Ça aurait pu être Julien Absalon, double champion olympique de VTT, mais c’est Laura Flessel, sacrée en épée individuelle et par équipe à Atlanta en 1996, à qui est revenu l’honneur de porter le drapeau bleu-blanc-rouge au moment de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. L’escrimeuse, cinq fois médaillée en trois olympiades, succède à Tony Estanguet. Elle est seulement la troisième femme à hériter de cet honneur, après Christine Caron en 1968 et Marie-Josée Pérec en 1996. Ce soir dans le London Olympic Stadium, Laura Flessel défilera à la tête de la délégation française. Fière de représenter les 333 athlètes de l’équipe de France, unis autour d’un événement sportif commun, quels que soient les athlètes et leurs disciplines. Quelques heures avant ce moment de grande émotion, la porte-drapeau tricolore a confié ses sentiments.
Laura, comment allez-vous à quelques heures de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ?
Le moral est très bon. Je savoure chaque minute, chaque seconde, en me disant que l’on va vivre la cérémonie d’ouverture. On sera 333 athlètes à lancer les Jeux Olympiques. Je ne me pose pas de questions, je vis sur mon petit nuage, parce que je sais que demain me rattrapera le stress de la compétition. Il n’y a vraiment que du bonheur à cet instant. On a envie de transmettre de la joie, de produire du bonheur. Ça passera par la compétition dès demain, mais d’abord par la cérémonie d’ouverture ce soir.
L’objectif de l’équipe de France est de faire mieux qu’en 2008, 41 médailles, comment la sentez-vous vis-à-vis de cette ambition ?
Honnêtement, l’équipe de France est aujourd’hui fin prête à répondre à ces objectifs. Le groupe France a été renouvelé depuis 2008. Des jeunes arrivent. On ne les connaît pas mais ils sont dans les starting-blocks. Les plus expérimentés vont utiliser leur expérience olympique. Il va se créer une alchimie. Nous sommes proches de la France. Davantage de supporters seront là. Nous avons besoin de cela. Entendre la Marseillaise, recevoir les encouragements de personnes que l’on connaît, ça nous booste ! Mais le maître mot de cette équipe de France, c’est d’être conquérants à Londres.
La mission de porte-drapeau est-elle lourde à porter ?
On porte cette mission à compter du jour où l’on rentre en équipe de France. Tout athlète a à cœur de bien représenter la France. En cas de victoire comme en cas de défaite. On sait pertinemment qu’il n’y aura que trois récompensés. Malgré tout on part du principe aussi qu’on peut revenir médaillés. On se donne l’envie d’aller chercher le Graal olympique et d’inspirer l’équipe de France pour que des médailles entraînent d’autres médailles.
Etes-vous stressée par cette mission de porte-drapeau ?
Mon seul stress aujourd’hui, c’est de savoir si j’opte pour des chaussures plates ou montantes ! J’ai envie de savourer sans regretter mon choix. Cette date, cette cérémonie, je l’ai programmée depuis longtemps et donc anticipée. Je sais pertinemment que l’on va y arriver. Mes aînés Tony Estanguet (Pékin 2008), David Douillet (Sydney 2000) ou Marie-Josée Pérec (Atlanta 1996) m’ont fait partager leur expérience. Le protocole est tel qu’on n’y va pas à l’aveugle. Maintenant la seule inconnue c’est la manière dont je vais ressentir ce moment. Je suis une émotive, mes jambes vont trembler, je sais que ça va bouillir à l’intérieur. Mais par-dessus tout, je suis fière.
Deux mots ressortent chez vous aujourd’hui, fierté et plaisir…
Ce sont mes deux mots, oui, parce que je deviens, à partir de ce soir, l’image d’une France intergénérationnelle, interdisciplinaire, pluriethnique, et je pense qu’aujourd’hui on a besoin de se ressourcer, de vivre l’instant présent, dans l’espoir de récupérer une médaille d’or à Londres. Ce soir je serai la seule à porter le drapeau mais derrière moi il y aura plus de 300 athlètes aussi fiers et honorés. Voir l’excitation des sportifs professionnels, aussi émus que nous, fait plaisir. Nous serons fiers d’avancer sur le stade, et dès demain concentrés sur la compétition.
Quels sont les athlètes avec lesquels vous avez été davantage en contact ?
Aujourd’hui, j’ai été plus en contact avec le basket, le hand et le cyclisme. Les coureurs s’échauffaient là où je me suis entraînée : au sous-sol d’un parking. Mais peu importe le lieu ! Nous avons beaucoup échangé. J’ai soupesé leurs vélos, je leur ai fait essayer mes épées. C’est une ambiance bonne enfant, mais nous en sommes fiers. Nous avons créé du contact, des liens, des clins d’œil, des échanges. C’est ça la magie de l’olympisme.
Comment avez-vous senti les coureurs ?
Très bien. Ils vont commencer demain, donc ils ne seront pas avec nous ce soir pour la cérémonie d’ouverture. Mais ils étaient très concentrés. Ce petit moment en aparté avec eux a été extraordinaire. J’ai pris ma leçon au moment où Arnaud Démare est arrivé, donc je n’ai pas pu échanger avec lui.
Propos recueillis à Londres le 27 juillet 2012.