Frédéric, vous avez cédé l’an passé votre poste de sélectionneur de l’équipe de France à Laurent Jalabert. Que devenez-vous depuis ?
En quittant la Fédération Française de Cyclisme, j’avais en tête d’intégrer le staff d’une équipe qui n’a finalement jamais vu le jour (NDLR : le projet de l’équipe H2O, lancé à l’hiver 2008/2009, est mort dans l’œuf). Après cette mésaventure, j’ai été commercial durant quelques mois et j’ai acheté un petit magasin de vélos à côté de Saint-Girons, au mois d’août dernier, juste après le Tour de France. Le magasin est situé en pleine traversée des Pyrénées, alors les cyclos s’arrêtent chez moi pour faire tamponner leurs brevets. La semaine dernière, j’ai vu passer des Israéliens, des Américains, des Australiens… Je parle un peu de vélo avec eux, certains me reconnaissent, d’autres non. Je poursuis donc mon parcours dans le vélo.
Vous y avez maintenant presque tout fait !
J’ai fait du vélo dans toutes les disciplines, j’ai été sélectionneur national, un peu directeur sportif, j’ai fait de la communication avec le Crédit Agricole et me voilà marchand de vélos ! Je m’occupe aussi un petit peu des jeunes à Saint-Girons. On n’en a pas beaucoup mais c’est bien et on commence à avoir de petits résultats. Je fais tout cela avec plaisir car je suis avant tout un vrai passionné de vélo. En revanche je ne pratique plus trop, j’ai dû faire 1200 bornes cette année, mais je fais des sorties de 30 bornes. Donc faites le calcul pour arriver à 1200 bornes, ça fait quelques sorties ! En fait je roule avec les Benjamins-Minimes. Je leur fais faire des petits sprints, des montées, je leur fais travailler le placement. Et puis j’ai attaqué la descente cette année en m’imposant sur la Red Bull Road Rage.
Vous avez participé ce week-end à la Marmotte d’Olt en qualité de parrain, et toujours avec un bel état d’esprit…
Je suis parti devant car j’avais un bon dossard. Les organisateurs ont été sympas de m’appeler et de penser à moi comme parrain de cette cyclosportive. C’est la première fois que je le fais pour une autre cyclo que par chez moi, ayant été le parrain de la Casartelli l’an passé. Ce sont de supers événements sur lesquels on ne rencontre que de vrais passionnés, des gens qui ont envie de faire du vélo. J’ai vu des choses que je n’avais jamais vues, des jeunes qui s’arrachent sur les routes pour donner le maximum de ce qu’ils peuvent faire. Ils ont l’envie de donner le meilleur d’eux-mêmes et c’est vraiment l’ambiance vélo.
Votre magasin s’appelle 100 % vélo, vous est-il venu à l’idée de vous associer à une cyclosportive pour le faire connaître ?
Non, j’ai un petit magasin et je ne cherche pas à faire de la communication autour. Ma clientèle, ce sont les enfants, les papys qui s’arrêtent pour refaire leur vélo, quelques coursiers, quelques vététistes, quelques descendeurs, mais pas beaucoup. Je mène vraiment une petite vie tranquille à Saint-Girons, dans l’Ariège. Ce n’est pas du tout un gros business. A titre personnel, venir participer aux cyclosportives de manière régulière ne m’intéresse pas non plus. Je suis un ancien professionnel, j’ai besoin d’objectifs, et je sais que pour batailler sur une cyclo, il me faudrait m’entraîner pour être devant. Je n’en ai plus le temps ni le désir. Aujourd’hui, je ne pratique plus que du vélo plaisir.
Le Tour de France fait cette année la part belle aux Pyrénées, comment allez-vous le vivre ?
Je fais à nouveau le Tour de France pour France Télévisions cette année. Je fais le petit résumé du Journal du Tour avec Nicolas Geay sur France 3 à 20h00. C’est aussi une bonne expérience.
Vous avez gagné la Red Bull Road Rage, dont le principe est de faire un sprint à quatre dans une descente de col, allez-vous prolonger cette expérience ?
C’est une course un peu unique qui ne se fait pas tous les jours et pas dans tous les pays. S’il y en a une, j’y vais, je fonce, car c’est du plaisir. Je n’ai pas besoin de m’entraîner, j’emmène le vélo et c’est parti. En revanche, j’ai rencontré des pilotes de descente et je me suis mis au VTT descente. J’ai disputé le Championnat Midi-Pyrénées à Brassac, dans le Tarn. J’ai gagné dans ma catégorie. Et j’ai fait la Maxiavalanche à Andorre, où je me suis redécouvert. J’ai fait 8ème au scratch, avec du beau monde au départ. Rémy Absalon l’a emporté, il est intouchable, mais je pense que derrière j’aurais mon mot à dire si je m’entraînais un peu. En tout cas je m’éclate sur cette discipline !
