David Lappartient, que pensez-vous des réponses à notre sondage hebdo sur quelle doit-être la priorité du futur président de l’UCI ?
Les points définis comme prioritaires dans votre sondage le sont effectivement et rejoignent des préoccupations indiquées dans mon programme. Une réforme du WorldTour qui ne soit pas un compromis a minima doit être engagée avec pour objectif de rendre notre sport plus lisible, plus attractif et de faire évoluer son modèle économique. Il me semble que la lutte contre toute forme de fraude (dopage, fraude technologique, courses truquées, etc.) doit également être une priorité. Quant au cyclisme féminin, des efforts ont déjà été accomplis mais ils doivent être poursuivis.
Sur ces différents thèmes, quelle est votre approche ?
Mon programme est très détaillé sur tous ces sujets. On peut le retrouver sur le site www.ourpassion.org . Il détaille avec pragmatisme et de manière précise ce que je souhaite faire pour le futur de notre sport. J’y reviendrai dans votre interview.
Vous êtes soutenu par Marc Madiot, qui dit « oui » à un WorldTour, mais avec neuf épreuves dont les Grands Tours et les classiques majeures. Vous ne souhaitez pas ouvrir le WorldTour à de nouvelles épreuves sur de nouveaux continents ?
Je remercie Marc Madiot pour son soutien, c’est un vrai passionné de cyclisme. Il est vrai que les neuf grandes épreuves que nous connaissons tous sont les courses les plus importantes de l’année et sont les objectifs des coureurs avec les Championnats du Monde. Ils doivent donc charpenter le calendrier. Il existe cependant de magnifiques courses dans les autres continents comme le Tour Down Under, le Tour de Californie ou les Grands Prix de Québec et de Montréal par exemple. Le calendrier doit être séquencé pour laisser une place à chaque continent mais il est clair que la période des classiques en Europe et des épreuves par étapes restera la colonne vertébrale de notre sport. Il doit cependant être mondial et pas uniquement européen.
Vous êtes parti tard dans la bataille, pensez-vous avoir choisi le bon timing, et où pensez-vous être dans la match avec l’actuel président ?
L’important, c’est d’être à l’heure sur la ligne d’arrivée ! L’avenir nous dira si j’ai choisi le bon timing. Reconnaissons que si je n’avais pas été en campagne, je ne suis pas certain que Brian Cookson aurait travaillé autant. Son programme assez léger est plutôt un bilan qu’un programme ! Je sens une véritable envie de changement à l’UCI car il y a une vraie déception des quatre ans écoulés. Il me semble que ma candidature suscite une forte adhésion. Les délégués me connaissent, ils connaissent ma passion pour le cyclisme et ils ont vu les transformations réalisées à l’UEC conformément à mon programme de 2013. Ils pensent que je peux en faire de même à l’UCI. Je pense avoir l’avantage dans la campagne.
Vous êtes soutenu par l’Europe, l’Afrique, notamment, où pensez-vous aller chercher des voix ?
J’ai un soutien très large, bien au-delà de ces deux continents. Il y a 45 votants au congrès de l’UCI et il en faut 23 pour être élu. Rien ne sert de dire que si l’élection avait lieu demain, je serais élu comme l’a dit Brian Cookson. Et l’élection, elle a lieu le 21 septembre !
Battu, ferez-vous de l’UEC un bastion anti-UCI ?
Je me suis lancé pour gagner, pas pour être battu. Je n’ai jamais considéré l’UEC comme un bastion anti-UCI, bien au contraire, l’UEC est au service du cyclisme, de ses fédérations nationales et de l’UCI. Quel que soit le scénario le 21 septembre, elle continuera de l’être. Je ne crois pas que des conflits entre les institutions servent notre sport.
Sur les domaines techniques comme le disque, les ajouts sur les maillots (Sky), les caméras thermiques, etc., l’UCI a toujours un train de retard, et ouvre la porte de facto, à la suspicion, comment l’expliquez-vous ?
