Jan, quelle première pensée vous anime alors que vous venez de remporter votre première victoire sur le Tour de France ?
C’est difficile à croire, je suis tellement heureux. Ce qui m’arrive aujourd’hui est fantastique après tous les problèmes que j’ai connus cette saison. Quand je me suis échappé à 7 kilomètres de l’arrivée, je devais prendre un relais. Les autres ont hésité un tout petit moment. C’était légèrement descendant, je me suis dit c’est tout ou rien. Jusqu’à présent, quand je prenais une échappée, elle échouait toujours. Aujourd’hui ça a réussi et j’en suis très heureux. J’ai eu du mal à gagner pendant longtemps. J’ai encore fini 3ème du Championnat de Belgique il y a une semaine. Au fil du temps je pensais que ça allait devenir difficile de gagner. Il m’a toujours manqué quelque chose mais tout est oublié d’un coup aujourd’hui.
Vous étiez inspiré par l’étape du jour ?
En arrivant sur le Tour j’ai regardé le profil des étapes en Corse. Je savais que ça me plaisait. C’était trop dur pour les sprinteurs donc très ouvert. Après la bosse dans Ajaccio, le peloton était encore important mais les équipes étaient désorganisées. J’en ai profité avec cinq autres coureurs. J’avais l’impression qu’ils ne donnaient pas tout, et quand le peloton est revenu très fort, j’ai pris un relais appuyé, j’ai pris 10 mètres. C’est incroyable d’avoir pu tenir.
Sentiez-vous que le coup était jouable dans les derniers kilomètres ?
Dans l’échappée, j’avais l’impression d’être le seul à y croire. Je savais qu’on pouvait y aller si on se donnait à 100 %. Quand je prenais mon relais, j’avais toujours l’impression d’en faire plus que les autres. Je me disais qu’une telle chance ne s’offrirait peut-être plus à moi sur le Tour. En voyant le peloton revenir fort, j’ai repris un relais appuyé. J’ai roulé fort et soudain Kim Andersen m’a crié dans l’oreillette que j’avais pris 20 mètres, mais que le peloton était proche. A 500 mètres de l’arrivée, je croyais toujours que je pouvais tenir mais je savais que ce serait très dur car un peloton, ça va vite dans le dernier kilomètre. J’ai tout donné et comme bonus j’ai le plus beau maillot du monde.
Pourquoi vous a-t-il fallu tant de temps pour remporter enfin une course chez les professionnels après votre victoire dans le Tour de l’Avenir en 2008 ?
J’ai eu beaucoup de malchance, deux opérations, je suis tombé au Tour de Lombardie 2010, je me suis fracturé le genou et le coude. Des choses comme ça, ça prend du temps pour guérir. J’ai chuté au Giro, un jour où je croyais avoir une bonne chance de gagner l’étape. Idem sur la Vuelta. J’ai eu des opportunités mais il m’a toujours manqué un peu de réussite. Aujourd’hui j’ai eu un peu de tout : j’ai attaqué au bon moment, j’avais de bonnes jambes et c’est finalement arrivé.
Vous vous êtes fâché avec votre directeur sportif Alain Gallopin il y a un mois. Pourquoi ?
Il m’a mis hors de la sélection du Dauphiné parce qu’il m’en voulait après le Tour de Romandie. Je n’avais pas pu disputer le dernier contre-la-montre, souffrant d’une inflammation du genou droit, alors que je revenais d’une opération du genou gauche. Il m’a rappelé qu’il avait sorti quelqu’un pour moi pour me permettre de disputer le Tour de Romandie et que je retombais dans ma blessure. J’ai été fâché, je lui ai dit que j’avais beaucoup travaillé pour revenir. Il m’a dit que je devais faire ce qu’il me disait, et qu’on regarderait après le Tour de Luxembourg. J’ai fait un super mois de juin. Mais de là à gagner si tôt sur le Tour, je n’y aurais jamais pensé.
Vos coéquipiers vous décrivent comme un personnage étonnant, qui ne partage pas leurs sujets de conversation. Qui êtes-vous ?
Je parle de voitures et de filles, comme les autres gars. D’ailleurs il y en avait de très belles sur le podium ! Mais c’est vrai que je suis devenu professionnel à 23 ans et que j’ai d’abord étudié à l’université de Louvain. Je pense qu’il y a plus que le vélo dans la vie, mais à l’instant présent le vélo arrive en première place, c’est certain.
L’équipe RadioShack-Leopard est venue sur ce Tour de France dans l’espoir d’y peser au classement général avec Andy Schleck. Comment estimez-vous votre leader ?
Aujourd’hui j’ai vu un Andy très fort, surtout quand nous étions dans les bosses. J’ai vu qu’il était en très grande forme. Ça me fait croire en lui. Cette victoire aujourd’hui est aussi très importante pour lui. Ça va retirer une partie du stress. Ce qui viendra maintenant sera du bonus. Je pense qu’il est en très grande condition. Il peut faire un Top 10, un podium, qui sait. En tout cas j’y crois beaucoup.
Propos recueillis à Ajaccio le 30 juin 2013.