Daniel, vous avez décidé de ne participer à aucune compétition avant Tirreno-Adriatico qui débute aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
C’était pratiquement la même chose l’année dernière. J’avais fait le Tour Méditerranéen, mais après la première étape, nos vélos avaient été volés. Nous avons également fait notre stage assez tard. J’ai fait une bonne période d’entraînement en axant sur la force et la musculation pendant deux à trois mois. J’ai fait très peu de vélo. Je n’ai recommencé à faire des intensités qu’à la mi-février. Tirreno sera peut-être difficile. Mais c’était pareil l’année dernière.
Vous avez donc opéré quelques ajustements dans votre préparation hivernale…
L’an dernier, nous avions fait un stage de deux semaines en janvier. Cette année, à la même période, j’ai pu faire ce que je voulais. Je me suis concentré sur la musculation en travaillant moins les intensités. Je pense que ça a bien fonctionné. L’année dernière, après le stage, tout le monde marchait très fort. Mais soit il n’y avait pas de courses, soit ce n’étaient pas des courses où nous avions un réel objectif. On espère que le fait d’avoir le stage décalé en février va nous permettre d’être plus forts que ces dernières années sur les premiers objectifs comme Paris-Nice ou Tirreno-Adriatico.
Vous attendez-vous à être compétitif malgré tout sur Tirreno ?
On va voir. On va aligner une bonne équipe. Andrew Talansky est vraiment motivé pour cette course. Personnellement, j’y vais sans aucune pression. J’ai les Ardennaises et le Giro à mon calendrier. Je ne vais pas être au top pour Tirreno. C’est quand même une belle course et j’irai chercher les opportunités.
On dit pourtant qu’il est difficile d’être en forme à la fois sur les Ardennaises et sur le Giro…
C’est un pic de forme de cinq semaines. Quand je commence à marcher fort, je garde la forme. Il n’y a que deux semaines entre les deux. Je ferai simplement un peu de vélo de chrono entre Liège et le Grand Départ de Belfast. Je cours avant tout pour le plaisir. Mon objectif au Tour d’Italie sera de gagner une étape. La force dont j’ai besoin pour les Ardennaises me donnera l’opportunité de gagner une étape du Giro. Un Grand Tour, c’est toujours particulier. L’année dernière, au Tour de France, ça s’est bien passé, mais je suis tombé malade à trois jours de Paris. Le Giro est une bonne course pour moi. Avec le Grand Départ en Irlande, j’étais obligé de le faire. Je suis content de mon calendrier, ce sont des courses sur lesquelles j’ai plaisir à aller, c’est important. Sans oublier le Tour de Catalogne qui est toujours pour moi un objectif.
Quel est votre sentiment à l’approche de ce Grand Départ sur vos terres ?
C’est spécial. C’est une chance. Quand ça a été annoncé, je n’y pensais pas trop. Je me disais que ça allait être joli. Le vélo en Irlande commence à être aussi populaire qu’en Angleterre et je pense que cela va encore augmenter. Je n’ai pas souvent l’opportunité de courir en Irlande, à part pour le Championnat National, mais ce sera différent. Ce sera un moyen de montrer ce qu’est le cyclisme professionnel aux Irlandais, mais ça permettra aussi de montrer au monde ce qu’est l’Irlande. C’est très beau, mais il pleut beaucoup (il rit) ! On espère qu’au mois de mai, ça ira. Le centre de Dublin est très joli. J’ai vraiment hâte d’y aller.
Faisiez-vous partie du public qui avait assisté aux trois premières étapes du Tour 1998 qui s’étaient déroulées en Irlande ?
J’avais regardé le Grand Départ du Tour 1998 à Dublin à la télévision, car j’étais en Angleterre à l’époque. Tout le monde se souvient du prologue remporté par Chris Boardman et de sa chute avec le maillot jaune dans la 2ème étape. En plus, c’était une période moche pour le vélo. Certains gardent les mauvais souvenirs de ce Grand Départ. C’est peut-être le cas pour certains Irlandais également. Il faut montrer une nouvelle génération. Avec Nicolas Roche et moi, le cyclisme est l’un des sports les plus représentés à l’international en Irlande. Le succès donne une certaine popularité. J’espère que les gens seront présents.