C’est le moins que l’on puisse dire. C’est une des raisons de ma candidature. L’UCI est toujours en réaction et jamais en anticipation. Son image est donc altérée et cela me navre. Les industriels décident à notre place. Je pense qu’il faut une vision claire de ce que l’on veut pour le futur et anticiper les phénomènes. Par exemple, l’Union Européenne de Cyclisme a adopté une contribution forte à la lutte contre la fraude technologique lors de son congrès de mars 2016. C’est un ensemble de mesures efficaces. Je l’ai transmis à l’UCI. La seule réponse, cela a été de me dire que cela ne relève pas de l’UEC mais de l’UCI. Circulez, y a rien à voir ! Résultat, on s’aperçoit que si le Ministre des Sports ne tape pas du poing sur la table, il n’y aurait pas eu de contrôle par caméra thermique en 2016. Pour finalement avoir des doutes sur l’efficacité des tablettes. Ce n’est pas comme si je n’avais pas écrit six courriers depuis 2015 sur ce sujet pour connaître l’efficacité de ce moyen de contrôle. Dommage que la réponse semble venir de l’extérieur : toujours un train de retard !
Sur le point des équipes pros, vous aviez un projet FFC qui était de rassembler 20 millions d’euros par an, pour bâtir une équipe multi-disciplines, ce projet est resté lettre morte, à quoi est-ce dû ?
Le projet était un très beau projet. J’ai eu une écoute très attentive de très gros partenaires potentiels. Ils étaient séduits par le projet mais nous sommes tombés au pire moment pour l’économie française et les budgets communication ont été fortement réduits. Certains m’ont dit que s’ils venaient dans le vélo, ce serait avec nous. Je reste néanmoins persuadé que ce projet avait une pertinence pour l’avenir de la FFC.
Il y a un match « nations latines » contre monde anglo-saxon, que rejetez-vous et que prenez-vous sur le monde anglo-saxon ?
Je ne suis pas certain que ce soit uniquement dans ces termes que se pose le problème. L’arrivée des Anglo-saxons a apporté une passion mondiale pour notre sport et a favorisé son rayonnement. Le cyclisme et le vélo sont revenus à la mode. Regardons tous ces bike shops, etc. S’agissant de la compétition, seul le résultat compte et ils ont apporté plus de pragmatisme dans la recherche de la performance. Cependant, il manque le côté « chevaleresque » du cyclisme qui a fait son histoire. Pour eux, le cyclisme est un business et seul le haut niveau compte. Je pense qu’il ne faut pas oublier toutes ces courses qui font aussi le quotidien de notre sport. Je pense néanmoins que leur arrivée a donné un nouvel élan à notre sport mais c’est bien dans les pays latins et en Belgique que les racines sont les plus profondes.
Comment voyez-vous le cyclisme en termes de développement dans 10 ans sur les aspects suivants : quels pays seront gagnés ou perdus pour le cyclisme ? Les disciplines nouvelles comme le VTT, le BMX vont-elles gagner encore du terrain ou stagner après leur entrée aux JO ? Le vélo féminin va-t-il gagner encore de la place dans le spectre du vélo : plus de tours de 10 jours par exemple, une meilleure converture TV ? Une femme présidente de l’UCI ?
Je pense que le cyclisme va beaucoup évoluer dans les 10 ans. L’Afrique et l’Asie vont continuer à s’ouvrir au cyclisme sans que pour autant le cyclisme régresse ailleurs. Le VTT devient de plus en plus universel et le BMX aura conquis beaucoup de pays dans le monde pour devenir une discipline universelle. Le cyclisme féminin qui se développe doit le faire de manière encore plus forte. Je propose par exemple de créer une course par étapes de référence sur dix jours qui ferait rayonner le cyclisme féminin avec des cols, des pavés, une diffusion mondiale, etc. Quant à une femme Présidente de l’UCI, cela arrivera sans doute un jour mais il faudrait d’abord qu’il y ait plus de femmes présidentes des fédérations : nous n’en avons que deux sur 189 ! Il y a du travail !
Trois continents ont déja gagné un Grand Tour, qui de l’Asie ou de l’Afrique offrira un vainqueur en premier ?
On peut considérer Chris Froome comme Africain car il a couru pour le Kenya au début de sa carrière. Il a la double nationalité et c’est là-bas qu’il vivait quand il est arrivé au Centre Mondial du Cyclisme. Cependant, il y a une passion formidable autour du cyclisme dans ces deux continents et j’espère qu’ils auront prochainement un vainqueur. Cela ne pourra que contribuer à développer encore le cyclisme.