Philippe, le motif de satisfaction du Tour de France 2013, c’est la victoire des Saxo-Tinkoff au classement par équipes ?
C’est important car les gars ont bossé pendant trois semaines ensemble. On a eu un vrai groupe. Je pense que ce sera un bon souvenir pour eux que d’être montés sur le podium des Champs-Elysées. Gagner le classement par équipes s’est fait sur l’état d’esprit, sur la volonté de se battre ensemble, plus que sur une stratégie.
Samedi dernier au Semnoz, Alberto Contador était-il plus déçu d’avoir perdu sa place sur le podium ou de n’avoir pu peser comme il le voulait sur la course ?
Il a surtout été déçu de ne pas avoir le physique pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs. Tu ne peux pas vraiment peser sur la course si tu n’as pas un physique exceptionnel ou au moins égal à tes rivaux directs. A partir de l’étape de l’Alpe d’Huez on a senti qu’Alberto était un peu en difficulté par rapport à ses adversaires directs. De là, c’était difficile de faire mieux.
S’il a progressé entre le Critérium du Dauphiné et le Tour de France, il n’a pas été en mesure de jouer dans la cour de Christopher Froome. Que lui a-t-il manqué ?
Il avait tout misé sur la dernière semaine et il ne s’était pas trompé. C’était vraiment cette semaine-là la plus difficile. Après, il faut se souvenir qu’il a vécu trois années difficiles. Il a pu souffler en début de saison, on a senti qu’il en avait besoin. Sa remise en route a été un petit peu difficile. La motivation est revenue au fil des semaines, à l’approche du Tour, mais c’était un peu juste pour ce Tour de France. Néanmoins je pense qu’on retrouvera un Contador d’un niveau supérieur sur le prochain Tour.
Ne lui a-t-il pas manqué le rythme du très haut niveau comme c’est le cas sur le Tour de France ?
On le voit dans tous les sports de très haut niveau. Les sportifs qui sont absents pendant un an ou deux arrivent à faire un comeback étincelant tout de suite parce qu’ils ont de l’orgueil, mais une dépression s’ensuit inéluctablement et ce n’est que plus tard qu’ils remontent la pente. Il fallait un peu de temps à Alberto Contador, mais je pense vraiment qu’il pourra à nouveau peser sur les grandes courses l’année prochaine. Nous restons optimistes pour l’avenir.
Roman Kreuziger 5ème du Tour de France a prouvé qu’il n’était pas loin des meilleurs ?
Roman a fait preuve d’un tempérament exceptionnel sur ce Tour et d’un esprit d’équipe formidable. Jamais il n’a pensé à lui. Il s’est vraiment sacrifié pour Alberto et on ne peut que lui tirer notre chapeau. Il a l’étoffe d’un grand. Sans faire tout le travail qu’il a fait pour son leader, peut-être aurait-il pu avoir des ambitions plus élevées, mais c’était la stratégie de l’équipe et tout le monde était d’accord avec ça. Personne n’a de regrets à avoir.
Le voyez-vous devenir très rapidement un leader ?
Il en a l’étoffe, que ce soit au Tour d’Italie, au Tour d’Espagne ou au Tour de France dans le futur.
Pensez-vous que nous soyons partis pour une longue domination de Christopher Froome au palmarès du Tour de France ?
Ça fait dix-huit mois qu’il domine le peloton mais on voit quand même que ça bosse dans les autres équipes. Des choses sont mises en place, de nouveaux coureurs arrivent avec une génération de Colombiens et des jeunes coureurs qui sont prometteurs et qui empêcheront peut-être Chris de gagner trois, quatre ou cinq Grands Tours d’affilée.
Propos recueillis au Semnoz le 20 juillet 2013.