Laurent, douze ans après votre titre olympique à Sydney, que devenez-vous ?
J’occupe aujourd’hui des fonctions de conseiller technique sportif auprès du cyclisme calédonien. Mes principales missions sont le développement de la discipline sur le territoire, la formation des bénévoles, l’encadrement des différentes équipes de Calédonie, le suivi du Pôle Espoir et du centre territorial d’entraînement.
Y a-t-il des jeunes qui vous semblent prometteurs ?
On a quelques jeunes qui ont un bon potentiel. Ce qui nous fait défaut en revanche, c’est le manque de confrontations. Ça se ressent tous les ans aux Championnats de France sur piste. On essaie de se déplacer entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais le manque de moyens financiers ne nous permet pas de nous déplacer comme je le voudrais.
L’idée, c’est de faire intégrer les jeunes que vous découvrez à l’INSEP ou à Hyères ?
Pas forcément dans les Pôles France. Je dirais déjà qu’il faudrait envoyer ces coureurs prometteurs dans des clubs formateurs. Aujourd’hui, j’ai un Cadet qui est parti en Bretagne au Sojasun Espoir-ACNC. En un an, il s’est très bien adapté. Il figure parmi les douze premiers du Trophée Madiot.
Est-ce aujourd’hui plus facile qu’à votre époque de s’intégrer en métropole ?
Non, le problème existe toujours. Nous venons d’une île, si bien que venir habiter sur un continent surpeuplé, ce n’est pas forcément facile pour les jeunes Calédoniens. Mais avec mon expérience et mon vécu, on s’attèle à les envoyer en métropole pour faire des stages pour ensuite, pourquoi pas, intégrer une structure.
Dans des structures que vous avez expérimentées ?
Moi, j’ai un parcours atypique. Je suis arrivé tard au haut niveau et j’ai intégré tout de suite le Pôle France de Hyères. Mais avant d’en arriver là il y a d’autres étapes que l’on peut travailler pour que les jeunes puissent s’adapter. La principale difficulté, c’est l’éloignement de la famille. Quand on vient en métropole, on sait que c’est pour y rester une année. Le problème est le même pour les jeunes étudiants calédoniens.
Le tournoi olympique de vitesse individuelle se conclut aujourd’hui. Comment voyez-vous les demi-finales et la suite ?
On espère tous que Grégory Baugé va gagner le titre olympique, que l’on attend depuis de nombreuses Olympiades. On l’attendait déjà du temps de notre rivalité entre Florian Rousseau et moi. Grégory Baugé a pris le témoin. J’espère pour lui qu’il va passer les demi-finales sans contrainte, car Shane Perkins est quand même un sérieux client. Ce sera la première étape avant une finale qu’on attend entre Jason Kenny et Grégory Baugé.
Comment sentez-vous Baugé par rapport à Kenny ?
Dans ses propos, il est catégorique : il est là pour gagner la médaille d’or et rien d’autre. Je pense qu’il a prouvé ces quatre dernières années qu’il était capable de dominer le sprint mondial. Maintenant, il est vrai que les Britanniques sont dans une dynamique de réussite, mais un tournoi de vitesse, c’est un duel entre deux hommes. Et pour l’instant je pense que Grégory a un ascendant psychologique sur son adversaire.
Un pistard de Trinité-et-Tobago, Njisane-Nicholas Phillip, concourra la demi-finale face à Jason Kenny. Le connaissiez-vous ?
Pas du tout. Je l’ai découvert comme tout le monde ces deux derniers jours. Ce qui me met hors de moi, c’est qu’on limite cette année les nations à un compétiteur. Ça ne reflète pas exactement le niveau du sprint mondial et c’est malheureux. Si l’on faisait la même chose en athlétisme, il n’y aurait eu qu’Usain Bolt pour représenter la Jamaïque. Je ne comprends pas pourquoi on a appliqué cette règle au cyclisme.
Et si elle permettait l’émergence de nouvelles nations en piste ?
C’est vrai. Il est reconnu que Trinité-et-Tobago forme de bons sprinteurs en athlé, donc pourquoi pas en cyclisme. Mais voir débarquer un jeune coureur qu’on ne connaissait pas, je trouve ça regrettable, quand on sait comme un athlète travaille dur pour participer aux Jeux, un événement qui ne se déroule que tous les quatre ans. Il manque bien des sprinteurs de très haut niveau à Londres, voilà ce qui permet à ce jeune qui sort de nulle part d’atteindre les demi-finales des Jeux Olympiques.
Le programme sur piste, on l’a vu avec l’omnium, semble se chercher. Qu’en pensez-vous ?
Ils essaient d’innover. Et je pense que d’avoir mis l’omnium au programme des JO, c’est bien. On s’y perdait auparavant avec l’américaine, notamment les spectateurs qui n’y comprenaient pas grand-chose. Et l’omnium, c’est beaucoup plus clair pour tout le monde. On sait très bien que c’est comme le décathlon, une accumulation de points sur six épreuves qui déterminera le champion.
Propos recueillis à Londres le 6 août 2012.