Philippe, vous voilà doté du maillot jaune du Tour de France. C’était votre objectif et décidément, tout vous réussit cette année ?
J’ai réussi une série assez extraordinaire en gagnant toutes les courses dont j’ai pris le départ depuis la Flèche Brabançonne en avril. Le Tour de France, c’est magnifique. C’est un rêve d’enfant. Je n’avais jamais gagné d’étape ni porté le maillot jaune auparavant. En quelques secondes, j’ai tout réalisé.
Vous étiez venu pour gagner, mais encore fallait-il le faire…
Je ne sais pas si j’ai impressionné les fans de vélo, mais c’est une journée juste extraordinaire. Je savais que cette étape me convenait, tout le monde le savait au sein de mon équipe. J’avais manifesté mon souhait de gagner aujourd’hui. Nous avons donc assumé le travail dès le départ. Nous n’avons pas fait la guerre pour avoir de l’aide. Les Garmin-Cervélo nous ont timidement aidés mais nous avons dans l’ensemble assumé nos responsabilités. L’équipe a accompli du bon boulot que j’ai pu conclure.
Comment avez-vous vécu cette journée ?
J’ai été aidé toute la journée par mon équipe. Ca m’a donné de la confiance, ça m’a permis de rouler devant, tout comme Jurgen Van Den Broeck. Ca a été une journée sans stress, sans chute pour nos leaders. Dans le final, j’ai remarqué que c’était dangereux. J’ai tout donné pour y arriver, je suis très fier de porter le maillot jaune.
Comment avez-vous réagi quand Fabian Cancellara est sorti à proximité de la ligne ?
Je m’y attendais. C’est pourquoi j’ai suivi. Quand je suis parti à 500 mètres, je me suis dit qu’un mini contre-la-montre commençait, je savais que je pouvais faire un écart. A 400 mètres du sommet, je me suis retourné et j’ai vu que l’étape était gagnée. Je me suis alors attaché à gagner un maximum de temps. Je prends 3 secondes sur Evans, 6 sur le reste. C’est quasi sûr qu’on perdra le maillot jaune demain mais on peut le reprendre mardi, c’est une belle motivation.
Vous n’aviez plus participé au Tour de France depuis 2008, comment avez-vous vécu vos retrouvailles ?
Il y a trois ans j’avais terminé 2ème de la première étape à Plumelec, cette fois je parviens enfin à gagner et c’est formidable. Déjà gagner le Championnat de Belgique dimanche dernier était une grande fierté. Je sais que c’est pour un an. Ici, le maillot jaune, j’ai bien conscience que c’est pour quelques heures, pas davantage. Alors je vais tâcher d’en profiter au maximum.
Vous ne vous voyez plus en jaune demain soir après le contre-la-montre par équipe ?
Je suis venu ici pour gagner une étape et porter le maillot jaune, si j’obtiens plus ce sera du bonus et ce sera superbe. Demain, nous pouvons défendre nos chances, mais gagner certainement pas. Trois de nos coureurs sont tombés aujourd’hui, on donnera notre maximum mais ce ne sera pas facile. Après, il y aura l’étape de Mûr de Bretagne mardi. J’y viserai là une nouvelle étape et peut-être la reconquête du maillot jaune.
Mesurez-vous ce que vous accomplissez cette saison ?
C’est difficile de le réaliser. Je fais juste une saison inespérée. J’ai gagné énormément de belles courses, beaucoup d’affilée. J’écris un record, c’est magnifique, et je profite de chaque instant. Je remercie mon équipe après chaque victoire car elle participe à chacune d’entre elles. Finaliser ce travail pour eux est magnifique.
Si vous deviez hiérarchiser ce que vous faites jusqu’à présent, quelle victoire retiendriez-vous ?
Pour moi Liège-Bastogne-Liège était un rêve d’enfant, aujourd’hui c’en est un autre qui se réalise. Gagner une étape du Tour et porter le maillot jaune, chaque ado en rêve. J’en ai rêvé par le passé. Je pense ne pas encore m’en rendre compte, mais lorsque je me déshabillerai pour aller me doucher ce soir, et que je verrai le maillot à côté du lit, ça me fera quelque chose. C’est un deuxième rêve qui se réalise sur la course la plus médiatisée du monde. Je rafle tous les maillots, hormis le blanc de meilleur jeune pour lequel je suis trop vieux, alors je profite !
Pensez-vous être battable ?
J’ai vu un coureur il n’y a pas si longtemps capable de me battre, un garçon encore très jeune. Je crois que Peter Sagan est le seul coureur au monde capable de rivaliser avec moi. Je me réjouirais de me battre face à lui, je voudrais voir ça un jour car ça ne m’est jamais arrivé.
Pouvez-vous défendre un maillot vert sur la totalité du Tour ?
Je n’ai pas trop compris le changement de règlement avec les sprints intermédiaires, c’est confus. Je ne sais pas si ce sera évident de rivaliser avec les sprinteurs. On verra, pour moi ce n’est pas encore important. Si ça doit venir, ça viendra naturellement. Ce n’est pas une motivation, il n’est pas dans ma tête, mais ça peut le devenir. Marc Sergeant m’a dit que McEwen fonctionnait comme ça par le passé. La meilleure façon d’aborder le maillot vert, c’est sans stress. D’abord se faire plaisir, gagner des étapes, après on entrera peut-être dans la course au maillot vert.
Propos recueillis au Mont des Alouettes le 2 juillet 2011.