C’est à l’issue de la classique Paris-Tours que Morgan Kneisky (Roubaix Lille Métropole) vient de terminer sa première saison chez les professionnels. Mais comme chaque année, avec l’arrivée de l’automne, c’est également le début d’une nouvelle aventure sur piste.
Morgan, comment fais-tu pour gérer route et piste ?
C’est plutôt simple car la piste est devenue une vraie discipline hivernale. La saison internationale commence en novembre et se termine au printemps. Durant l’été, j’effectue donc ma saison de route, en l’occurrence chez Roubaix Lille Métropole, et ensuite, après Paris-Tours, je me consacre uniquement à la piste avec des objectifs bien précis. C’est seulement en janvier que j’inclus dans mon programme un entraînement de route afin d’être présent dès février sur les courses du début de saison. Et là, jusqu’à la fin mars, c’est le moment le plus délicat. Le calendrier routier se chevauche avec les Championnats du Monde sur piste qui ont lieu fin mars.
Ça veut dire que les Championnats de France 2010 n’ont pas été vraiment préparés ?
Non, mais après les Championnats de France sur route il y a le Tour et pendant le Tour, très peu de courses sont programmées, si bien que je me suis organisé un petit stage personnel sur la piste de Hyères juste une semaine avant les Championnats. C’est peu mais ça m’a permis de me remettre dans le coup et de décrocher le titre de la course aux points.
Et puis l’hiver, c’est également la période des Six Jours ?
Oui, mais l’année dernière je n’ai fait que ceux de Grenoble. C’était Jacky Mourioux, le Directeur Technique de l’équipe de France, qui devait se charger de remplir le calendrier. J’avais participé à quelques manifestations Espoirs dont les courses se déroulent juste avant la catégorie des professionnels. Pour cette saison, c’est monsieur Sercu qui m’a contacté et m’a proposé un calendrier d’hiver.
Il n’y a pas eu un vrai engouement après ton titre mondial du scratch de 2009 ?
Il ne s’est pas passé grand-chose, effectivement.
Dans les semaines à venir, priorité aux Six Jours ou à la Coupe du Monde ?
Je vais essayer d’alterner les deux. Les Six Jours me serviront à préparer les manches de la Coupe du Monde. Par exemple, fin octobre, je disputerai les Six Jours d’Amsterdam puis ceux de Grenoble afin d’arriver en condition pour les Championnats d’Europe de l’américaine. Je ferai l’impasse sur la manche de Coupe du Monde de Melbourne car dans la foulée, l’équipe de France se rendra directement à Cali, en Colombie. Cela fera un voyage de quatre semaines auxquelles on ajoutera deux décalages horaires : douze heures dans un sens et six heures dans l’autre. Selon moi, c’est trop. Je préfère le circuit européen des Six Jours avec des voyages beaucoup moins usants.
Financièrement, ça se passe comment ?
Je signe un contrat de travail avec un salaire de base et ensuite, comme à Grenoble, chaque point marqué équivaut à une somme d’argent. Plus on marque de points et plus on gagne d’argent.
Avec qui fais-tu équipe ?
Ca dépend de l’organisateur. A Amsterdam, on m’a associé à Elia Viviani, un jeune italien de la Liquigas. A Grenoble, j’y serai avec Mickaël Jeannin, mon meilleur ami. C’était aussi le désir de l’organisateur d’avoir une équipe française et l’avantage c’est qu’on se connaît parfaitement.
C’est important de bien se connaître pour disputer une américaine ?
Bien sûr. Chaque coureur a sa technique. Mais aussi deux coureurs d’un même gabarit se passent mieux les relais qu’un grand et un petit. Cette année, quand j’ai disputé la Coupe de France de l’américaine avec Benoît Daeninck, mon coéquipier chez Roubaix Lille Métropole, eh bien parfois c’était un peu difficile. Il est un peu grand pour moi.
Et Christophe Riblon, avec qui tu es vice-champion du monde de l’américaine 2010, il est bon pour toi ?
Riblon, je l’ai rencontré pendant un stage de préparation juste avant les Mondiaux, au tout dernier moment. Après avoir fait rapidement connaissance on s’est échangé quelques relais derrière le derny et on s’est tout de suite trouvé d’un point de vue technique. On a le même gabarit, le même profil. Ça compte.
Tactiquement, ça se passe comment ?
Aux Mondiaux de cette année, notre attaque du début de course était prédéfinie. Cela faisait plusieurs jours qu’on en parlait avec notre Directeur Technique de l’époque, Jacky Mourioux. Quand on fait partie des meilleurs on peut se permettre de définir les choses à l’avance. Sans oublier également les circonstances de course. Pendant les relais on prend le temps de s’échanger quelques mots, de se mettre d’accord sur la démarche à suivre. De se passer des infos sur nos adversaires.
Y a-t-il eu de bons contrats depuis 2009 ?
Ce qu’il faut savoir c’est qu’en équipe de France j’arrive avec mes vélos. Ce sont les poursuiteurs qui bénéficient des cadres Look de la fédération. Quand je portais le maillot arc-en-ciel, Look me prêtait un vélo. En revanche, cette année pour les Six Jours il m’en fallait plusieurs et aucune société n’a voulu me signer un contrat. Chez Roubaix Lille Métropole, on est en partenariat avec Lapierre mais ils ne fabriquent pas de vélo de piste. Look m’a aidé en me faisant une remise de 10 % sur deux cadres en aluminium que j’ai payés comptant. Maxwheel me prête les roues.
C’est plutôt difficile…
C’est même incroyable ! La piste n’a aucun impact en France. Je trouve ça terrible ! Dans d’autres pays il y a des pistards qui ont des résultats internationaux équivalents aux miens et qui courent dans des équipes du ProTour. Moi, j’ai été champion du monde et vice-champion du monde et c’est à peine si j’ai réussi à signer un contrat professionnel. Cyrille Guimard, mon directeur sportif chez Roubaix Lille Métropole, était le seul intéressé. J’avais quelques contacts avec Cofidis qui n’ont rien donné. La seule retombée financière dont j’aie bénéficié fut une prime de la fédération après mon titre mondial. Ca donne envie d’arrêter complètement la piste et de tenter la route à fond pour essayer de gagner plus.
Comme Mark Cavendish, que tu as d’ailleurs battu sur piste. Et sur route alors ?
C’est très différent. Sur l’anneau ce sont des sprints fluides, qui se déroulent presque toujours de la même manière. Tout est clair, on ne peut déborder que par la droite et c’est souvent une question de placement. Des sprints qui se ressemblent et qui sont lancés à un tour, un tour et demi de la ligne. Il y a très peu de vagues, on est moins nombreux que sur route et forcément, on a moins de chances de se faire enfermer. J’y ai acquis une certaine confiance en moi. Sur route, je me sens encore en bas de l’échelle. Cette année, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de faire un sprint à fond. Je viens d’arriver chez les pros, ça me fait beaucoup réfléchir et du coup je n’ose peut-être pas assez. J’y travaille quotidiennement et je progresse. En début d’année, j’arrivais fatigué sur les sprints à cause de la distance des courses. Aujourd’hui, peu à peu on me voit apparaître dans les classements car je finis mieux. A partir de la saison prochaine ça passera bien. J’essaierai d’en gagner une.
Quel sera ton prochain objectif ?
L’américaine des prochains Championnats d’Europe début novembre. Riblon, qui est chez Ag2r La Mondiale, va sûrement se reposer donc pour l’instant je ne connais toujours pas mon partenaire. On avisera en temps voulu.
Propos recueillis par Franco Cannella.