Laurent, nos lecteurs vous ont désigné meilleur consultant télé dans un récent sondage hebdomadaire. Que ressentez-vous ?
Ça me touche, car je ne suis pas le seul. Je suis très honoré. Ça me conforte dans l’idée que c’est ce que j’aime faire et qu’il faut que je continue à faire cela. Surtout après avoir fait l’impasse l’année dernière. Le public décide de ce que l’on doit faire et il a regretté mon absence. Il apprécie ce que je fais. On ne fait jamais l’unanimité. J’apprécie beaucoup les autres consultants. Comme moi, ils connaissent le vélo, ont été professionnels. Ensuite, chacun a son style pour en parler. J’ai la chance d’être sur le service public et je touche une palette plus large de spectateurs. Au moment de voter, ça doit jouer aussi. Mais c’est une belle reconnaissance.
En quoi consisteront vos collaborations avec les médias cette saison ?
Je suis également de retour sur RTL. Avec France Télévisions, c’étaient les deux médias avec lesquels je travaillais en 2013 et avec qui je continuerai de travailler. J’avais manqué les classiques l’an dernier à cause de l’accident qui m’a écarté de la compétition pendant de longs mois et c’est un plaisir de les refaire cette année.
Que retenez-vous de cette année 2013 compliquée pour vous sur plus d’un aspect ?
Je retiens surtout que la vie n’est pas linéaire. Cela a été une année compliquée, mais ça fait partie de la vie. Il faut savoir surmonter ces épreuves. J’ai pu compter sur le soutien de mes amis et surtout de ma famille pour le faire.
Avec le recul, auriez-vous changé quelque chose à votre ligne de défense ?
Je n’ai pas à me défendre. Pour porter un jugement et des appréciations, il faut connaître le dossier. Or il n’y en a pas, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura probablement jamais puisqu’on refuse de me donner les éléments. Pour moi, ça s’arrête là. Cela n’aurait jamais dû commencer. C’était un procès médiatique. Point à la ligne.
Selon vous quel est le meilleur poste pour être consultant ?
J’ai connu tous les postes et je peux faire la différence entre le studio et la moto. Pour le temps d’expression, le meilleur poste c’est en studio. On est posé et on a un maximum d’informations qui nous arrive. On a toutes les images, le retour antenne, mais également les autres caméras, Radio-Tour : on a du recul.
Qu’en est-il de la moto ?
Là, en revanche, on est dans l’action. On vit le moment présent. Je suivais le déroulé de la course, simplement avec le retour antenne et sans image. C’est un peu frustrant de ne pas savoir ce qu’il se passe derrière. On se fait son film dans la tête. Comme les personnes qui suivaient le Tour en écoutant la radio à l’époque. Quelque part, ça se rapproche de la radio aussi avec des temps d’intervention plus espacés, jusqu’à trois ou quatre fois dans l’heure, et qui ne durent jamais plus de deux minutes. Être sur la moto, c’est parfois frustrant. Il y a de belles choses que l’on voudrait dire, mais nous n’avons pas toujours l’antenne ouverte pour pouvoir le faire. De l’autre côté, on a la joie d’être au cœur de la course. C’est une position privilégiée.
Cette position vous permettait-elle d’être plus proche des acteurs ?
Oui, de ce point de vue, c’était plus facile quand j’étais sur la moto. Je devais être au départ. Je voyais les coureurs. Tu vis aussi l’ambiance du Tour, tu es sur la route. Tu respires le Tour différemment. Et puis cela permet d’échanger et de recueillir des informations auprès des coureurs et des directeurs sportifs. Quand tu es à l’arrivée en revanche, tu ne vois pas forcément les coureurs. Tu as vingt-quatre heures d’avance sur la course : les coureurs sont à peine repartis vers leur hôtel que tu dois aller à l’arrivée du lendemain.
Quelle est selon vous la durée de vie d’un consultant ?
