C’était le 22 novembre dernier. Un mois et demi après la découverte d’une masse anormale placée entre ses organes vitaux, Lloyd Mondory (Ag2r La Mondiale) subissait une lourde intervention chirurgicale. Après trois heures entre les mains des chirurgiens, le Charentais sortait du bloc sauvé mais avec un nouveau défi à relever : celui qui consisterait à se reconstruire physiquement et mentalement pour reprendre sa place dans les pelotons. Immobilisé une cinquantaine de jours, le coureur de 30 ans n’a repris une activité physique que le 10 janvier dernier. Sans précipitation mais avec la volonté de remettre un dossard. Ce qu’il a fait le week-end dernier en Coupe de France, bouclant ses deux épreuves de reprise. Soulagé quant à son avenir, Lloyd Mondory revient avec nous sur l’épreuve qu’il vient de traverser. Et son incroyable comeback.
Lloyd, vous avez repris la compétition le week-end dernier sur la Classic Loire-Atlantique puis Cholet-Pays de Loire, que vous avez conclues l’une et l’autre. Quel sentiment vous anime ?
Je suis fier. Je ne m’attendais pas à faire une « performance ». Ce n’était pas du tout le but de mes sorties. Je voulais avoir un test grandeur nature, savoir si j’étais apte à pouvoir reprendre le départ d’une course et figurer dans le peloton, ne serait-ce qu’une moitié de course, sans contracter de douleurs dues à l’opération. C’est chose faite. J’ai réussi dès samedi sur un parcours difficile, dans une course menée à un rythme imposant et dans des conditions exécrables. J’ai été distancé à l’amorce du dernier tour mais je suis allé au bout. Je suis content de mon résultat mais je suis surtout heureux de n’avoir pas ressenti de douleur en rentrant à l’hôtel. C’est une bonne chose. Une page est en train de se tourner.
Dans quel état d’esprit étiez-vous juste avant le départ de la Classic Loire-Atlantique ?
J’étais content d’être là car je suis un compétiteur et que la compétition me manquait. Voir les courses à la télé, les premiers résultats, c’est difficile à encaisser quand on est à la maison. J’avais envie de revenir à la compétition mais je n’étais pas impatient non plus. J’ai des années derrière moi maintenant et je sais par expérience qu’il est plus prudent de prendre une semaine de repos supplémentaire plutôt que de vouloir revenir trop tôt. J’étais dans l’inconnue face au problème que j’ai eu. Je me suis présenté au départ mais il n’était pas question de faire n’importe quoi pour finir la course coûte que coûte. A la moindre douleur j’aurais mis pied à terre sans aucun souci, même si ça m’aurait attristé.
Votre carrière sportive a pris un virage quand, au début de l’automne, on vous a découvert une masse anormale derrière le sternum…
Je n’avais aucun souci de santé palpable. Mais au cours d’un examen au retour du Tour de Pékin, début octobre, on m’a décelé une anomalie au niveau du thorax, dans le médiastin. On lui donne un nom un peu général : une tumeur. C’est un mot fort qui peut désigner beaucoup de maladies. Cette tumeur était placée à un endroit très dangereux, entre le cœur, la thyroïde, les poumons et la trachée. Par manque de diagnostic sur la véritable nature de cette tumeur, on a été obligé de m’opérer.
En quoi a consisté cette intervention ?
On m’a carrément scié la cage thoracique, toute la partie dure, sur une longueur de 12 à 13 centimètres. Cela a permis, au terme d’une opération de près de trois heures, d’extraire toute la masse qui était là. Tout s’est bien déroulé mais ça a été une opération lourde, très lourde, avec des manipulations importantes au niveau des organes vitaux. Il était obligatoire de retirer cette masse. Grâce à cela la maladie a été écartée.
On a du mal à vous imaginer sur un vélo et en compétition moins de quatre mois après une telle opération, comment est-ce possible ?
