Julien, vous avez été l’un des coureurs les plus remarquables sur la route de Lyon, d’abord en insistant pour intégrer l’échappée. Vous nous racontez ?
Ça a bagarré dur au départ. Ils sont partis à quatre, cinq en fait avec Christophe Le Mével qui s’est relevé. Nous, nous n’étions pas représentés. Nous avons essayé de relancer la course à chaque fois avec Jean-Marc Marino mais les sprinteurs ont commencé à faire un tempo pour nous empêcher de partir. On savait que sur cette étape il fallait relancer car ça représentait l’une de nos dernières chances, et on a réussi à ne pas louper le coup.
Vous avez surpris tout le monde en démarrant en haut de la côte de la Duchère. Pourquoi n’avoir pas privilégié votre pointe de vitesse ?
On nous reproche tout le temps de ne pas tenter, et là j’avais de bonnes jambes. Et puis vu les coureurs qui étaient avec moi dans le groupe de dix-huit, je savais que le final allait se faire au feeling. Il ne fallait pas attendre. J’ai vu une occasion se présenter à moi dans la côte de la Duchère. C’est monté vite mais je me suis senti suffisamment costaud pour attaquer. Je sais que j’ai une bonne pointe de vitesse. J’aurais pu attendre le sprint mais j’ai décidé de saisir l’opportunité qui s’offrait à moi. Quand j’ai démarré je me suis retourné une première fois, j’ai vu que ça ne réagissait pas et j’ai insisté.
Quel a été l’élément déclencheur de votre démarrage ?
Dans l’avant-dernière bosse, j’ai capté un message de Nicolas Guillé (NDLR : son directeur sportif) dans l’oreillette. Avec la foule je n’entendais pas grand-chose et la réception passait mal. Mais j’ai entendu quand Nico m’a dit à 300 mètres du sommet que David Millar avait pété. Là je me suis dit que s’il y avait un moment de flottement en haut, je devais y aller. J’ai tenté ma chance au bon moment. Il restait 15 bornes, je savais que tout le final se faisait en ville et que si je gérais bien ça pouvait le faire. J’y ai cru jusqu’au bout mais la dernière ligne droite était interminable. Un final plus sinueux m’aurait davantage favorisé.
Vous vous êtes beaucoup retourné dans les derniers kilomètres. Vous sentiez-vous limite ?
Comme mon oreillette ne fonctionnait plus, je n’avais pas d’informations quant à mon avance sur le groupe poursuivant. J’ai eu une ou deux motos qui m’ont communiqué des écarts : ils m’ont dit 20 secondes, 15 secondes… Mais tant que la ligne n’était pas franchie… Quand j’ai attaqué c’était pour gagner, pas pour montrer le maillot. Je me suis battu pour la victoire, ça n’a pas voulu sourire, c’est comme ça.
A quoi pensiez-vous dans les derniers kilomètres ?
J’ai bien franchi le dernier grimpeur et avec tout le monde qu’il y avait ça m’a bien motivé. J’étais à bloc, tout le temps à fond. J’ai surtout cherché à me motiver. J’avais les yeux rivés sur le compteur, j’essayais de ne pas trop perdre de vitesse. Dès que je voyais que je ralentissais, je relançais. J’étais entre 45 et 50. Mais les trois derniers kilomètres étaient vraiment longs.
Quelle a été votre réaction au moment où vous avez vu revenir Michael Albasini sous la flamme rouge ?
Quand Michael Albasini est revenu sur moi dans le dernier kilomètre, j’ai essayé de le bluffer un peu. Je me suis calé dans sa roue. A ce moment-là, j’ai vu qu’il était cuit et je me sentais encore capable de gagner au sprint. Mais c’est rentré derrière. J’ai sprinté pour une place mais après faire 5ème ou 11ème, ma place au bout du compte, ça ne change rien. La victoire se joue à rien. Je n’ai vraiment aucun regret. Je ne suis pas passé loin d’une victoire sur le Tour de France.
Les trois Français qui vous accompagnaient devant aujourd’hui ont semblé vous couvrir une fois que vous vous êtes évadé. Aviez-vous convenu d’une entente ?
Avec Blel Kadri, que je connais bien, on s’est simplement dit qu’il fallait la jouer finaud et ne pas se courir les uns après les autres. Mais avec Cyril Gautier ou Arthur Vichot on ne s’est pas vraiment parlé. Je ne sais pas ce qui s’est passé derrière.
A présent, que peut-on attendre de vous dans les étapes à venir ?
D’abord, cette étape, je l’avais cochée, sachant que demain ce n’est pas du tout pour moi. Maintenant, mardi à Gap, ça peut encore me correspondre. Je vais essayer de me refaire la cerise parce qu’aujourd’hui j’ai quand même pas mal donné. J’espère que les jambes ne vont pas être trop lourdes demain dans le Ventoux.
Propos recueillis à Lyon le 13 juillet 2013.