En ce lundi de Pâques, les cyclotouristes étaient de sortie à Aywaille. Malgré le mauvais temps, ils étaient un bon nombre à prendre le départ de la Rik Verbrugghe Classic, organisée par le Vélo Club La Redoute. Membre d’honneur du club et parrain de la randonnée, l’ancien coureur était bien évidemment présent au départ. Lauréat de la Flèche Wallonne 2001, Rik Verbrugghe est aujourd’hui directeur sportif de l’équipe BMC Racing Team. A l’occasion de cet événement, il a fait part de ses sentiments au carrefour des classiques flamandes et wallonnes.
Rik, pour vous, est-ce important de participer à ce genre d’événement ?
Oui, c’est toujours agréable. Ici, c’est le club de la Redoute qui organise ma randonnée. Ça fait déjà quelques années qu’ils le font. C’est un petit club sympa avec beaucoup d’amoureux de la petite reine. C’est donc toujours agréable de venir à ce genre d’événement. L’an dernier, il y avait plus de mille partants. Le soleil était au rendez-vous. Malheureusement, cette année, le temps était très mauvais, mais c’est le risque en Belgique. On s’amuse bien quand même.
Avoir une randonnée qui porte votre nom, ça vous plait ?
Oui, c’est très agréable. C’est une sorte de reconnaissance pour ce que l’on a fait dans sa carrière.
Que pensez-vous de la prestation époustouflante de Tom Boonen à Paris-Roubaix ?
Tom prouve qu’il fait une très grosse saison. J’ai couru à ses côtés en 2005 quand il est devenu champion du monde, chez Quick Step. J’ai également été son directeur sportif. Je pense qu’il revient à son meilleur niveau, celui de 2005. Cette année-ci est exceptionnelle pour lui. Ça fait plaisir de voir un grand coureur revenir à son meilleur niveau après deux saisons un peu moins bonnes où il a été beaucoup critiqué. Il a montré à tout le monde que l’on pouvait compter sur lui et qu’il n’y a pas que Philippe Gilbert sur les classiques.
Pour l’équipe BMC, la 3ème place d’Alessandro Ballan est-elle satisfaisante ?
C’est-à-dire que l’on tourne autour de la victoire depuis le début. Avec Ballan, Van Avermaet, on a fait 3ème, 4ème, 5ème… On a eu un peu de malchance aussi. Greg Van Avermaet a chuté deux fois, à Milan-San Remo et à Gand-Wevelgem. Il était présent au Tour des Flandres. La seule chose qui nous manque, ce sont les deux leaders que l’on a engagés pour faire une équipe au top, Thor Hushovd et Philippe Gilbert. Pour le moment, ils sont un peu moins bien que l’année passée mais nous avons toujours confiance en eux. Ils vont revenir à un bon niveau. J’espère que Philippe sera un peu mieux et pourra montrer que l’on peut compter sur lui dès les classiques wallonnes.
Au vu de la course, pensez-vous qu’Alessandro Ballan aurait pu mieux faire ?
Je pense que Tom Boonen est au-dessus du lot ces derniers temps. Par contre, s’il y avait toujours eu le Mur de Grammont au Tour des Flandres, je pense que Boonen n’aurait peut-être pas pu suivre Pozzato et Ballan. On a vu sur le Paterberg, qui fait 400 mètres, que Tom était en difficulté. Si l’ancien parcours était toujours en place, Ballan aurait sans doute pu faire mieux mais, à Roubaix, Boonen était intouchable.
Dans le final, pensez-vous qu’il a manqué des coureurs pour épauler Ballan et rouler avec l’équipe Sky ?
Oui, peut-être, mais les Sky, qui étaient quatre, n’ont pas réussi à revenir sur Boonen qui était seul. Etre plus n’aurait sûrement rien changé.
Peut-on dire que, depuis le début de la saison, BMC monte en puissance ?
Pour le moment, l’équipe BMC est bien mais nos deux grands leaders ne sont pas à leur niveau. Les observateurs disent donc que ça ne va pas super bien chez BMC, que nous ne sommes pas assez forts. Mais au Tour des Flandres, quand il ne restait plus que soixante coureurs à l’avant, les huit coureurs de l’équipe étaient toujours présents. Le collectif de l’équipe est fort mais le résultat final, la victoire, n’arrive pas encore. Il faut un peu de patience pour que tout se mette en place. Ça va venir.
La semaine prochaine, ce sont déjà les classiques ardennaises qui arrivent. Pensez-vous que Philippe Gilbert puisse rééditer son exploit de 2011 ?
