Lionel, quel a été votre parcours avant d’entraîner La Pomme Marseille ?
J’ai un parcours pluridisciplinaire, qui s’explique par mon origine basque. Mon père courait avec Luis Ocaña avant qu’il ne passe pro. Pour ma part j’ai commencé sur les terrains de rugby puis je me suis mis au vélo en Minimes car je souffrais d’asthme. Je suis monté jusqu’en 1ère catégorie mais j’ai arrêté vite, à 21 ans, car ma priorité, c’étaient les études. Une carrière sportive professionnelle est dure à construire et peut aussi très vite s’arrêter. En vélo il suffit d’un accident pour tout foutre en l’air. Mieux vaut assurer les arrières, ce que j’ai fait avec l’objectif de devenir entraîneur. Je voulais travailler avec des sportifs de haut niveau.
Où avez-vous fait vos premières armes ?
J’ai d’abord été préparateur physique adjoint en rugby à Narbonne pendant un an. Puis j’ai été mis en contact avec l’entraîneur national de poursuite Eric Vermeulen. J’ai travaillé pendant deux ans en collaboration avec lui. Fin 2009, je suis rentré en contact avec Frédéric Rostaing, le manager de la Pomme Marseille, qui cherchait alors un entraîneur pour son équipe.
Quel est le rôle de l’entraîneur dans une équipe comme La Pomme Marseille ?
Il y a toute une saison à gérer, avec des objectifs à atteindre à une période donnée. Mon but, c’est de guider le coureur, pas de faire le gourou en lui demandant d’appliquer sans réfléchir. Je suis là pour lui apprendre, lui transmettre des choses. Si le coureur comprend ce que je lui demande de faire, j’estime que j’ai réussi quelque chose avec lui. C’est ma philosophie.
Entraînez-vous tous les coureurs de l’équipe ?
Non, pas tous. Si un gars préfère être suivi par un autre entraîneur ou n’a pas besoin de mes conseils, il n’y a pas de souci. Il faut que le coureur soit demandeur car je ne veux pas entraîner quelqu’un qui n’ait pas plus envie que cela de recevoir mes conseils. Malgré tout, j’encadre la quasi-majorité de l’équipe.
Quels outils utilisez-vous en particulier ?
Le SRM (NDLR : un capteur de puissance) est un très bel outil à l’entraînement, pour le coureur et surtout pour l’entraîneur. Mais c’est pour moi l’une des armes ultimes de l’entraînement car avant de fonctionner avec ces outils il faut déjà que le coureur apprenne à se connaître. C’est ma conception des choses. Après, c’est un régal pour un entraîneur car on peut exploiter les chiffres, ressentir les progrès, évaluer les charges de travail. On est dans le minutieux. Mais il faut pouvoir s’en passer et savoir fonctionner sans, ce qui ne me dérange pas.
On parle de nouvelles technologies mais des procédés plus anciens sont-ils utilisés par l’équipe, comme le derrière derny…
Le scooter est mon outil de travail privilégié ! Je m’en sers beaucoup pour du travail individuel, la préparation des contre-la-montre. Les coureurs apprécient beaucoup cela. Et puis être sur le scooter, ce n’est pas être dans la voiture : on voit des choses, des postures, on est plus proche du coureur dans l’effort.
Quand un coureur ne parvient pas à atteindre les objectifs fixés par le staff, quel est le rôle de l’entraîneur ?
La première chose qu’on se demande en début de saison, c’est si les objectifs fixés sont réalisables. Il faut donc bien fixer le but à atteindre. Souvent pour un coureur l’objectif est de gagner la course. Le problème c’est que pour ça il faut le physique, la tactique et la chance ! Je m’entraîne d’un Junior, Quentin Jaurégui, qu’on a vu à son avantage en cyclo-cross cet hiver. Au Championnat de France, il a prouvé être au-dessus du lot techniquement et physiquement, mais le facteur chance n’était pas là. Il a crevé deux fois dans le dernier tour et n’a pas gagné. Pour lui, c’est un échec, pas pour moi. Je voulais qu’il soit au top à ce moment, il l’était. Dans ce cas il faut rassurer mais ces mésaventures construisent aussi un coureur.
L’entraîneur peut-il lui-même passer à côté de la préparation de son coureur ?
Bien sûr, ça arrive, l’erreur est humaine. L’entraînement n’est pas une science exacte, tous les coureurs ne réagissent pas pareil au travail qu’on leur impose. A nous de tester les recettes.
Comment expliquez-vous les bons débuts de La Pomme Marseille chez les pros en janvier/février ?
Nous avons fait quatre regroupements cet hiver, ça fait beaucoup mais c’est ce qui a fait la force de l’équipe. Nous ne sommes pas arrivés sur les premières courses avec une équipe qui ne se connaissait pas. Les stages permettent la cohésion du groupe et celui passé en Corse, à l’écart du monde, a permis aux coureurs de rouler au calme, sous le soleil et sur de nouvelles routes. Mais pour moi cette première année de La Pomme au niveau continental doit se faire dans la construction. Il ne faut pas être trop gourmand. Le staff aussi doit s’adapter.
Qu’attendez-vous sportivement de cette première année ?
J’espère qu’on aura de belles victoires pour prouver que si nos coureurs sont passés à l’échelon professionnel, ce n’est pas pour rien. C’est que non seulement ils le méritent mais surtout ils en ont la capacité. Nos coureurs arrivent chez les pros et veulent marcher chez les pros. Les gars sont surmotivés et il faut même savoir les freiner car la saison est longue et nous ne sommes plus chez les amateurs.
Que diriez-vous aux coureurs de La Pomme Marseille qui vous liront ?
Qu’ils croient en eux et qu’ils ne laissent pas passer l’opportunité. S’ils sont là aujourd’hui ce n’est pas un hasard.