Jean-René, les discours autour de votre nouvelle équipe Europcar semblent on ne peut plus explicites : vous serez au départ du Tour de France l’an prochain. Est-ce une garantie ?
Nous aurons dans notre effectif le champion de France, le meilleur grimpeur du Tour de France 2010, l’épreuve s’élancera de Vendée et nous sommes en plus la meilleure équipe française sur l’ensemble de la saison 2010. Ca me paraît évident que nous serons au départ du Tour, sinon je ne vois pas ce qu’il nous faut d’autre. Il n’y a rien d’autre à interpréter que la meilleure équipe française qui part de chez elle avec le meilleur grimpeur du Tour Anthony Charteau et le meilleur coureur français Thomas Voeckler. Je ne doute en aucun cas que nous serons au départ du Tour. Ce n’est pas une information, c’est une évidence.
Quelles sont vos impressions sur le tracé du Tour 2011 ?
C’est un tracé similaire à ceux des années passées. On voit que les organisateurs essaient de mettre un peu de piment à leur course en dehors des grands massifs. On y retrouve des étapes relevées comme celle qui s’achèvera à Mûr-de-Bretagne. L’arrivée à Lisieux sera compliquée elle aussi. Et puis un seul contre-la-montre individuel, c’est bien.
Le Grand Départ en Vendée, ça évoque forcément de bons sentiments ?
Le parcours, on le connaît depuis longtemps. Nous savons que le dimanche 3 juillet autour du siège historique de l’équipe aux Essarts, ce sera la plus belle journée. Il s’agira d’un contre-la-montre par équipes mais nous allons le préparer. Il y aura beaucoup d’émotion. La Vendée, Thomas Voeckler, ma persévérance, le fait de ne jamais tricher, tout cela constitue une histoire qui ne laisse pas les gens indifférents. Nous avons d’ailleurs énormément de soutien et ce parcours en Vendée aura une saveur particulière.
C’est un parcours qui correspond totalement à vos attentes par rapport au profil de votre équipe ?
On verra, il y aura peut-être des surprises ! On ne peut pas écrire l’histoire tout de suite mais il faudra créer la surprise et on l’écrira sur le terrain. Cette année, notre belle surprise a été le Maillot à Pois, celle que nous avons en tête pour l’année prochaine je ne pourrai pas vous en parler… sans quoi ce ne serait plus une surprise !
Que pensez-vous de la partie montagneuse de ce Tour de France ?
Rien en particulier, ce sont les coureurs qui feront la course. Il faudra tout exploiter car ce n’est pas le parcours qui décidera mais l’envie. Nous avons gagné une grande étape avec le Tourmalet au programme cette année avec Pierrick Fédrigo, nous avons également gagné une grande étape en montagne avec Thomas Voeckler. On ne peut pas cocher une étape, il faut juste mettre beaucoup de cœur à l’ouvrage. C’est un beau parcours et nous allons confectionner une équipe capable de créer la surprise pour tenir le public en haleine.
C’est néanmoins un parcours dessiné pour un grand grimpeur…
Il est pour un grand leader qui aura une grande équipe. Y en a-t-il ? Des équipes doivent aussi courir pour gagner. J’ai bien retenu le message que le meilleur sprinteur était Mark Cavendish, et j’espère qu’en 2011 des gens laisseront travailler l’équipe de Cavendish pour favoriser les échappées. Il faut que toutes les autres équipes créent de l’activité, du mouvement, de l’insécurité, pour rendre les étapes palpitantes.
Pour remporter une étape, les Français devront encore miser sur des coups ?
Les Français ne font pas de coups, ils courent simplement pour gagner. Le cyclisme français n’a rien à envier aux autres. On constate une montée de la France et une baisse de certains. On voit aussi des histoires récurrentes chez nos voisins étrangers, vous en tirerez les enseignements nécessaires… Mais les Français, je le redis, ne font pas des coups, ils courent pour gagner puisque c’est cela l’important.
Comment jugez-vous l’affaire Alberto Contador, soupçonné de dopage après la découverte d’infimes traces de Clenbutérol dans ses urines ?
A lui de se défendre. Les innocents se défendent toujours avec du cœur. Alberto Contador doit se défendre avec ses armes. Je ne suis pas expert, je ne peux pas juger. Je remarque seulement que les histoires continuent, la suspicion aussi, et que c’est très mauvais pour le vélo. Une vraie remise en cause doit être faite.
Avez-vous maudit Alberto Contador lorsque vous étiez à la recherche d’un partenaire ?
Absolument pas, car ça a été une chance pour nous. Le Tour de France n’en mourra pas, le cyclisme ne mourra pas. Quand le vainqueur du Tour est suspecté, en face il y a une équipe qui cherche un partenaire et je pense qu’une magie s’est opérée.
Après les circonstances dans lesquelles s’est créée, à la toute dernière minute, l’équipe Europcar, on imagine que l’osmose existe déjà entre les coureurs…
Europcar est le sponsor de l’équipe, avec sa vision, et il s’exprimera en conséquence. Ce partenaire apportera son soutien à une équipe qui a des valeurs. Nous sommes dans une configuration de développement avec un partenaire qui croit dans nos valeurs. Et c’est plutôt un bon signe que des entreprises fortes soutiennent un sport qui ne mourra pas, même s’il est parfois décrié. C’est un beau partenariat qui commence.
Malgré tout, avez-vous douté de l’arrivée d’un tel partenaire lorsque l’échéance touchait au but ?
Jamais. Et les coureurs le sauront toute l’année : tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie il faut toujours y croire. Ca restera malgré tout une victoire qui aura de la saveur, et franchement c’est bien. C’était un beau suspense et avec le recul c’est vraiment bien. Au moins, c’est une très belle histoire qui a marqué l’esprit des gens. A un moment où le sport de haut niveau est décrié, on s’est aperçu que chez nous il y avait des valeurs. Je n’ai jamais dérogé aux règles. Je n’ai jamais voulu vendre autre chose que ce que nous sommes. Ca a été long mais c’est une belle victoire au final et je suis très heureux de ne pas avoir vendu mon âme.
Quelques coureurs sont tout de même allés voir ailleurs, aurez-vous l’effectif qui vous convient pour affronter l’année 2011 ?
Le sport est fait pour fabriquer des révélations, amener des nouveaux noms, et nous aurons dans notre équipe un très bel effectif. Je ne vais pas vous refaire l’histoire du vélo mais Thomas Voeckler en 2004, personne n’aurait mis un euro sur lui. Pas plus que sur Sébastien Turgot, révélation du Tour cette année. Et on en a quelques-uns en magasin. Je pense qu’on va faire une belle équipe.
Après le départ de Pierrick Fédrigo, Thomas Voeckler sera-t-il l’unique capitaine de route de l’équipe Europcar ?
Il n’y a jamais eu deux capitaines de route. Thomas symbolise par son histoire et son parcours tout ce qui nous tient à cœur, c’est-à-dire quel est l’homme derrière le coureur. Je ne pense pas à qui lui succédera, nous travaillons plutôt sur l’obsession du collectif.
Propos recueillis à Paris le 19 octobre 2010.