Nicolas, comment avez-vous vécu ce Tour de France en comparaison des précédents ?
Par rapport à 2014, c’est cent fois meilleur ! Par rapport à 2013, j’avais deux années d’expérience en plus pour gérer la pression. Ça s’est plutôt bien passé. Si l’on parle de mon travail, c’était plutôt facile de mon côté. Je pense que je vais davantage profiter de cette victoire par rapport à 2013 où c’était ma première année en tant que directeur sportif numéro un sur le Tour. C’était une sacrée pression. A la fin du Tour 2014, nous étions déjà très concentrés sur le Tour 2015. Il y a eu un an de préparation.
Quelles ont été les différences entre le Tour 2013 et celui de cette année ?
L’équipe était, je pense, plus solide. On a senti une adversité plus complète. On savait que Nairo Quintana allait être bien en troisième semaine. C’était une grosse tension tous les jours. Pas seulement pendant les étapes, mais aussi après. On est contents que ça se finisse.
L’échec du Tour 2014 vous a-t-il servi ?
Je n’aime pas dire que l’on apprend plus de ses échecs que de ses victoires, mais je suis assez d’accord. Même quand on gagne, il faut savoir analyser les points forts et les points faibles. En 2013, l’équipe l’a fait et je l’ai fait moi-même personnellement. Je me suis demandé où j’avais été bon, où j’avais été moins bon et où je pouvais m’améliorer pour devenir meilleur. Depuis 2013, nous nous sommes améliorés sur ces détails. En 2014, on aurait pu se dire qu’on ne pouvait pas éviter les chutes. Mais il y a des histoires de placement. Si l’on se place au milieu du peloton, il y a une centaine de coureurs qui sont susceptibles de nous faire tomber. Si l’on se met à l’avant, on réduit les chances, puisque seuls les autres membres de l’équipe sont devant. Il y a donc eu une sélection dans l’équipe où nous avons pris compte de la capacité des coureurs à savoir frotter, à être fluide. Ensuite, nous avons fait un travail de fond.
En quoi a-t-il consisté ?
Déjà à la Vuelta l’an dernier, c’était important pour Chris de faire un Grand Tour, de ne pas faire une année blanche. Mais aussi parce qu’il reste un athlète de haut niveau et qu’il avait besoin de taper dur. On sait très bien que, quand on est néo-pro, en faisant un Grand Tour, on passe un cap. C’est pareil pour les grands coureurs qui ont besoin de faire au minimum un Grand Tour dans l’année. Sinon, on a beau s’entraîner, on n’arrive jamais à pousser le corps à ses limites.
Geraint Thomas a réalisé deux très bonnes premières semaines, avant de s’écrouler sur les deux dernières étapes alpestres. Comment l’expliquez-vous ?
Je pense que c’est tout à fait normal. Il ne faut pas oublier qu’avant la Toussuire il était encore 4ème du général. C’est quelqu’un qui n’a pas roulé pour sa place. Il a donné beaucoup d’énergie pour Chris. Geraint, comme Alejandro Valverde, est un coureur qui a roulé aux côtés de son leader, à la même vitesse que lui tout en prenant le vent. Il est allé plus loin dans l’effort chaque jour. Je pense qu’il a fini par le payer. C’est normal. C’est aussi son travail.
Le programme de Chris Froome jusqu’à la fin de la saison a-t-il été établi ?
Il doit encore être décidé. Nous devons encore y réfléchir. On aimerait qu’il aille disputer la Vuelta, lui aussi. Mais il va être très important de faire un débriefing et une analyse dans les dix jours pour voir où en est tout le monde. Quand le Tour se termine, la pression retombe et c’est là que l’on se rend compte de l’état de fatigue des coureurs. Il faut être prudent avec tout ça. Mais il est en tout cas très motivé pour faire la Vuelta. En ce qui concerne le Championnat du Monde, cela pourrait faire partie de son programme, mais honnêtement, je ne pense pas que ce soit un vrai objectif. Tout va dépendre de la Vuelta. C’est beaucoup d’enchaîner le Dauphiné, le Tour, la Vuelta et le Championnat du Monde. C’est une course d’un jour, c’est particulier. Chris est un coureur de Grand Tour. Il a le physique pour remporter une course d’un jour, mais c’est plus compliqué.
Le doublé Tour-Vuelta est-il plus facile que le doublé Giro-Tour ?
Oui. Sur les trois d’entre eux, il y en a un qui doit être l’objectif. Nous, c’est le Tour. Si l’on y réfléchit, il vaut mieux réaliser notre objectif et enchaîner avec un autre Tour derrière. Physiquement, c’est beaucoup plus simple. On ne peut pas se dire que le Tour est l’objectif numéro un en démarrant avec le Giro. On prend beaucoup plus de risques. Maintenant que le Tour est gagné, s’il va sur la Vuelta et qu’il la gagne, c’est tout bénéfice. S’il ne la gagne pas, ce n’est pas grave car le Tour est déjà en poche.
Propos recueillis à Paris le 26 juillet 2015.