Nicolas, quel sentiment prédomine au terme du Tour de France 2017 : le soulagement ?
Je pense que c’est exactement le mot après avoir été sous tension pendant si longtemps. Il nous a fallu penser à dix milliards de choses, et l’avance dont bénéficiait Chris Froome avant le contre-la-montre de Marseille était vraiment mince. Une crevaison, une chute, n’importe quel incident aurait pu anéantir ces quelques secondes d’avance qu’il avait sur ses adversaires. Les conditions de préparation du chrono n’ont pas été optimales : on nous a accordé trente minutes de reco, soit le temps des meilleurs pendant le contre-la-montre, la caravane circulait en même temps, c’était un gros point noir.
Au fil des années et des victoires dans le Tour, vous sentez-vous davantage sous pression ?
Pas forcément. A Düsseldorf, je ne me sentais pas sous pression, j’avais juste envie de démarrer. Avec les années, on s’habitue tous à gérer la pression extérieure. En revanche nous nous appliquons tous une pression positive et nous sommes gonflés à bloc.
Sur quels domaines Chris Froome a-t-il progressé ?
Je pense que le groupe a été plus performant. Les directeurs sportifs, les entraîneurs, les coureurs, tout le monde est devenu plus serein. Nous sommes plus sereins quand il y a du vent car nous nous savons capables de prendre du temps à nos adversaires. On peut gagner du temps en montagne, en chrono, en descente… Ce n’était pas le cas il y a encore quelques années, quand nous étions prenables sur davantage de terrains. Nous avons tous progressé, et c’est ce qui explique pourquoi on retrouve souvent les mêmes gars autour de Chris. Nous entretenons notre savoir-faire.
Quel regard portez-vous sur la concurrence ?
Elle progresse et on l’a encore vu cette année. L’écart est encore plus petit. Le parcours y a fait pour beaucoup, mais chapeau à Rigoberto Uran et Romain Bardet, qui sont montés très vite dans les ascensions. On s’interrogeait sur les performances de Chris mais ce sont les autres qui progressent.
Mikel Landa a manqué le podium pour 1 seconde en faveur de Romain Bardet, vous sentez-vous frustré ?
L’année dernière, Romain était monté sur le podium en bougeant dans une descente au bon moment. C’était un bon coup stratégique. Mais cette année, clairement, il était très fort. On l’a encore vu au sommet de l’Izoard, quand il attaque Froomey. Et son équipe a progressé aussi. Qu’il termine sur le podium est mérité. Maintenant, finir à 1 seconde avec Mikel Landa est dommage, mais la beauté du sport est finalement respectée car Romain l’a amplement mérité.
Mikel Landa a fait savoir son intention de quitter l’équipe, cela a-t-il généré du stress supplémentaire ?
Nous avons pris Mikel chez nous car nous croyions en lui. Nous l’avons inscrit au Giro en tant que leader tant l’an dernier que cette année. On le savait capable de gagner un Grand Tour. Ça ne s’est pas très bien passé. Malgré tout nous avions besoin de lui en troisième semaine sur le Tour. On savait que si on pouvait l’avoir dans les dix au classement général, lui ou Sergio Henao, ce serait stratégiquement important en fin de Tour. S’il veut changer d’équipe après la saison, nous l’accepterons. Mais nous ne changerons pas notre façon de faire pour lui.
L’entrée possible dans le club des Cinq la saison prochaine va-t-elle mettre une pression supplémentaire à Chris Froome ?
Non, il ne le faut pas. Ce serait bien de le faire, mais ce ne sera pas l’objectif ultime. Qu’on ait gagné le Tour cinq fois, trois fois ou deux fois, on s’en fiche. La pression, elle viendra du parcours. On avait compris dès octobre dernier qu’il y aurait du challenge sur ce tracé 2017. Et finalement je suis très content qu’on ait pu gagner celui-là. Il ne s’est pas joué que sur la force mais sur la stratégie. Quand on a repris le maillot à Fabio Aru à Rodez, il n’y avait rien de physique. C’était juste du placement. Même chose avec Mikel à Foix, quand on l’a remis devant pour le rendre dangereux pour nos adversaires. A chaque fois que nous avons voulu faire quelque chose, nous avions un plan le matin, et à chaque fois ça marchait. Quand on y pense c’est assez incroyable.
Doubler Giro et Tour comme l’a fait un coureur comme Nairo Quintana, comme l’a fait aussi Mikel Landa, devient de plus en plus compliqué si l’on veut jouer la gagne…
Je ne dirai pas que c’est impossible car par nature un sportif a horreur d’entendre ça. Mais c’est compliqué. Et puis c’est logique. De plus en plus d’équipes se professionnalisent et il y a moins d’écarts entre les meilleurs. Ce que nous faisions il y a quatre ou cinq ans, désormais tout le monde le fait. Sur ce Tour, ça a été tous les jours le feu. La moyenne est moins haute mais c’est intense toute la journée.
Autour de qui s’articulera l’équipe de la Vuelta ?
Autour de Chris Froome. Ce n’est pas un secret : il a envie de faire le doublé. Il n’y a pas les Jeux Olympiques cette année entre le Tour et la Vuelta, ce qui va nous permettre de faire une préparation un peu plus légère pour arriver au mieux sur la Vuelta. Geraint Thomas est remonté sur le home-trainer mais mentalement ce sera compliqué pour lui de faire la Vuelta après son début de saison en Australie, sa préparation pour le Giro, le Giro à fond et le début du Tour !