C’est incroyable, c’est sûr ! Le soir où je me suis réveillé dans mon lit d’hôpital, la douleur était bien présente. C’était quelque chose d’assez important et à l’œil, ce n’était pas esthétique. Pendant trois jours, j’ai souffert, c’est normal. Et à l’amorce du week-end, une fois les drains retirés, je me suis senti tout de suite mieux. J’arrivais à me lever du lit, à marcher un peu dans le couloir. Pouvoir marcher normalement dans le couloir quand on s’est fait opérer d’une telle manière, pouvoir raccompagner mes enfants à la sortie de l’hôpital, c’était hallucinant.
Avez-vous pensé alors que votre convalescence serait plus rapide ?
Il ne fallait pas se laisser griser par cela car les médicaments qu’on peut ingurgiter au cours d’une telle intervention nous font percevoir les choses différemment. Après cela, j’ai eu l’obligation de ne rien faire du tout pendant un mois et demi. Je suis resté au chaud, allongé, sans bouger. J’avais interdiction de lever la moindre chose avec mes bras pour éviter que la cage thoracique ne se rouvre. Début janvier, on m’a autorisé à reprendre un peu d’activité physique. J’ai renfilé mes tenues de vélo, progressivement, jusqu’à reprendre le départ d’une course.
Vous imaginiez-vous revenir si vite dans les pelotons, deux mois seulement après la reprise d’une activité physique ?
Ça paraît tôt. Je ne pensais pas reprendre avant le mois d’avril mais avec l’équipe on s’était dit pourquoi pas reprendre sur ce week-end de Coupe de France. Je m’étais dit que si je n’avais pas de douleur à l’entraînement, je reviendrais sans rien promettre. J’ai repris, c’est un bon point, mais il va me falloir rester prudent. Je me donne encore deux mois à rester au sein du peloton, tranquillement, refaire travailler tout le système cardiovasculaire mis à rude épreuve durant l’opération. Je vais tâcher de faire des kilomètres d’intensité au cœur du peloton. Et si tout veux bien se passer, j’espère être compétitif à partir de mai-juin.
Quelles améliorations vont intervenir à la suite de l’opération ?
Les organes qui ont été compressés par cette masse depuis cinq ou six ans ne vont pas revenir à leur place initiale du jour au lendemain parce qu’on a retiré la tumeur. Les docteurs m’ont dit qu’il faudrait environ un an pour que tout se remette correctement, que les cicatrices se referment à l’intérieur et que j’en ressente les bienfaits. On m’a dit que j’en ressentirai les bienfaits dans ma vie de tous les jours et dans ma performance sportive. Cette épreuve-là va accroître ma détermination et me rendre plus fort physiquement, estiment les chirurgiens. Ce sont des petits pourcents en plus. Si je dois récupérer des bénéfices de cette opération, je les prendrai les bras ouverts. Mais il me faut être prudent, se ménager, et miser sur l’avenir.
De cette épreuve, les médecins disent que vous tirerez des bénéfices physiques. Vous sentez-vous également plus fort mentalement ?
Plus fort, oui. Tout problème dans la vie nous enrichit d’expérience. De chaque épreuve traversée ressort quelque chose. Sur le moment, on peut concevoir cela comme de la malchance, mais en fin de compte ça finit toujours par nous resservir. Ça m’est arrivé, c’est comme ça, aujourd’hui je pense que c’est une bonne chose de l’avoir découvert, sans quoi j’aurais eu des problèmes dans l’avenir. C’est une chance. Je suis un coureur ambitieux, déterminé, qui n’a pas peur de se faire mal aux jambes. J’étais déjà fort mentalement avant, ce ne sera que positif pour le futur. Il y a encore beaucoup de choses que j’ai envie de réaliser sur un vélo. De belles choses m’attendent pour plus tard. Et c’est beau de savoir qu’on a de l’avenir devant soi à 30 ans.
Propos recueillis à Cholet le 17 mars 2013.