Nicolas, l’équipe Roubaix Métropole Européenne de Lille a choisi de vous intégrer à son effectif jusqu’à la fin de la saison. Dans quelles circonstances est intervenu ce recrutement ?
Comme chacun sait, l’équipe a perdu Daan Myngheer le 28 mars dernier. Elle évolue depuis avec un effectif réduit, qui plus est avec la blessure de Louis Verhelst, qui est en phase de reprise. En attendant l’arrivée des deux stagiaires qui viendront en renfort à partir du mois d’août, il manquait deux coureurs à l’effectif. De mon côté, j’ai enchaîné les bons résultats, même s’ils ont été réalisés sur des courses régionales de 1ère et 2ème catégories. On m’a demandé de confirmer en Belgique, où je suis allé faire des podiums sur des Elites. Et au-delà des résultats, il a aussi fallu convaincre Cyrille Guimard. Mais Daniel Verbrackel et Alain Bondue, qui a également parlé pour moi, ont été pour beaucoup dans mon recrutement.
Vous étiez 2ème catégorie au VC Roubaix, quand l’idée de rejoindre les rangs professionnels a-t-elle germé dans votre esprit ?
J’ai repris le vélo l’année dernière et j’ai recommencé à courir en début de saison. Sans penser un seul instant passer professionnel en cours de saison ! Quand j’ai commencé à avoir de bons résultats, on en a parlé sur le ton de la plaisanterie avec le manager de l’équipe Daniel Verbrackel, qui est avant tout un ami. Cyrille Guimard, qui cherchait quelqu’un pour renforcer le groupe, a surpris notre conversation et s’est dit pourquoi pas. Etant déjà au club, c’était plus simple pour tout le monde. Je connais déjà les coureurs de l’équipe pro pour avoir roulé avec eux cet hiver lors de leur rassemblement à Roubaix. Ça va faciliter l’intégration.
Avez-vous suivi une préparation spécifique pour aborder ce nouveau défi ?
A l’entraînement, je suis resté sur ce que je faisais, car en milieu de saison cela ne sert plus à rien de faire des sorties de sept heures ou des stages particuliers. Rouler vite, je sais faire sur les courses en Belgique, qui se courent à fond sur 130 kilomètres. Chez les pros, les courses seront plus longues mais également davantage contrôlées, je ne me fais donc pas de souci quant à la distance. Reste à enchaîner les jours de course, ce que j’ai tâché de faire en Belgique ou en France ces dernières semaines pour arriver avec un niveau correct à la Ronde de l’Oise (9-12 juin) et au Tour de Savoie Mont-Blanc (16-19 juin).
Cette signature chez les pros, c’est l’aboutissement d’un parcours qui a commencé au Vélo Club de Roubaix en 1997…
J’y ai commencé chez les Cadets et y ai fait toutes les catégories avant d’intégrer l’équipe DN1 à la sortie des Juniors. J’y ai réalisé trois années chez les Espoirs avant de partir au CC Nogent-sur-Oise. Là, j’ai fait ma meilleure saison en terminant dans les quatre meilleurs Français. Mais cette année-là ce n’était pas suffisant. A Nogent, je roulais avec Christophe Riblon, Sébastien Minard, Guillaume Levarlet, Kevin Lalouette, William Bonnet… Faire sa place au milieu de ces coureurs a été difficile quand on voit la carrière qu’ils ont tous eue par la suite. Si j’ai fait ma meilleure saison cette année-là, je n’ai pas pu passer pro. Ça a été une déception et je suis revenu pour un an à Roubaix avant de préférer arrêter en 2005.
Il s’est alors écoulé dix ans sans que vous ne touchiez au vélo ?
Exactement. J’ai pratiqué d’autres sports, j’ai joué beaucoup au tennis. Et c’est d’ailleurs pour me faire une condition pour le tennis que j’ai repris le vélo en 2015. Et au final j’ai arrêté le tennis pour reprendre le vélo à 100 % ! J’ai commencé à courir l’année dernière en Belgique, où j’ai gagné dix courses. J’arrive chez les pros dans l’inconnue mais avec l’envie de courir devant et la confiance engendrée par mes nombreuses victoires. Je sais que les courses ne seront pas les mêmes mais j’ai envie de continuer à courir comme je le fais depuis le début de la saison. On verra alors comment ça se passe.
Comment sont revenues les sensations après une interruption aussi longue ?
J’ai quasiment roulé un an avant de reprendre la compétition et j’ai été surpris de constater que les sensations revenaient vite. Surtout, je me suis retrouvé avec des automatismes que je n’avais pas forcément quand je courais à 22 ans. A l’époque je roulais derrière pour ne pas frotter quand aujourd’hui je frotte et je cours devant. J’avais tendance à ne pas sprinter et à bien passer les bosses quand désormais je vais relativement vite au sprint. J’ignore encore où j’en suis sur des parcours accidentés, mais j’ai en tout cas attrapé une pointe de vitesse qui m’a permis de gagner pas mal de courses chez les amateurs. Faire 3ème d’un sprint massif comme je l’ai fait vendredi dernier, je ne l’aurais jamais fait à 22 ans. Je pense avoir perdu beaucoup de temps chez les jeunes à courir derrière, alors que c’est beaucoup plus dur que de faire la course devant. Aujourd’hui je m’attache à courir différemment.
En parallèle, vous menez également une activité professionnelle. Comment conjuguez-vous vos deux activités ?
Depuis que j’ai arrêté le vélo, je suis commercial pour des jouets de collection destinés aux ados et aux adultes : des figurines de cinéma, de mangas, des mugs, des tee-shirts. Sur Star Wars, Marvel etc. Aujourd’hui mon patron ne me donne pas de contrainte de temps de travail. J’ai un chiffre à faire, qu’importe que je le fasse sur une journée ou sur cinq jours. J’essaie de faire en sorte de faire mon chiffre le plus rapidement possible pour pouvoir consacrer du temps au vélo.
A 33 ans, que pensez-vous pouvoir apporter à l’équipe Roubaix Métropole Européenne de Lille ?
De l’expérience sur un vélo, les coureurs en ont tous plus que moi dans l’équipe. En revanche je pense pouvoir leur apporter mon expérience de vie. Mon recrutement ne s’est pas fait sur le côté sportif mais sur le côté humain. Le groupe est jeune et un peu dans le dur depuis le décès de Daan. De mon côté j’ai cette fraîcheur mentale. Et cette expérience de vie. Le monde du travail est très compliqué aujourd’hui, je peux leur faire comprendre qu’ils ont de la chance de faire du vélo et d’être payé pour ça. Même s’ils ont eu un coup dur pendant la saison, je souhaite leur faire passer le message qu’ils ont une chance à saisir. Qu’ils doivent se battre pour ne rien regretter et faire du vélo le plus longtemps possible.
Propos recueillis le 8 juin 2016.