Quentin, vous faisiez partie du trio bleu victorieux en vitesse par équipes à Cali, et pourtant, vous n’êtes pas sélectionné dans cette discipline aux Championnats du Monde. Est-ce une déception ?
Non, je ne suis pas déçu. Même si je faisais partie de l’équipe à Cali, en terme de chrono, Michael D’Almeida reste plus fort que moi sur le poste de finisseur. Il n’y a rien à dire. La sélection est pour moi logique. Mais c’est une discipline que j’aime beaucoup, sur laquelle j’ai montré des choses intéressantes à Cali. Je vais essayer de progresser dans les années à venir pour l’intégrer en tant que titulaire.
Vous serez aligné sur le kilomètre et la vitesse individuelle. Quels seront vos objectifs ?
Pour ces Championnats, je n’ai pas forcément envie de me fixer des limites. J’ai progressé tout au long de l’année ou plutôt j’ai recommencé à progresser puisque je ne faisais pas partie de la sélection l’année dernière. J’ai fait un podium aux Championnats d’Europe sur le kilomètre et j’ai gagné à Cali en vitesse par équipes. La forme sera là. Je fonde plus d’espoirs sur le kilomètre que sur la vitesse individuelle. Cette sélection est une petite surprise pour moi, mais si on m’a aligné sur la vitesse individuelle, c’est parce qu’il y a quelque chose à faire ! Je donnerai le meilleur de moi-même et on verra où ça nous mènera. S’il y a un podium au bout, ce sera une belle récompense.
Le kilomètre, c’est aussi la spécialité de François Pervis. Travaillez-vous avec lui ?
Du fait que le Centre National est situé à Saint-Quentin-en-Yvelines, on s’entraîne tous les jours ensemble. Ça permet de créer une certaine émulation entre nous. On essaye de profiter des uns et des autres et de s’entraider.
N’est-il pas trop difficile « d’exister » dans une telle équipe de France ?
On existe de plus en plus à partir du moment où on a des résultats. Même si je n’en ai pas autant qu’un Pervis ou qu’un Baugé, je sens que je continue à progresser tous les ans. C’est ce qui me tient en haleine. J’ai réussi à être champion de France de vitesse devant des gars comme ça. Même si je sais que ce n’était qu’un Championnat de France et que sur un Championnat du Monde le niveau sera plus élevé, j’ai quand même réussi à le faire à ce moment-là. C’est qui me donne l’envie de poursuivre et de ne rien lâcher. Ils ont certainement dû passer par ces moments-là avant d’atteindre cette notoriété. C’est comme ça que ça se passe. Si tu marches, tu es sollicité, si tu marches un peu moins, ça viendra plus tard.
Qu’ont changé vos titres de champion de France en vitesse et en keirin ?
Ils m’ont prouvé que je pouvais être complet. Non seulement j’ai gagné la vitesse, mais je gagne aussi trois fois le keirin avant. J’ai déjà gagné le kilomètre aussi. Je suis capable de faire de belles choses dans toutes les disciplines. Au fond de moi, je suis tout de même déçu de ne pas être aligné sur le keirin. Mais je prendrais la vitesse comme une chance.
Votre non-sélection sur le keirin vous frustre plus que celle sur la vitesse par équipes ?
Oui, car j’estime que je n’avais pas encore ma place en terme de chrono sur la vitesse par équipes. À Cali, ça s’était bien terminé, mais ça n’avait pas forcément bien commencé. J’ai eu quelques difficultés en séries. Sur un Championnat du Monde, on ne peut pas se permettre d’aligner une équipe qui n’est pas sûre de pouvoir se qualifier pour la phase finale. Il y a plus d’assurance en ce qui concerne les trois titulaires. Concernant le keirin, j’ai eu la possibilité d’y participer en Coupe du Monde à Guadalajara, mais je suis tombé. Je n’ai pas pu m’exprimer plus que cela. Les entraîneurs ont fait leur choix. Michael et François seront alignés sur le keirin, je leur souhaite bonne chance. Je n’oublie pas pour autant cette discipline. Je bosserai d’autant plus pour faire partie de cette sélection l’année prochaine.
