n’y a donc pas d’urgence à être ultra compétitif le 1er février. J’ai hâte de reprendre, mais je sais prendre du recul et me dire que cette énergie économisée en travaillant les bases à l’entraînement me permettra d’avoir ce surplus de motivation à la mi-saison quand la forme de certains commencera à s’éroder.
L’an passé sur le Tour, vous avez essentiellement perdu du temps sur Chris Froome dans les contre-la-montre. Où en êtes-vous dans l’amélioration de ce point faible ?
C’est un dossier qui avance bien et que je ne délaisse pas. J’ai la chance cette année d’avoir du matériel très compétitif qui me pousse à m’investir dans la discipline. Je roule plus régulièrement que par le passé sur ce vélo, même sans entraînement spécifique. Je m’y sens bien, ma position est validée, du très bon travail a été fait en matière d’aérodynamisme avec Factor et Mavic, et j’essaie de rouler dessus à la maison, même si souvent l’appel des reliefs est plus fort. J’avais déjà fait des études sur ma position par le passé, nous l’avons affinée. Ce sont des petits détails mais ça peut faire la différence. Je ferai mon premier chrono sur Paris-Nice, ce qui sera peut-être un peu court pour observer de premiers résultats concrets.
Votre vie a-t-elle beaucoup changé depuis l’été dernier ?
Non. Vis-à-vis du grand public, certainement, mais ma vie d’athlète est restée la même. L’hiver a été quelque peu modifié, sans pour autant être chamboulé, et dans les grandes lignes je privilégie toujours le côté sportif. J’ai hâte d’accrocher le premier dossard de l’année et de redevenir coureur entièrement.