Lionel, quel bilan tirez-vous de ce 1er Tour de France pour l’équipe Orica-GreenEdge ?
C’est déjà une satisfaction d’avoir pu être sur le Tour alors que l’équipe n’a que 7 mois d’existence. Ensuite, on a fait une belle course. Durant la 1ère semaine on était toujours à l’avant pour essayer de remporter la victoire au sprint. Ensuite on a été un peu en retrait étant donné que nous n’avons pas de coureur pour le classement général ni pour le maillot à pois. Mais on a pris nos responsabilités, comme dans l’étape du Cap d’Agde, et puis enfin on s’est montré dans des échappées avec notamment Albasini. C’est sûr on aurait aimé atteindre la victoire, car on court pour ça, mais pour une 1ère année ça va !
Ce n’est pas votre première expérience dans une équipe toute jeune puisque vous étiez déjà au lancement de la Garmin-Slipstream. Pensez-vous qu’Orica-GreenEdge puisse connaître une même trajectoire par la suite ?
Garmin c’était un peu particulier. C’était difficile mais on avait quand même eu Vandevelde qui finissait 4ème du classement général du Tour de France. Donc cette année, c’était différent. On n’avait pas la pression pour le classement général, mais on l’avait pour les sprints. L’année dernière j’ai quand même eu la chance de pouvoir monter sur le podium pour le classement par équipes, c’était très émouvant, donc il n’y a pas de raison que ça ne le fasse pas un jour avec Orica-GreenEdge. En plus, la victoire de Wiggins qui vient de la piste est bon signe puisque nous avons beaucoup de coureurs qui viennent de la piste. Je suis très content pour lui d’ailleurs.
En ce qui concerne les sprints et Matthew Goss, existe-t-il une façon de battre Mark Cavendish ? Avez-vous élaboré des stratégies ?
C’est très difficile on l’a vu. On a essayé de l’attaquer de derrière, de lancer le sprint… Mais Cavendish se débrouille tout seul maintenant et il va très vite. On a un peu plus de chances quand c’est un profil montant mais Goss était un peu en retrait. Donc je pense que son programme hivernal sera revu. Et puis il dû manquer un peu de confiance étant donné que les années précédentes il était poisson-pilote de Cavendish. On a vu qu’il faisait parfois de petites erreurs en se découvrant trop tôt, ça veut dire qu’il a besoin d’un peu de temps pour prendre ses marques en tant que sprinteur principal de l’équipe.
Au niveau de la composition de l’équipe pour le Tour, y a-t-il des déceptions ? Avez-vous des regrets ?
Non, notre équipe était conçue pour des victoires d’étapes et pour le maillot vert. Je pense qu’il n’y a rien à redire là dessus. Pieter Weening était présent en montagne, peut-être un peu en retrait parfois. C’est aussi le seul coureur qui n’est pas tombé. Il y a eu énormément de chutes aussi, donc ce n’était pas évident.
Avec un peu de recul, comment jugez-vous ce Tour de France ?
Moi je ne suis pas d’accord avec les commentateurs. Je peux les comprendre, c’est vrai que c’est frustrant de voir une échappée et un peloton qui contrôle derrière. Mais il ne peut pas y avoir 5 heures d’attaques. Il faut être réaliste. Il est évident que sur les courses World Tour seule la victoire compte donc on ne va pas se lancer dans une échappée condamnée d’avance. Pour le reste, j’ai trouvé que c’était un très beau Tour de France, très bien dessiné. Par exemple, avant chaque journée de repos il y avait une étape très accidentée qui a donné une course très dynamique.
L’année prochaine c’est la 100ème édition, comment voyez-vous cette Grande Boucle ?
Cela dépend de qui sera au départ. Est-ce qu’il y aura Contador ? Est-ce qu’il sera compétitif ? Sinon on sait qu’il y aura un contre-la-montre par équipes, donc c’est une bonne chose et ce sera un des objectifs de l’équipe, d’autant plus que ça pourrait être une occasion de prendre le Maillot Jaune. Et puis le grand départ sera en Corse avec des étapes accidentées, donc pour une fois les sprinteurs n’auront pas la part belle en 1ère semaine.
Dans l’optique de redynamiser le Tour de France, on évoque plusieurs pistes, à commencer par réduire les effectifs des équipes de 9 à 8 ou 7 coureurs par exemple. Qu’en pensez-vous ?
De toute façon, que ce soit 7 ou 8 coureurs, ce sera plus difficile pour contrôler la course. Du coup, chaque équipe qui a un sprinteur aura intérêt à s’entendre avec d’autres équipes pour rattraper les échappées pour terminer au sprint. La différence entre le Tour de France et les autres épreuves, c’est qu’à un moment donné de la course sur le Tour chaque coureur défend son pré carré. Il y a toujours quelque chose à défendre. Par contre, on pourrait pourquoi pas réduire le nombre d’oreillettes par équipes. Alors je ne sais pas si c’est réalisable, comment on pourrait le quantifier, mais par exemple si on avait 5 oreillettes sur 9 coureurs ce serait bien. On aurait quelques individus équipés, et les autres seraient obligés d’être au contact et de rouler ensemble.
Autre idée, restaurer les bonifications aux sommets des cols et/ou aux arrivées d’étapes. Quel est votre sentiment sur cette proposition ?
Oui, peut-être que ça changerait quelque chose… Je ne sais pas trop. Mais attention à ne pas tomber dans la perversité du système. Il y aura peut-être des calculs qui se feront et on pourrait laisser filer des échappées volontairement. De toute façon, on s’adaptera au système, comme toujours. L’année dernière tout le monde disait que les oreillettes n’étaient pas une bonne chose. A la 1ère étape du Tour Méditerranéen l’échappée était allée au bout, à la 2ème étape, le peloton ne laissait que 3 minutes d’avance au lieu de 5 à l’échappée. Voilà, on s’adapte à chaque fois.
Que pensez-vous de réduire le kilométrage de certaines étapes de montagne ? L’idée serait de faire des étapes de 150 km pour les rendre plus nerveuses que celles de 220 km.
Il faut faire un peu des 2. Il ne faut pas oublier que le cyclisme c’est un sport d’endurance et ça doit le rester. Il ne faudrait pas que ça devienne un sprint. Il faut donc conserver des étapes de plus de 200 kilomètres. La fatigue doit rentrer en jeu dans un grand Tour. Si on commence à tout réduire, ça peut être dangereux car ça va rouler très vite avec des risques de chute. Il faut trouver un bon compromis.
Enfin, êtes-vous favorable à l’idée d’instaurer davantage d’arrivées aux sommets pour mieux équilibrer le ratio montagne/chronos ?
Je ne pense pas. Cela fait partie de la spécificité de notre sport les chronos. Et puis il y a des écarts plafonnés dans les contre-la-montre par équipes, donc c’est bien. Et puis il ne faut pas tout réduire, tout réglementer… Les parcours doivent être aléatoires et changer d’une année sur l’autre.
Propos recueillis le 22 juillet à Paris.