Jérôme, vous avez rejoint l’équipe Cofidis cette saison. Qu’en attendez-vous ?
2013 va être une année charnière. J’aurai 27 ans, j’arrive dans mes meilleures années, il est donc vraiment temps de passer un palier et de faire des résultats au plus haut niveau : Paris-Nice, le Dauphiné, le Tour de France… Le projet de l’équipe Cofidis m’a séduit. J’appréciais des coureurs de l’équipe comme Rein Taaramae ou Adrien Petit et les arrivées de Daniel Navarro, Christophe Le Mével ou Guillaume Levarlet ont pesé dans la balance. Collectivement, pour les courses par étapes, nous avons une super équipe. Pour moi, il était important de pouvoir partager les responsabilités et pouvoir me sentir soutenu dans les moments difficiles.
Est-ce ce qui vous a manqué chez Saur-Sojasun ?
J’ai toujours été soutenu par le groupe chez Saur-Sojasun, mais ce qui m’a fait défaut était d’être le seul leader. Ce n’était pas mon choix. J’ai toujours voulu courir auprès d’un co-leader pour pouvoir partager les responsabilités et courir différemment. Quand on est leader unique, on ne peut pas tenter des trucs différents au risque de tout perdre. Chez Saur-Sojasun j’étais obligé d’attendre, d’attendre, pour au final ne pas faire un gros résultat. En tentant, j’aurais peut-être pu faire de meilleures choses. Cette année je vais pouvoir courir de manière plus offensive et c’est ce qui me correspond le mieux.
Comment allez-vous partager le leadership avec Rein Taaramae ?
Il n’y aura pas un leader plus que l’autre. Nous sommes très proches, nous nous connaissons bien et nous entendons bien. Nous avons déjà défini nos rôles respectifs. Paris-Nice, c’est sa course, j’irai donc là-bas pour l’aider et viser une étape. On verra ensuite si nous sommes invités au Tour du Pays Basque et si je décide de faire du Dauphiné un objectif. Sur le Tour de France, nous serons sur un pied d’égalité. Les jambes décideront de qui se mettra au service de l’autre.
Vous dites être proche de Rein Taaramae, dans quel sens ?
Nous sommes de bons amis. Nous courons ensemble depuis 2005. A l’époque, il était à Saint-Amand-Montrond et moi à Roanne. On se battait sur les courses tous les week-ends. Nous nous sommes tout de suite bien entendus. Le fait qu’il soit étranger, c’est aussi plus facile pour partager le rôle de leader dans une équipe. Il n’y a pas de concurrence franco-française. Et les étrangers n’ont pas la même mentalité. Rein est un super mec, nous n’aurons aucun mal à se partager les rôles et à se sacrifier l’un pour l’autre.
Plus que des responsabilités, ne s’agit-il pas de partager la pression avec lui ?
Ça en fait partie forcément. La pression sera divisée par deux. Je ne serai pas obligé d’arriver sur toutes les courses par étapes en forme pour faire un bon classement général. Sur toute une année, je l’ai vu l’année dernière, ce n’est pas possible. J’arrivais à être à peu près bien partout mais jamais extraordinaire quelque part. C’est ce qui m’a manqué mais je n’avais pas le choix. Cette année je vais aborder les courses différemment. Je vais reprendre à l’Etoile de Bessèges sans pression de résultat de la part de l’équipe.
Vous évoquez souvent le Tour de France, mais pourquoi ne pas vous imaginer sur la Vuelta ?
J’aimerais bien doubler le Tour et la Vuelta cette année si je termine le Tour en bon état, mais ce sera vraiment pour aider Daniel Navarro sur le Tour d’Espagne et ne viser que des étapes à titre personnel. Pour le classement général, je ne viserai que le Tour. Après, ça n’empêche pas d’avoir des ambitions sur les autres courses.
Que gardez-vous de votre aventure chez Saur-Sojasun ?
J’étais vraiment bien là-bas, je m’entendais bien avec tout le monde. Mais Stéphane Heulot n’avait pas encore de sponsor au moment où il fallait que je me décide. Il a été honnête en me disant qu’il ne pouvait rien me promettre et je l’en remercie. Je ne pouvais pas prendre le risque d’attendre, et c’est ce qui a précipité mon choix de partir.
Deux choix de carrière se sont alors présentés à vous…
J’ai d’abord donné ma priorité à l’étranger. C’était très bien avancé avec Saxo Bank mais l’arrivée du cosponsor Tinkoff a fait retarder les choses. J’imagine que ce sponsor a imposé ses choix et ça a réduit mes chances d’intégrer le groupe. Bjarne Riis m’a souvent appelé et demandé de patienter, mais au bout d’un moment je ne pouvais plus prendre ce risque.
Rejoindre le Team Saxo-Tinkoff vous aurait amené à tirer un trait sur vos ambitions personnelles pour devenir lieutenant d’Alberto Contador. C’est ce que vous souhaitiez ?
Si j’avais été là-bas, ça aurait été pour être équipier de Contador sur les grosses courses. J’aurais eu ma chance sur quelques autres courses comme un Dauphiné ou un Tour de Suisse, mais à l’époque où nous discutions des coureurs comme Roman Kreuziger ou Nicolas Roche n’avaient pas encore signé. Etre coéquipier de Contador aurait été une belle aventure. Et j’aurais pu viser un Top 10 sur le Tour même en l’aidant. Ça n’aurait pas ruiné toutes mes ambitions non plus.
L’équipe Cofidis sort d’une année difficile. En avez-vous parlé avec les coureurs ?
Bien sûr, nous en avons parlé. Rien de ce qui s’est passé l’année dernière chez Cofidis n’est tabou, qu’il s’agisse des résultats ou de ce qui a pu se passer à côté. Nous en avons parlé, chacun en a tiré les leçons et ça a décuplé la motivation pour justement ne pas revivre une année comme 2012.
Avez-vous changé votre façon de vous préparer ?
J’ai changé pas mal de choses, oui. Déjà je travaille tout seul, sans entraîneur, et j’ai fait beaucoup moins de ski de fond cet hiver, les conditions étant bonnes chez moi pour rouler. J’ai volontairement retardé mon pic de forme pour ne pas arriver en condition trop tôt comme l’année dernière. Je mise plus sur Paris-Nice et les classiques, si on les fait.
Comment vous voyez-vous évoluer dans cette équipe dans l’avenir ?
J’ai vraiment envie de m’installer durablement chez Cofidis. Nous avons une équipe très jeune qui va encore progresser. J’espère qu’elle sera l’une des meilleures dans les années à venir. Nous en avons le potentiel avec des coureurs comme Rein Taaramae et Adrien Petit. Cofidis a besoin de retrouver sa place dans la hiérarchie mondiale et je pense que nous sommes capables, dès l’année prochaine, de replacer le groupe là où il doit être. Je veux croire qu’on sera dans le WorldTour en 2014. A nous maintenant de faire des résultats et de ramener des points pour accéder aux dix-huit premières places.
Propos recueillis à Vincennes le 25 janvier 2013.