Qu’attendez-vous de ces Championnats du Monde disputés en France ?
J’ai vécu les Championnats du Monde de Bordeaux en 2006 en tant que spectateur. J’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Je n’avais jamais vu un vélodrome rempli en France. En plus, il y avait une ambiance de folie. J’attends beaucoup du public. Je pense qu’il peut nous apporter énormément. Il risque d’y avoir un peu de pression. Mais la plupart des gens qui seront dans le public ne seront pas là pour nous taper dessus si on fait de mauvais résultats. Ils seront plus là pour essayer de nous faire aller plus vite. J’essaierai de m’en servir de ce point de vue là.
Avez-vous conscience de la chance que vous aurez de disputer ces Mondiaux à la maison ?
On y pense tous. On est dans la phase finale de notre préparation. L’état de forme commence à être pas mal. On fait des choses qui nous plaisent de plus en plus à l’entraînement. On s’en rendra vraiment compte au moment de l’ouverture de ces Championnats, quand les autres nations vont commencer à arriver et que l’on continuera à se sentir chez nous. Ce sera assez étrange. On a vécu un Championnat d’Europe en Guadeloupe. Ce n’était pas la France Métropolitaine, mais c’était quand même sympa au niveau du public. J’espère que ce sera la même chose. En encore plus fort dans ce vélodrome couvert. Quand je prendrai le départ du kilomètre, je serai seul en piste. 5000 personnes vont me supporter, c’est le genre de choses qui vous donne des frissons. J’ai l’habitude de bien gérer ce genre d’éléments. Ça ne peut être que du positif.
Le DTN Vincent Jacquet l’a dit, ces Championnats du Monde sont une étape vers les Jeux Olympiques. Sont-ils dans un coin de votre tête ?
Ils y sont depuis longtemps. Mais la qualification olympique est loin d’être facile. Il faut que ça passe soit par le keirin, soit par la vitesse par équipes ou individuelle puisque le kilomètre ne fait pas partie du programme olympique. Je ne fais pas forcément partie des favoris tout de suite, mais il reste un an et demi. À moi de bosser correctement pour pouvoir intégrer cette équipe olympique d’ici Rio. Les quotas ont évolué depuis 2012. À Londres il n’y avait qu’un athlète par nation par discipline. À Rio, il y aura possibilité d’aligner deux athlètes par discipline. Mais il reste un quota maximum d’hommes engagés sur les épreuves de piste. C’est ce qui va restreindre le nombre de participants. En gros, on peut penser qu’il y aura un trio de vitesse par équipes et un homme supplémentaire. Pour le moment nous sommes cinq et il y en aura forcément un qui restera sur le tapis.
Et vous, à quelle position pensez-vous être dans cette hiérarchie ?
Je suis, je pense, pour le moment le cinquième. Mais je ne lâcherai rien. Tout est possible d’ici un an. Il faudra déjà profiter des Championnats du Monde pour montrer ce dont je suis capable. Il restera ensuite une saison complète pour se qualifier. Les Championnats du Monde 2016 seront aussi déterminants. Des choses peuvent se passer d’ici là. Je ne perds pas espoir même si je ne fais pas partie des favoris pour l’instant.
Comment espérez-vous inverser cette tendance ?
Par des petites choses. Je faisais partie de l’équipe qui a gagné la vitesse à Cali. Même si ça n’était pas un Championnat du Monde, j’ai su répondre présent à ce moment. Je ne vais pas arriver en disant que je vais bousculer tout le monde, que c’est moi qui vais prendre la place de quelqu’un. Comme je l’ai dit, d’ici un an, il peut se passer beaucoup de choses.
Propos recueillis à Saint-Quentin-en-Yvelines le 27 janvier 2015.