Si la référence c’est la connaissance des coureurs, on peut dire une génération. Si l’on suit cette théorie, j’arrive au bout, car il n’y a plus beaucoup de coureurs actuellement dans le peloton avec qui j’ai couru. Les Sylvain Chavanel et Jérôme Pineau sont les derniers. Mais c’est au public de décider. Le vélo évolue, comme la façon de communiquer et le comportement des coureurs. Les jeunes n’ont pas le même moyen de fonctionner qu’à mon époque. Il faut s’y adapter, ne pas être trop largué et rester dans le coup.
Vous parliez d’évolutions, elles sont aussi technologiques avec la multiplication des caméras embarquées…
Pour le téléspectateur, être au cœur de la course est un plus. Je trouve pas mal qu’on puisse imaginer des caméras dans le peloton. C’est aussi un souhait du service public. Je l’ai fait sur le marathon, j’ai commenté en courant pour y apporter du vécu de l’intérieur. On participe un peu plus à l’événement. On en fait partie prenante. En revanche, il n’y a pas forcément la même volonté du côté des groupes sportifs et des coureurs. On fait la chasse au moindre gramme. Je ne pense pas que rajouter une caméra ou un micro serait quelque chose de bien vu. Cela ne leur apporterait pas grand-chose.
Quelles sont selon vous les principales réformes que doit entreprendre le monde du cyclisme ?
Passer à vingt-deux coureurs par équipes serait une bonne chose. Éviter que les courses WorldTour se chevauchent également. Si je prends l’exemple du dernier week-end de mars, le Critérium International, une épreuve emblématique du calendrier, a été déserté parce qu’il y avait en même temps le Tour de Catalogne et Gand-Wevelgem, en plus de la Semaine Internationale Coppi-Bartali. Même s’il y a beaucoup de coureurs, ça fait beaucoup de courses. Je pense qu’il faut mouliner tout ça et faire un calendrier plus cohérent pour que les courses emblématiques puissent garder leur place et leur prestige.
Avez-vous profité de votre recul la saison dernière pour piocher des idées dans les autres sports et faire évoluer vos commentaires ?
Je suis curieux de nature. Je regarde de tout. Tout est bon à prendre. Des choses intéressantes sont faites ailleurs. Ce que je fais à l’intérieur du marathon est transposable à mon sens au vélo. Ce n’est pas prêt d’être fait, mais un jour ou l’autre, je ne serais pas étonné que l’on assiste à cela. Il faut toujours s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Cela ne veut pas dire que c’est mieux. Ce n’est d’ailleurs pas toujours transposable. Mais ça peut l’être.
Après votre accident, avez-vous repris votre pratique du vélo ?
Je n’ai fait que cela pendant l’année 2013 : arrêter et reprendre. Tout s’est fait au rythme des douleurs et des séquelles de mon accident. Après les fêtes, j’ai réussi à reprendre correctement le vélo. J’ai bien roulé en début d’année et ça commençait à aller pas mal ! Pour le reste c’était compliqué. Surtout pour la course à pied. J’avais encore du matériel dans la jambe. Je me suis fait opérer après Paris-Nice. Le temps guérit les blessures, il faut juste un peu de patience. J’ai souvent connu cela et je sais qu’il ne faut pas griller les étapes pour mieux revenir. Je n’ai pas d’objectif particulier. C’est le plaisir qui guide ma pratique. Le fait d’avoir été en difficulté pour courir pendant une année entière m’a donné envie de refaire un marathon. Je veux voir si j’ai réellement perdu mes aptitudes. Je pense que oui, mais ce n’est pas bien grave. Je me suis rendu compte que le vélo était un sport salutaire qu’il faut pratiquer. Même blessé, il n’y a pas de chocs. J’ai le souvenir de mes premières sorties de vélo et du bonheur que j’ai ressenti. C’est ma vie. Je continuerai quoi qu’il arrive à faire du vélo.