Jérôme, vous aviez brillé avec Sylvain Chavanel il y a deux ans sur le Tour. Avez-vous à cœur de revivre cela ?
Bien sûr, on a envie de revivre ces moments-là tous les ans, mais on sait très bien que le bon Tour, en général, il arrive une année sur deux ou une année sur trois. C’est statistique pour Sylvain comme pour moi. Pour nous, ça marche tous les deux ans. Et puis il y a des signes qui nous encouragent à espérer puisque nous sommes logés dans le même hôtel qu’il y a deux ans, quand nous avions décroché les trois maillots : le jaune, le vert et le maillot à pois. On espère revivre de bonnes images comme celles-ci. On a tous les deux beaucoup d’expérience. On a très envie tous les deux, et comme on sait qu’on s’approche plus de la fin que du début, plus les Tours arrivent, plus on a envie d’y être, et plus on a envie d’y briller.
Vous êtes dans une équipe belge pour un Grand Départ donné de Belgique, y a-t-il une attente particulière ?
Je suis dans une équipe internationale à sponsor belge. C’est sûr, c’est excitant car le sponsor est là, les gens aussi. On sait que nous allons être attendus, comme tous les ans, en plus on a un gros challenge, une grosse équipe, donc on a à cœur de briller. J’ai beaucoup parlé avec Tony Martin, je lui ai dit de rester relax. Mais s’il fait 2ème samedi on va être déçus, les gens en Belgique les premiers, car on attend de lui qu’il gagne le prologue. Je sais ce qu’il a en tête. S’il pouvait nous décrocher ça dès samedi, ce serait un grand soulagement pour toute l’équipe.
Quel va être votre statut ?
J’aurai carte blanche, mais pas sur toutes les étapes. Je veux avoir carte blanche dimanche à l’arrivée à Seraing, mardi à l’arrivée à Boulogne-sur-Mer. Il y a beaucoup d’étapes qui sont très accidentées, à ma faveur. Mais je suis aussi un équipier et je sais que l’équipe aura besoin de moi, notamment dans la gestion des trois semaines. C’est mon onzième Tour, Sylvain son douzième, nous avons de la bouteille. On aura besoin de moi pour régler l’équipe, pour rouler tous ensemble dès dimanche et bien gérer le final compliqué. Je kiffe ce rôle. Je n’ai jamais voulu être leader mais ce statut de capitaine de route me convient à merveille. Cocher des étapes pour taper dedans me plaît aussi. C’est un parcours idéal pour moi. Les 101 kilomètres de chrono vont permettre aux favoris de s’isoler en tête. Après, ce sera très ouvert.
Vous aimiez frotter dans les sprints par le passé, allez-vous vous substituer à Tom Boonen en son absence ?
Non, mon métier, ce n’est plus sprinteur ! Je l’ai été il y a quelques années, mais avec la naissance de mes enfants j’ai pris un peu de plomb dans la tête. Je freine un peu plus tôt désormais, je ne peux pas m’en empêcher. Maintenant, si vous me parlez du sprint de Seraing ou de celui de Boulogne, je vous répondrai oui car j’ai toujours les qualités d’antan. Ce sont des sprints où il ne faut pas nécessairement jouer des coudes. Mark Cavendish sera moins nerveux s’il est là. En bosse, oui, je vais aller sprinter, mais je n’ai plus ma place sur les sprints.
Vous verriez-vous en jaune sur ce Tour ?
Il faudrait avant tout que je réalise un bon prologue, c’est ça la question. Si je fais un bon temps samedi, pourquoi pas. L’étape de Boulogne est ouverte à tout le monde, à moi davantage, je connais l’arrivée, je sais que ça va pas mal, je sais que c’est dur. Je vois bien Sylvain Chavanel en jaune, ça c’est sûr. Moi, si ça m’arrive, j’aimerais bien forcément ! Tout va dépendre du prologue. Il faudra être à moins de 15-20 secondes dimanche. Vers Boulogne-sur-Mer, ce sont des costauds qui sortiront, et parmi eux il y en aura bien un qui aura fait un bon prologue. Maintenant, des gars qui avaient moins de talent que moi ont porté le maillot jaune, alors tous les rêves sont permis. Si je gagne l’étape de Boulogne, ça me suffira. Le maillot jaune, ça ne pourra être que mieux.
L’actualité au départ de ce Tour, ce sont les soupçons de dérive chez Europcar, qu’en dites-vous ?
Vous savez, certains journalistes aiment faire du papier sur ce type d’histoire, écrire de mauvaises choses à l’approche du Tour. Pour une certaine presse, c’est l’un des moyens d’exister. Après, il n’y a pas de front anti-Europcar dans le peloton français et il n’y a pas eu de délation à ma connaissance. Nous avons eu une réunion avec l’UNCP, le syndicat des coureurs, pour bien défendre notre position. Nous sommes tous pour cette lutte acharnée contre le dopage, et d’abord chez nous dans le peloton français. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui nous sommes tous solidaires avec l’équipe Europcar. C’est trop petit de les attaquer ainsi.
Aucun coureur français n’ira se réjouir de ce qui leur arrive ?
Bien sûr que non, et je l’espère. Moi, en tant qu’ancien dans le peloton, ça m’attriste, et j’espère que personne ne se réjouira d’une situation pareille. Ça met des gens en péril, une équipe en péril. En tout cas ça ne donne pas une bonne image alors qu’on ne sait rien, qu’on ne sait pas ce qu’il s’est passé ni ce qu’il va se passer. Peut-être rien. Comme d’habitude, c’est à l’approche du Tour que ça sort. On est tous solidaires avec eux et on espère que ça finira bien.
Il y a trois « Pineau » dans le peloton du Tour 2012, ça ne vous embête pas ?
Non parce que pour l’un ça ne s’écrit pas pareil, Thibaut Pinot. Et pour Cédric Pineau, ce n’est pas la même dynastie. Je ne veux surtout pas qu’on confonde, nous ne sommes pas les mêmes. Thibaut a tout l’avenir devant lui, Cédric est un jeune coureur mais pas de la même envergure, moi je suis à l’apogée de ma carrière. J’espère juste finir en tête du classement des Pineau sur le mois de juillet !
Propos recueillis à Liège le 28 juillet 2012.