J’ai l’impression que ce sera difficile car il a un petit retard de condition par rapport aux autres. Il y a des coureurs qui arrivent du Pays Basque et qui sont en forme. Philippe Gilbert a ajouté la Flèche Brabançonne à son calendrier pour avoir des jours de course supplémentaires, en plus de l’Amstel Gold Race, de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège. Je pense qu’il sera présent, mais être au niveau de l’année passée sera très difficile.
Comment se déroulent ses entraînements ?
Il est retourné à Monaco après le Tour des Flandres. Il a été s’entraîner énormément dans les côtes pour attraper un peu plus de rythme. Je pense qu’il est en train de remonter son niveau physique mais je ne peux pas dire si ce sera suffisant pour aller chercher une victoire.
Le Liégeois n’étant pas au sommet de sa forme, Greg Van Avermaet aura-t-il le même statut que Philippe Gilbert pour les courses qui arrivent ?
Avec Philippe, on ne sait jamais. On ne sait pas comment il va réagir aux dix jours d’entraînement qu’il vient de faire. Il peut être bien comme il peut être un niveau juste en-dessous des meilleurs mais, avec son expérience, il peut compenser. C’est donc vrai que l’on va partir avec deux coureurs, Philippe Gilbert et Greg Van Avermaet, sur un pied d’égalité.
Pour vous, qui seront les principaux adversaires de la BMC ?
Nos adversaires seront complètement différents de ceux des dernières semaines. Il y en a qui font les deux mais ce n’est pas évident. On ne verra pas Tom Boonen ni Fabian Cancellara. Le Suisse sera forcément absent, mais ce n’est pas le type de coureur qui s’exprime sur les Ardennaises. On va plutôt retrouver des Sanchez, des Rodriguez, des Valverde, des coureurs de Grands Tours. Les frères Schleck seront sur le même pied que Gilbert. Ils sont un peu en retard mais on ne sait jamais.
Pour le moment, on parle beaucoup de vos leaders pour les classiques mais comment se porte Cadel Evans ?
Cadel va bien. Il a remporté le Critérium International, qui est une course à étapes relativement complète, avec un chrono, des courses en côte et un classement général. Quand on gagne cette course, ça veut dire que l’on a déjà un bon niveau. Mais ses objectifs sont encore un peu plus lointains. Il va venir sur les classiques, il ne sait pas encore lesquelles, puis après il va essayer de faire un beau Tour de Romandie comme il l’a fait l’an passé.
Pourrait-on envisager revoir Cadel Evans gagner la Flèche Wallonne comme en 2010 ?
On va voir. Je pense qu’il est un peu dans la même situation que l’année passée. Malheureusement, il avait des problèmes au genou. Il a donc fait l’impasse sur ces courses pour bien préparer le Tour de Romandie. Cette année, il reste dans la même optique. Il veut faire les classiques puis le Tour de Romandie. Je pense que Cadel Evans est toujours un homme dangereux sur ce genre de courses vu que les coureurs des Ardennaises sont souvent ceux que l’on retrouve sur le Tour.
Le voyez-vous remporter un deuxième Tour consécutif ?
Pour moi, oui. Il y aura deux fois plus de contre-la-montre que l’an passé, près de 100 kilomètres contre 50 en 2011. Cadel est le coureur le plus complet de tous. Il devrait donc faire la différence dans les chronos et, en montagne, ce sera difficile de le lâcher. Maintenant, il ne faut pas avoir un jour sans, mais être physiquement au top. Sans pépins, je vois Cadel Evans se battre pour la victoire.
Que pensez-vous du cyclisme wallon pour le moment ?
Je pense que ça se passe relativement bien. Philippe Gilbert a explosé l’an dernier. Cette année-ci, même s’il est un cran en-dessous à cause de pépins physiques, il est présent. Il y aussi Maxime Monfort et pas mal d’autres bons coureurs. Quand on voit le jeune Gaëtan Bille gagner le Grand Prix Pino Cerami, c’est positif pour le cyclisme en Wallonie.
Y a-t-il autant de ferveur autour du vélo que lorsque vous courriez ?
Oui, je pense que c’est pareil. La culture du vélo a toujours été présente en Wallonie et en Belgique. Même si cette culture est plus ancrée en Flandre, les spectateurs seront présents au bord de la route pour les classiques et le Tour.
Propos recueillis par Pol Loncin le 10 avril 2012.