David, à la sortie du Critérium du Dauphiné, qu’en ressort-il à vos yeux ?
A titre personnel, je me suis bien comporté. Ça a été la première fois où je me suis senti capable de forcer un peu plus. Je n’ai pas eu de résultats mais je sors du Dauphiné avec un bon état d’esprit et en pleine progression. Pour le Tour de France, je devrais être très bien. C’est de bon augure en tout cas. Pour l’équipe, ça a été plus mitigé, avec un mélange de coureurs en provenance d’horizons différents : les classiques, le Giro… Chaque coureur avait une motivation et des ambitions différentes sur ce Dauphiné.
L’équipe Sky a fait une démonstration de force, comment l’avez-vous ressenti au sein du peloton ?
J’ai été impressionné mais ce n’est pas une surprise non plus. On a appris à les connaître comme ça ces dix-huit derniers mois. Ils commencent à courir de manière un peu plus intelligente. Il ne s’agit plus que d’un débordement de forces mais de meilleurs comportements tactiques. C’est impressionnant : ils ont gagné du respect.
Entre ceux qui pensent qu’il ne faut pas être en forme trop tôt en vue du Tour, et ceux qui sont déjà aux avant-postes au Dauphiné, en quoi croyez-vous le plus ?
On le saura à la fin du mois de juillet ! Pour le moment on ne peut pas dire quelle est la meilleure stratégie. Les règles changent. Les deux, à mon sens, peuvent marcher. Franchement, je ne sais pas.
Le Dauphiné a été cadenassé par l’équipe de Bradley Wiggins, ne craignez-vous pas que ça fasse bis repetita au Tour de France ?
Je le redoute, oui. Avec 101 kilomètres de chrono et des coureurs à la fois très forts en contre-la-montre et en montagne, ça risque de bloquer la course. Maintenant, ça peut aussi pousser Cadel Evans à courir de manière plus agressive. Et ça, ça peut faire un très beau Tour de France…
Cadel Evans, sur le Dauphiné, a privilégié les offensives en descente. Les descentes du Tour de France qui approche pourraient-elles être exploitées de la sorte ?
On a déjà vu des gars tenter des choses dans les descentes, mais le fait que ce soient de grands coureurs qui le fassent, c’est vrai que c’est un peu nouveau. Ça peut attaquer n’importe où, n’importe quand. En montée, en descente, dans un ravito, sur le plat… C’est ça le vélo !
Estimez-vous Bradley Wiggins supérieur à Cadel Evans ?
Pour le moment, oui. Mais Cadel Evans était plus ou moins dans les mêmes conditions l’an dernier au Dauphiné, et après il a survolé tout le monde au Tour. Tout peut changer en quelques semaines. Et puis il y a Vincenzo Nibali qui revient, d’autres coureurs qui ne sont pas encore au top. Bradley Wiggins l’est pour l’heure mais les autres vont arriver.
En quoi devrait constituer la composition de l’équipe Garmin-Barracuda sur le Tour ?
Nous avons presque toujours la même équipe au Tour de France donc ça ne devrait pas beaucoup changer, à une ou deux exceptions près. Ryder Hesjedal y sera. Tom Danielson, Tyler Farrar, Robert Hunter et moi-même également. Christophe Le Mével est sur la liste, il joue encore sa place actuellement.
Ryder Hesjedal sort du Giro, pourra-t-il prétendre au rôle de leader ?
Je le pense oui. Le vainqueur du Giro sera automatiquement le leader de l’équipe. C’est bien pour nous. Même s’il est un peu fatigué, ça va retirer de la pression sur les épaules des autres coureurs. Maintenant, c’est difficile de dire si Ryder aura récupéré du Tour d’Italie. Faire le Giro à 200 % puis être bien au Tour, c’est compliqué dans le cyclisme moderne. Mais Ryder est un coureur différent alors tout peut se faire.
Cadel Evans et Ryder Hesjedal sont des coureurs issus du VTT, cela va-t-il créer un nouvel effet autour des vététistes qui débarquent sur la route ?
Je ne crois pas. Ces coureurs sont sortis du VTT il y a maintenant plus de dix ans et sont désormais plus des coureurs de route que de VTT. Nous sommes très nombreux à être venus de quelque part : le VTT certes, mais aussi le BMX, le cyclo-cross ou la piste pour d’autres. Chacun a couru ces disciplines étant jeune.
Vous avez roulé dans des équipes latines puis dans des structures anglo-saxonnes. Existe-t-il des différences d’approche du métier entre ces deux courants ?
Oui, beaucoup. Les équipes anglo-saxonnes sont plus modernes. Elles n’ont pas d’histoire derrière eux. Les gens qui gravitent dans ces formations sont nouveaux dans le vélo et n’ont pas d’approche traditionnelle. Ils sont prêts à tout essayer, technologiquement notamment.
Les Jeux Olympiques auront lieu en Angleterre. L’été qui s’annonce va-t-il exclusivement se dérouler à l’heure de Big Ben ?
Ça se pourrait bien. Bradley Wiggins est favori pour la victoire dans le Tour de France, Mark Cavendish peut être bien sur la course en ligne des JO, Bradley aussi sur le contre-la-montre. Ça peut être un été à l’accent britannique.
Que savez-vous exactement du circuit des Jeux Olympiques ?
C’est très dur, plus que ce qui a été dit, et donc bien plus taillé pour les puncheurs. Ça va être très dur pour Mark Cavendish. On peut le faire mais ça n’a rien à voir avec les Championnats du Monde de Rudersdal.
Il y a eu débat autour de votre participation aux Jeux Olympiques après votre suspension en 2004/2005. Serez-vous finalement à Londres ?
Oui, je serai là. Nous attendons encore la décision finale qui interviendra début juillet, mais normalement je serai là pour la course en ligne. Je suis sur la liste. Pour le contre-la-montre, je ne sais pas encore.
Etes-vous passionné par le matériel ?
Bien sûr que oui, c’est ce qui fait la différence dans les contre-la-montre. Ça se joue parfois à tellement rien qu’on a besoin des dernières technologies les plus haut de gamme. Une marque de roues comme Mavic, qui a toujours une marge d’avance, nous aide beaucoup.
Vous en êtes à votre seizième année de professionnalisme, jusqu’où pensez-vous aller ?
Je suis toujours passionné. Je veux courir jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Je me donne au moins encore quatre ans, jusqu’à 39 ans. Je courrai le plus longtemps possible. L’après-carrière, je ne l’ai pas encore étudié. On y réfléchira quand le moment se présentera.
Propos recueillis à Aix-les-Bains le 11 juin 2012.