Après le coup d’arrêt porté à sa carrière par la fédération internationale en juin 2004 puis en janvier 2006, à ses plus belles heures dans le peloton, on n’imaginait plus revoir un jour Franck Bouyer avec un maillot Bbox Bouygues Telecom. Et pourtant, après trois saisons sur la touche, le Choletais a pu reprendre le cours de sa carrière en 2009. C’est parce qu’il devait utiliser un médicament figurant sur la liste des produits interdits pour combattre la narcolepsie dont il souffre que Franck Bouyer a dû tirer un trait sur les plus belles années de sa carrière. A 35 ans, et même si les sensations ne sont plus les mêmes, son retour dans les pelotons a fait plaisir à voir. En dépit des doutes qui l’ont assailli, l’ancien vainqueur de la Coupe de France repart avec la volonté de souder l’équipe autour d’un objectif : séduire un nouveau sponsor.
Franck, avec quel vœu abordez-vous la saison 2010 ?
J’espère déjà avoir progressé par rapport à l’an passé, et nous prendrons les choses comme elles vont venir. J’espère surtout me faire plaisir sur le vélo plus que l’an passé. Disons que j’ai passé un hiver un peu difficile. J’ai sans doute eu le contrecoup de la saison passée. J’avais commencé à reprendre l’entraînement au mois de juillet 2008, ce qui m’a fait une quinzaine de mois à rouler de rang, sans coupure. Cet hiver, j’ai eu besoin de souffler mais la remise en route a été plus dure que je ne le pensais. J’espère que ça m’a fait du bien de couper un peu plus que prévu. Maintenant, à moi de me remettre dedans et d’essayer de faire une bonne saison.
Comment analysez-vous votre retour à la compétition l’année dernière ?
Il a été assez difficile. Beaucoup m’ont dit que ça avait été satisfaisant et qu’ils n’imaginaient pas que j’aurais couru à ce niveau-là. Mais personnellement, j’avais tellement fait abstraction de mes trois années sans courir que je pensais pouvoir arriver au même niveau. Mais j’ai tout de même été arrêté au meilleur moment de ma carrière, quand je commençais à avoir de bonnes sensations et que je gagnais des courses. A ma reprise, je me suis vite rendu compte qu’il m’était impossible de retrouver ce niveau. J’ai eu des hauts et des bas, des moments de déception et des moments de réconfort. Ca a été une année pénible.
A quoi vous êtes-vous raccroché durant ces moments ?
Un petit peu à tout. Heureusement il y a la famille. J’avais ma femme, mon fils. Il y a les copains aussi pour nous aider. Le staff de l’équipe a été vraiment super avec moi. Jean-René Bernaudeau et Didier Rous ont toujours été là pour m’encourager et me dire que ce que je faisais était déjà très bien et qu’ils ne pensaient pas me voir à ce niveau-là. Ces paroles sortant de leur bouche m’ont fait énormément de bien.
Comment sentez-vous cette nouvelle saison ?
Eh bien je n’ai pas trop le choix, il va falloir essayer de faire une grosse saison, que ce soit pour mon cas personnel et surtout pour l’équipe. Tout le monde arrive en fin de contrat, c’est la fin de l’équipe et tout le monde va devoir y mettre du sien pour retrouver un sponsor ou une formation pour l’année prochaine. Tout le monde est donc motivé et a envie de faire bien pour pouvoir avancer.
Que se dit-on entre coureurs quant à la fin de ce sponsoring ?
On ne se dit pas grand-chose. Je pense que chacun, malheureusement, pense un petit peu à sa personne pour la fin de saison. Mais je ne pense pas que c’est dans ce sens-là qu’il va falloir aller. Il va surtout falloir se serrer les coudes et faire une grosse saison pour qu’au lieu que l’équipe éclate à la fin de l’année et que chacun parte de son côté, que Jean-René Bernaudeau trouve un sponsor et que tout le monde reste ensemble.
Les envies d’aller voir ailleurs de certains capitaines de l’équipe Bbox Bouygues Telecom durant l’intersaison ont-elles miné le groupe ?
C’est assez normal. C’est la logique de l’offre et de la demande. Ce sont nos têtes d’affiche et parmi les numéros un français à l’heure actuel. C’est sûr qu’ils vont avoir pas mal de demandes à la fin de l’année. Jusque-là ils n’avaient pas trop le choix puisqu’étant sous contrat, mais il faut s’attendre à ce qu’il y ait beaucoup de changement en fin d’année. A nous de rester soudés, Jean-René doit être bon pour trouver quelque chose le plus rapidement possible et que tout le monde soit serein.
Etes-vous tenus au courant de l’avancée de ses démarches ?
Plus ou moins. Disons qu’on essaie de faire un petit peu abstraction. Chacun son boulot. Nous, nous sommes là pour pédaler et obtenir des résultats pour que Jean-René puisse trouver un sponsor. Chacun son rôle car si on commence à s’occuper des cancans et des bruits de couloir, on en finira jamais. On fait notre boulot et on verra ce qu’il advient mais j’ai confiance en Jean-René. C’est quelqu’un de très fort dans son boulot. C’est vraiment son élément et je pense qu’on peut lui faire confiance à 100 %.
Séduire un nouveau sponsor est donc l’objectif de l’année ?
Oui mais on n’oublie pas non plus que c’est encore Bbox Bouygues Telecom qui donne l’argent cette année. Nous nous devons de faire encore une année complète pour eux car ce sont eux qui nous paient, pour montrer le maillot Bbox avant tout. Maintenant, il est clair que si nous n’avons pas de repreneur à la fin de l’année, beaucoup de coureurs vont se retrouver sur le carreau. Tout le monde ne retrouvera pas une équipe.
Quand vous dites cela, vous pensez aussi à vous. A 35 ans, combien d’années vous donnez-vous encore dans le peloton ?
C’est une bonne question ! Désormais, j’évolue surtout au jour le jour. On verra en fin d’année comment la saison sera passée, si les sensations sont là et si j’ai encore envie de faire du vélo. Cet hiver, j’ai eu quelques passages à vide, où mentalement j’étais un petit peu faible. J’espère cette année me refaire plaisir à faire du vélo, plus que l’an passé. Le jour où je n’aurai plus envie de pédaler, il est clair que j’arrêterai. Est-ce que ce sera à la fin de l’année ou bien après, je ne le sais pas encore, tout dépendra de ma saison.
Votre programme 2010 sera-t-il différent de celui de l’an dernier ?
Ca va commencer différemment car je suis parti en stage plutôt qu’au Gabon. Ce stage m’a fait beaucoup de bien, maintenant je ne me fixe pas d’objectif précis. Je prends au jour le jour et quand les sensations seront là, j’essaierai de faire du mieux possible. J’aurai avant tout un rôle d’équipier. Je veux aider au mieux l’équipe et ses leaders pour pouvoir avant tout retrouver un sponsor pour l’année prochaine.
Propos recueillis à Boulogne-Billancourt le 27 janvier 2010.