Mark, être champion du monde ici à Copenhague est un projet que vous aviez depuis trois ans et le jour où vous avez su que cette édition serait réservée aux sprinteurs. Comment vous sentez-vous ?
Je suis très heureux. C’est vrai que cela fait trois ans que j’ai cette course en tête et que je la prépare avec mon entraîneur. On savait que c’était une opportunité unique pour moi de devenir champion du monde et qu’il fallait la saisir. On a donc travaillé dur pendant trois ans. L’Angleterre a essayé tout au long de l’année de remporter un maximum de points UCI pour pouvoir aligner le maximum de coureurs aujourd’hui, ce qui était très important en vue d’une arrivée au sprint. C’est ce qui s’est passé et j’avais aujourd’hui sept gars à mes côtés qui font partie des meilleurs du monde. Cela a été essentiel pour décrocher le titre. De façon générale le cyclisme en Angleterre s’est beaucoup développé ces dernières années au niveau des performances. C’est donc une belle récompense générale pour notre pays.
Avez-vous eu peur à un moment donné de ne pas reprendre les échappées du jour ?
C’est vrai qu’après avoir perdu le soutien de l’équipe d’Allemagne en tête de peloton à la suite de la chute (NDLR : les Allemands ont perdu quatre éléments dans la chute survenue à mi-course), c’était assez difficile. Mais pour dire vrai nous avions surtout peur des attaques dans les derniers kilomètres. De toute façon, échappée ou pas, la seule chose à faire était d’imprimer un tempo très élevé dans le final en espérant que les gars pourraient le maintenir le plus longtemps possible. Bradley Wiggins a fait un boulot formidable dans le dernier tour, où il a mené un rythme infernal en tête de peloton. C’était ensuite beaucoup plus facile pour mes coéquipiers de m’emmener.
Comment avez-vous vécu les derniers kilomètres de cette course ?
Idéalement, j’aurai aimé avoir trois coéquipiers avec moi au début de la dernière ligne droite pour m’emmener le sprint. Finalement les deux derniers tours ont été assez difficiles et je me suis rapidement retrouvé avec seulement deux équipiers pour le final. Dans les derniers kilomètres, j’ai vu que l’Australie revenait à l’avant avec un train de quatre coureurs pour emmener Matthew Goss. Il y avait aussi les Espagnols et les Allemands qui étaient encore assez nombreux autour d’André Greipel. Je savais que sa roue était celle qu’il fallait prendre. Par la suite, je me suis retrouvé enfermé aux 450 mètres. Mais je n’ai pas paniqué et j’ai vu un espace sur la droite de la route qui s’est dégagé à 150 mètres de la ligne. J’ai donc saisi cette opportunité et j’ai lancé mon sprint. En général je sais au moment où je lance mon sprint si je vais gagner ou pas. Au moment où j’ai lancé mon effort je savais que je serais champion du monde. Bien sûr, Matthew Goss est revenu très proche de moi sur les derniers mètres, mais c’est normal. Ce sont les Championnats du Monde et il y avait une énorme densité de sprinteurs, c’était donc logique que le sprint soit si serré. Mais même au moment où Matthew était à mes trousses je savais quand même que j’allais l’emporter.
Pouvez-vous comparer votre sprint d’aujourd’hui à celui que vous aviez mené sur le Tour de France à Cap Fréhel, où la dernière ligne droite avait un peu le même profil ?
Pas vraiment. C’était exactement la même chose, un sprint où je gagne à la fin. Vous savez, un sprint est un sprint, et même en montée cela ne me pose pas de problèmes. Je peux gagner. J’ai entendu beaucoup de commentaires ces derniers jours disant que cette dernière ligne droite n’était pas faite pour les sprinteurs purs. En réalité cela ne changeait rien du tout. Qu’il soit en côte ou pas, un sprint c’est 300 mètres d’efforts quoi qu’il arrive.
Vous disiez en début de saison que vous vouliez remporter le maillot vert et le maillot arc-en-ciel qui vous font rêver tous les deux, qu’est-ce que vous ressentez aujourd’hui après avoir réalisé ces deux objectifs ?
C’est vrai qu’en début de saison, ces deux maillots étaient mes principaux objectifs. Le maillot arc-en-ciel représente beaucoup pour moi, notamment parce que je vais pouvoir le porter toute l’année. Il a d’autant plus de valeur que je l’ai conquis avec les couleurs de mon pays. Je suis très fier de contribuer au succès de la Grande-Bretagne. Cela faisait longtemps que notre pays n’avait plus connu pareil succès. Aujourd’hui la Grande-Bretagne redevient la GRANDE-Bretagne.
Parlez-nous du travail de vos équipiers. Quelle quantité de travail en tête du peloton ont-ils effectuée ?
Dans le sprint, je pensais que les Américains allaient rouler un peu plus et qu’ils seraient plus nombreux à encadrer Tyler Farrar. Peut-être que leur équipe n’était finalement pas si forte. Après, c’est vrai également que beaucoup d’équipes ont perdu quelques coureurs et ne pouvaient plus rouler sur la fin de course. Moi, j’ai eu la chance d’être encadrée par un super groupe. Bien sûr j’aurais aimé avoir plus de coéquipiers avec moi dans le final, mais les gars ont été formidables et je veux les remercier. Bradley Wiggins avait décroché une médaille d’argent sur le contre-la-montre mercredi et il a refait la même performance extraordinaire en menant le dernier tour à un train d’enfer. C’est dommage que mes coéquipiers ne puissent pas porter aussi un peu le maillot avec moi cette année. Ma victoire est aussi le fruit de leur travail et j’aurais aimé qu’ils puissent aussi porter ce maillot.
Les Jeux Olympiques se dérouleront chez vous en 2012, est-ce également un rêve que de décrocher ce titre olympique à domicile ?
C’est sûr que de disputer et éventuellement remporter les Jeux Olympiques à domicile, c’est vraiment quelque chose d’extraordinaire. Cette échéance sera très importante pour les Britanniques. Il n’y a pas de chose plus belle que cela. Etre champion du monde est quelque chose auquel je pensais depuis que j’ai 12 ans. J’avais déjà été champion du monde sur piste quand j’avais 18 ans sur l’américaine, mais ce n’est pas pareil et aussi fort que d’être champion du monde sur route. Maintenant, les Jeux Olympiques seront un peu différents. On ne sera que cinq au départ et ce sera plus difficile de contrôler la course. Mais je sais qu’on aura une équipe de grande qualité et qu’on pourra l’emporter. Bien sûr, je ne connais pas encore la composition de l’équipe et quels coéquipiers seront là pour m’épauler, ni si ce seront les mêmes qu’aujourd’hui. Mais si je suis sélectionné, je sais que mes coéquipiers et moi seront très compétitifs. Je suis très confiant et il me tarde d’y être.
Propos recueillis par Sylvain Chanzy à Rudersdal le 25 septembre 2011.