Nicolas, Poitou-Charentes-Futuroscope 86 est la seule équipe française membre du nouveau Women’s WorldTour. Quelles ambitions pouvez-vous y nourrir ?
Nous essaierons de nous montrer aussi performants que possible sur ces épreuves. Mais nous avons conscience que cela restera difficile. Une 10ème place au classement final serait une très bonne chose. Face aux très grosses équipes, il est difficile de rivaliser. Nous l’avons vu sur les premières courses, un monde nous sépare des quatre ou cinq meilleures équipes mondiales, que ce soit au niveau des moyens financiers ou humains. Nous ne pouvons pas être acteurs de la course comme elles le sont, même si nous pouvons créer la surprise. On a beau faire partie du WorldTour, il existe de grandes différences entre ces équipes et nous.
Dès lors quel est votre intérêt à participer à ce circuit ?
Notre intérêt est de faire de belles courses et d’essayer de faire au mieux face à ces équipes. Nous n’avons pas l’obligation de participer à toutes les épreuves du WorldTour. Les épreuves ne financent pas à 200 % les déplacements et cela reste un coût. Nous ne pourrons pas, par exemple, nous déplacer sur les épreuves américaines pour cette raison. Quoiqu’il arrive, nous ne sommes pas ridicules en occupant le 12ème rang au classement UCI. Nous sommes capables de faire de belles performances malgré tout. Le cyclisme féminin est ainsi fait aujourd’hui. Il existe de grandes différences entre les toutes meilleures équipes et les autres. Contrairement aux nôtres qui ne sont pas rémunérées, leurs filles sont professionnelles. Sans parler des différences avec le cyclisme masculin qui reste une problématique.
Au final, le Women’s WorldTour apporte-t-il quelque chose de plus que la Coupe du Monde ?
Seul le nom a changé. Les mêmes équipes sont au départ des mêmes épreuves. Je pense que la volonté est simplement de se rapprocher du cyclisme masculin pour avoir deux identités identiques et pour mettre en place les mêmes choses. Mais dans ce cas, il faut que l’UCI, la FFC et les partenaires privés nous aident davantage !
En bénéficiant de cette image de marque, votre but est-il également d’attirer de nouveaux sponsors et de professionnaliser davantage votre structure ?
Cela fait partie des grandes questions que nous nous posons aujourd’hui. Notre but est de trouver un gros partenaire qui veut aider le cyclisme féminin. Si nous trouvons ce sponsor, nous pourrons rivaliser avec les meilleures équipes étrangères. Trouver une identité de marque, c’est un objectif à court terme. Actuellement, au sein de l’équipe, nous avons quatre-vingts partenaires pour un budget de 500 000 euros. En doublant ce montant, en atteignant le million d’euros, nous pouvons faire quelque chose de très bien et faire partie des cinq meilleures équipes internationales.
Avez-vous des pistes ?
Non, pas forcément. Nous sommes en recherche active. Qu’il s’agisse d’une équipe professionnelle déjà existante ou d’un nouveau partenaire, nous sommes ouverts à toutes les propositions.
Comment expliquez-vous que la professionnalisation du cyclisme féminin n’ait pas concerné la France jusqu’ici ?
Je pense tout d’abord que les équipes professionnelles en France ne sont pas intéressées par le cyclisme féminin. À l’étranger, des équipes comme Rabobank, Orica ou Giant-Alpecin, ont ou ont eu une équipe féminine en parallèle de leur équipe masculine et ont prouvé leur intérêt pour le cyclisme féminin. En France, cette mentalité n’existe pas. On entend encore régulièrement que les filles n’ont rien à faire sur un vélo…Alors que le cyclisme féminin n’a rien à envier au cyclisme masculin. Les filles sont motivées et se donnent les moyens de réussir. Elles s’entraînent comme peuvent le faire des gars.
Pourtant, on a rarement autant parlé du cyclisme féminin grâce à Pauline Ferrand-Prévot…
C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. C’est dommage de voir les meilleures françaises dans l’obligation de partir à l’étranger car il n’existe pas de structure professionnelle en France ! Pauline pourrait très bien courir dans une équipe française. Elle est en fin de contrat à l’issue de la saison. Si nous trouvons un partenaire susceptible de mettre en place une équipe, ce sera peut-être le moment de la récupérer.
Comment fonctionne votre structure au quotidien ?
Seule Roxanne Fournier fait du vélo à plein temps et a un contrat dans l’équipe. Les dix autres filles travaillent ou sont pour la plupart étudiantes et font du vélo par passion sans gagner d’argent. Elles doivent se débrouiller pour concilier travail et sport de haut niveau, à l’image de certains coureurs amateurs en France. Elles doivent trouver le bon équilibre.
C’est-à-dire ?
Elles se lèvent à 7h00 pour être à 8h00 en cours ou au travail et rentrent chez elles à 18h00. Il faut donc trouver des créneaux pour aller à l’entraînement. Cela vaut aussi pour les compétitions. Certaines ont le statut de sportives de haut-niveau pour sauter certains cours, mais ce n’est pas toujours le cas. Nous avons été dans l’obligation de prendre le départ du Tour de Drenthe à quatre samedi dernier. Nous étions en période d’examens et tout le monde ne pouvait pas se libérer. C’est tout de même dommage ! Les autres équipes n’ont pas ce problème. Le pire, c’est que nous ne pouvons pas les obliger à se libérer puisqu’elles ne sont pas rémunérées et qu’elles restent bénévoles.
Propos recueillis le 17 mars 2016.