Jean-René, quel sentiment prédomine à l’issue du Tour de France de l’équipe Europcar ?
La frustration. Nous n’avons pas été payés. Nous avons eu peu de réussite, à l’image de Pierre Rolland qui a couru en vain après le maillot à pois. Maintenant, c’est la course. Je ne suis pas déçu de mes gars, bien au contraire, mais nous avons enregistré un manque de réussite totale.
Les échecs successifs de Pierre Rolland en sont l’illustration…
Dès les Pyrénées dans l’étape de Bagnères-de-Bigorre, Pierre jouait la victoire en s’étant échappé. Mais Richie Porte a craqué et les Movistar ont roulé. Ça a condamné sa première tentative. Puis il a perdu toute ambition au classement général après sa crevaison vers Saint-Amand-Montrond. Comme Alejandro Valverde. Enfin il a pris la course à l’envers dans le Ventoux. Il a essayé de rentrer pendant 50 kilomètres sur l’échappée sans y parvenir. Ses jambes étaient là mais ce Tour n’a pas voulu rigoler. L’équipe était néanmoins préparée pour l’aider.
Après plusieurs éditions glorieuses, Thomas Voeckler n’a pas su tirer son épingle du jeu dans cette 100ème édition. Pourquoi ?
Thomas était en-deçà de ce qu’il pensait. Après sa fracture de la clavicule sur l’Amstel Gold Race en avril il a retrouvé la forme trop rapidement en juin. C’est le Tour de France, certes, mais c’est comme ça. Regardez qui étaient les acteurs principaux l’an dernier : Thibaut Pinot, Pierre Rolland, Tejay Van Garderen, Cadel Evans… Cette année c’en sont d’autres.
Vous mettez donc les difficultés de Thomas Voeckler sur le compte de son retour hâtif au mois de juin ?
Il est revenu très, très vite. Il avait envie de se rattraper après sa fracture en avril, or on ne rattrape jamais le temps. Maintenant, on peut faire confiance à Thomas. Il a envie de remettre le Tour dans ses objectifs l’an prochain. Ce sera alors à lui d’en parler.
Malgré tout, le Team Europcar aura été offensif. Quels coureurs vous ont particulièrement donné satisfaction ?
Je pense notamment à Jérôme Cousin, qui a fini le Tour très frais. Ce sera peut-être un grand coureur de Tour de France à l’avenir, un grand coéquipier. C’est quelqu’un qui roule très vite, qui est capable de boucher 20 secondes seul contre un peloton. Ce sera quelqu’un de rare.
L’autre vraie bonne nouvelle du Tour, c’est la reconduction du contrat avec Europcar pour deux années supplémentaires…
Oui, bien sûr. En dépit du Tour il ne faut pas oublier que nous réalisons notre meilleure saison. Nous en sommes à vingt-trois victoires désormais puisque Natnael Berhane a été déclaré vainqueur du Tour de Turquie sur déclassement du premier. Vingt-trois victoires, c’est notre meilleur score depuis que l’équipe existe. Nous avons réalisé notre meilleur début de saison. Le Tour de France, il faudra l’oublier, mais la saison est loin d’être finie. On a encore de belles choses à faire.
La recherche d’un partenaire en début de Tour de France a-t-elle éloigné un coureur comme Pierre Rolland de son véritable objectif, quand on l’a vu courir après le maillot à pois dès la Corse ?
Pas du tout. C’est la crevaison de Saint-Amand-Montrond qui a réellement annulé tous ses objectifs au classement général. Il s’est ressaisi avec l’objectif d’un maillot à pois, dans un esprit de conquête, mais il faut quand même rappeler que le règlement offre davantage de points aux arrivées aux sommets. Pierre Rolland a marqué des points à une cinquantaine de reprises, les autres se sont contentés de la dernière ascension, mais ils sont devant au final. Maintenant, c’est le règlement…
Devrait-il être corrigé dans la perspective de la 101ème édition ?
Porter un maillot à pois sur le Tour le temps d’une journée, c’est très valorisant, mais il est évident qu’un coureur comme Pierre Rolland, si le règlement ne change pas, ne courra pas après. Quintana et Froome sont allés le chercher en marquant des points sur trois arrivées au sommet seulement, où les points sont doublés. Le maillot leur est revenu sans qu’ils le cherchent quand Pierre s’est battu trois semaines pour l’avoir. Ce n’est pas injuste parce que c’est le règlement, mais on peut peut-être en discuter.
Que vous inspire Christopher Froome ?
Moi il me plaît bien ce vainqueur. De même que Nairo Quintana, qui est une révélation. Maintenant, on verra bien auquel des deux correspondra le parcours au mois d’octobre. Dès lors, chacun va travailler pour le Tour de France avec son équipe.
Propos recueillis à Versailles le 21 juillet 2013.