On se souvient que durant votre carrière professionnelle sur route, vous aviez participé au Tour VTT…
A l’époque, c’est Max Commençal, de chez Sunn, qui m’avait contacté aux Jeux Olympiques d’Atlanta. J’étais avec Christophe Dupouey, Miguel Martinez et les autres. Il lui manquait un mec pour le Tour de France VTT et il m’a demandé si je n’avais pas envie de le faire avec eux. Il a fallu que je négocie avec Roger Legeay pour l’équipe Gan, Daniel Baal pour la fédé, et Jean-Marie Leblanc pour le Tour de France. Nous avons fait une réunion et on a trouvé un deal. J’ai donc fait le Tour de France VTT, j’ai pris du plaisir et j’ai même gagné une étape à profil descendant. Et à l’époque, il y avait déjà un certain Cadel Evans qui faisait mal…
Vous suivez toujours de près l’actualité du cyclisme. La semaine écoulée a été marquée par la chute provoquée par Mark Cavendish en Suisse, quel est votre sentiment ?
Je n’ai vu la chute qu’une seule fois. A la limite, il faudrait peut-être analyser le sprint pour mieux savoir ce qui s’est passé. Mon sentiment, après, c’est un sprint ! Mark Cavendish est critiqué pas mal parce qu’il gagne. Il énerve tout le monde parce qu’il fait des gestes, tout ça. Disons que c’est un peu la nouvelle star qui arrive, un personnage un peu atypique. Mais pour moi ce qu’il fait, c’est grand, même si c’est un petit « merdeux ». Je ne le critique pas. Je ne suis pas de ceux qui le prennent pour un fou. Non, c’est un sprinteur et un mec qui se lâche, enthousiaste. Il croit en ce qu’il fait, il veut gagner à tout prix, et c’est mieux que d’autres choses. Etre un peu chaud dans les sprints, on ne peut pas le reprocher à un sprinteur, ça fait partie de sa nature.
En dehors du vélo, le fait de cracher à la figure d’Heinrich Haussler, ce n’est quand même pas un comportement acceptable…
Moi, je suis Haussler, je lui mets un poing dans la gueule ! A lui de se défendre pour être respecté aussi. Ce n’est pas bien, donc, mais après il y a peut-être une raison qu’on ne connaît pas. Je ne veux pas être le juge des affaires que je ne connais pas. L’affaire Landis, en revanche, je me dis qu’il faut le pendre ou lui couper la tête ! C’est un naze et un voyou plus que tous les autres, et le voilà maintenant qui crache dans la soupe. Ce n’est pas non plus un très joli comportement.
Un sprinteur semble forcément obligé d’avoir un caractère particulier ?
Ce n’est pas forcément valable que pour les sprinteurs. Un bon grimpeur doit aussi avoir du caractère. Regardez un Lance Armstrong ! Les grands champions ont de gros caractères. Un sprinteur, lui, ne doit pas se laisser marcher dessus. Autant un grimpeur va avoir tout le col pour s’exprimer, autant un sprinteur joue tout sur quelques secondes. Un sprinteur peut tout perdre en deux secondes s’il met un coup de frein et ne parvient pas à s’imposer. On peut perdre sur une petite manœuvre. Un sprinteur doit être plus explosif et avoir peut-être un caractère un peu différent.
L’autre affaire récente, c’est celle du moteur électrique. Vous êtes technicien, vous travaillez dans le vélo et avez terminé 2ème du Tour des Flandres en 1997 et trois fois dans le Top 10 de Paris-Roubaix. Quelle est votre position ?
Ce qui est dommage par rapport à ça c’est que le cyclisme va encore perdre de l’argent pour passer ses scanners sur les vélos. Ce que je pense, c’est que si Fabian Cancellara a utilisé un moteur, son mécanicien le sait, son directeur sportif le sait, celui qui a fabriqué le moteur le sait. Ils sont plusieurs à le savoir. Et quand on a gagné un jour le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, un jour ou l’autre ça se sait. Je ne pense pas que Cancellara ait pu faire ça, j’ai du mal à le croire. Encore une fois, il faut vraiment des preuves !
Propos recueillis le 20 juin 2010.