Marc, quelles seront vos motivations cette saison ?
2014 a été une bonne saison. On est dans une phase ascendante. L’objectif de 2015, c’est de continuer dans cet état d’esprit. D’être conquérant et d’aller chercher des résultats de très haut niveau avec les coureurs de valeur qui sont présents au sein de l’équipe.
Qu’est-ce que la saison 2014 a changé pour vous ?
Ça a été dans la continuité de ce que l’on avait fait en 2013. Il y avait déjà eu de belles choses dans le courant de 2013, voire même de 2012. L’objectif est de mettre une couche supplémentaire de parpaing chaque année. On avait commencé par les fondations il y a quelques saisons. Année après année, on essaye de construire l’édifice.
Après le départ de Nacer Bouhanni, l’équipe peut-elle continuer de gagner aussi souvent ?
Peut-être pas aussi souvent. Mais je suis persuadé que des coureurs comme Marc Sarreau et Lorenzo Manzin sont deux jeunes sprinteurs en devenir. Ils sont un peu les Bouhanni et Démare d’il y a quelques années. Ils peuvent faire ce qu’ont fait ces garçons-là quand ils sont arrivés chez nous. Je suis optimiste par rapport à leur développement. Ils ont des capacités de sprinteurs. A nous de les développer pour qu’ils soient encore meilleurs. Je suis sûr que l’on pourra gagner des courses avec eux.
Ce départ change-t-il quelque chose pour Arnaud Démare ?
Non. Arnaud et Nacer étaient sur des programmes différents l’an dernier. L’objectif d’Arnaud est de gagner des courses. C’est la même chose pour l’équipe et pour nos deux jeunes sprinteurs. Ce ne seront peut-être pas des courses de la même importance dans un premier temps mais, je le répète, ils n’ont rien à envier à Bouhanni et Démare quand ils sont arrivés chez nous. Concernant Arnaud, il est champion de France et il s’est montré constant l’an dernier. Il a aussi gagné des classements généraux. Il a une belle palette qui lui permet de gagner dans beaucoup de domaines. L’objectif à moyen terme est d’aller chercher une grande classique. Je suis sûr qu’un jour il sera dans le coup pour la gagne sur Paris-Roubaix.
Quel rôle sera dévolu à Kevin Reza ?
Il a beaucoup de cartes dans son jeu. Il est capable d’emmener un sprint. Il est lui-même capable de sprinter sur des courses vallonnées comme Paris-Nice ou le Tour de Catalogne. Il est important pour nous dans ce domaine. Il avait aussi une grosse volonté de nous rejoindre. Pour nous, c’est une recrue de choix. Il a fait un gros effort financier pour pouvoir venir car nous n’étions pas en mesure de répondre aux sollicitations qu’il pouvait avoir ailleurs. Pour Kevin, ce n’était pas qu’une question d’argent.
Vous avez affirmé que la victoire finale sur le Tour était un objectif à moyen terme pour l’équipe…
Pendant des années et des années, on savait que le Tour était inaccessible pour des tas de raisons. Progressivement, on a eu l’opportunité de trouver des jeunes coureurs de talent. On leur a laissé le temps de progresser, de s’affirmer, de s’installer. Tout cela fait que l’on n’est pas loin d’être au bon endroit au bon moment si les choses continuent à évoluer comme elles semblent vouloir évoluer. Je suis optimiste. Tout est réuni. L’objectif est de continuer l’ascension et notre progression avec nos jeunes coureurs.
Une barrière psychologique est-elle tombée ?
Oui, que ce soit dans les têtes de l’encadrement et dans celles des coureurs. Aujourd’hui, ils sentent qu’ils peuvent. C’est quelque chose de vital. Yoann Offredo disait que l’équipe était davantage respectée, oui elle l’est. On n’est plus considérés comme des ringards et des losers. On veut s’installer de manière forte à l’avant du peloton avec les grosses équipes.
La victoire sur le Tour est-elle envisageable dès cette année ?
Sans doute pas. Mais on peut un jour le gagner. C’est un discours qui a largement évolué par rapport à quelques années en arrière quand nous savions que ce n’était pas accessible. Je ne dis pas que l’on gagnera le Tour, mais j’espère qu’on se mettra en situation de le gagner. C’est le destin qui fera le reste. Ça ne se fera pas du premier coup, mais l’objectif c’est de se dire que l’on peut y parvenir dans les prochaines saisons. On a tout pour nous. On a du potentiel et on a l’âge. Si on regarde la palette des coureurs susceptibles de gagner le Tour, il n’y en a pas à foison dans la catégorie d’âge de Thibaut Pinot. Si on a le destin de notre côté, on peut espérer y parvenir dans les quatre ou cinq ans qui viennent.
Votre collectif a-t-il grandi ?
L’équipe gagne en expérience. On a vécu un Tour 2013 compliqué, mais sur tous les Grands Tours qui ont suivi, nous sommes parvenus avec l’un ou l’autre de nos coureurs à aller chercher des résultats. Si on regarde ces quatre derniers Grands Tours, on fait partie des meilleures équipes du monde. Ce n’est pas donné à tout le monde d’aller chercher des podiums ou des victoires d’étape. On l’a fait et on est capables de le réitérer. On s’habitue à cette pression du résultat et à cette exigence de performance qui s’installe dans cette équipe. Aujourd’hui, quand on va en compétition, on y va avec une ligne directrice précise, un fil conducteur préparé en amont.
Jusqu’ici vous avez toujours cherché à protéger Thibaut Pinot. Aujourd’hui vous affirmez pouvoir gagner le Tour, sous-entendu avec lui ?
A l’heure actuelle oui. Si j’ai cherché à le préserver, c’est parce qu’il est encore très jeune et qu’il cherchait à se construire. Il est encore dans cette phase de construction, mais on arrive dans cette dernière partie. La pression du résultat et l’attente, c’est quelque chose qui s’est installée chez lui. Il avait un peu de mal au début, mais il est en très nets progrès dans ce domaine. Il faut lui faire confiance et construire autour de lui. C’est ce que nous essayons de faire.
Vous avez également émis le souhait de voir un nouveau co-sponsor arriver. Est-ce crucial pour la réalisation de ces objectifs ?
Il nous faudra un renforcement financier pour continuer à développer l’équipe. Il nous faudra aussi préserver et développer ce que nous avons. Des coureurs sont très recherchés. Si vous mettez Thibaut sur le marché aujourd’hui, il reste très peu de temps sans équipe. C’est la même chose pour Arnaud Démare et d’autres. Nous voulons donc renforcer notre socle et être en mesure d’apporter des renforts humains et logistiques qui nous permettraient de franchir les derniers paliers. Il nous faut un co-sponsor. Nous sommes un des plus petits budgets du WorldTour. A l’heure actuelle, nous avons un budget d’environ douze millions d’euros, contre quinze, dix-huit pour les meilleurs, sans parler des moyens illimités de Sky. Si on veut être capables de jouer contre eux, il faut se renforcer dans tous les domaines. Il faut créer une nouvelle dynamique autour de l’équipe pour chercher des partenaires, si possible français, pour renforcer cette idée du made in France. Celle d’une équipe française capable d’aller gagner le Tour de France avec un coureur français.
Propos recueillis à Paris le 28 janvier 2015.