Sur le Giro, quel sera votre rôle vis-à-vis de Ryder Hesjedal ?
Nous irons ensemble. Ryder et moi avons une bonne relation. C’est possible d’avoir deux coureurs qui visent le général. Ce sera un peu comme le Tour l’année dernière. Je n’ai pas commencé le Tour en pensant au général. Ça ne marche pas pour moi. Si tu y penses trop, tu perds des opportunités. Si j’avais pensé comme cela, je n’aurais pas gagné l’étape à Bagnères-de-Bigorre. Je n’aurais jamais pris le risque d’attaquer, de perdre de l’énergie. Courir à 100 % pour le général te conduit à calculer tes efforts. Ce n’est pas mon style.
Pourquoi ?
Je préfère attaquer. Je donne le meilleur de moi même sur chaque étape, et je ne pense au général que dans la dernière semaine. C’est ce que je ferai au Giro. L’année dernière sur le Tour, j’ai essayé de m’échapper dans la 16ème étape, Vaison-la-Romaine-Gap. J’étais 8ème du général au départ. Tout le monde pensait que j’étais fou parce que je risquais de perdre ma place ! Que je fasse 8ème, 10ème et 12ème, c’est pareil.
Entre un Top 10 sur un Grand Tour et une victoire d’étape, votre choix est donc clair.
Tout à fait. Je ne comprends pas cette histoire de Top 10. Pour moi, ce n’est pas important. Attention, si je peux gagner une étape et faire un Top 10, c’est énorme ! Mais rentrer dans les dix premiers n’est pas un objectif à part entière. J’aime courir avec panache et gagner.
Votre programme, tel que vous l’avez défini semble difficilement compatible avec le Tour.
On va voir. Tout va dépendre de la façon dont les choses vont se passer au Giro. Mais il est vrai que si je vais au bout du Tour d’Italie et que j’y fais un bon classement général, ça me paraît difficile de participer au Tour. En plus, le parcours du Tour ne me convient pas trop. D’un autre côté, le Grand Départ en Angleterre sera aussi spécial pour moi puisque je suis né à Birmingham. C’est un choix difficile. Les choses sont encore ouvertes. Je peux terminer le Giro et aller sur le Tour pour aller chercher des étapes. J’ai déjà montré que j’en étais capable. C’est une possibilité.
Votre victoire à Liège-Bastogne-Liège ne vous a-t-elle pas poussé à vous concentrer davantage sur les classiques au détriment des courses par étapes ?
Je fais toutes les courses à bloc. Je pense vraiment qu’on peut faire les deux. Nous sommes arrivés dans un cyclisme où on peut voir les mêmes coureurs devant tout le temps. Les temps ont changé. Des mecs comme Joaquim Rodriguez ou Alejandro Valverde sont toujours bien. Même à 90 % de leur forme, ils sont devant. Ils sont hyper réguliers. J’essaye de me calquer sur eux. Je ne suis pas du genre à ne penser qu’au Tour. L’an dernier, je n’y ai pensé que deux semaines avant. En 2013, Tirreno mis à part où j’ai fait les deux dernières étapes tranquillement, mon pire résultat sur une course d’une semaine, c’était 8ème au Tour de Suisse. Ce sont des choses que les gens ne voient pas forcément.
À l’intersaison, WWF est devenu partenaire de Garmin-Sharp, c’est grâce à vous et au panda qui vous a porté chance à Liège.
C’est un grand plaisir oui. C’est bien de travailler avec eux. Le panda est sur le bus et sur le maillot. Il se pourrait aussi qu’il soit sur mon vélo et seulement le mien pendant l’année. Le cyclisme professionnel est un peu trop sérieux pour moi. Il faut rigoler ! C’est ce que j’aime avec Garmin. On est vraiment tranquilles. C’est une super ambiance. Dans les autres équipes, je n’aurais peut-être pas le droit de faire ce que je fais. J’espère que les gens apprécient. Mais pour tout vous dire, je n’ai jamais rencontré le spectateur qui était dans le costume du panda à Liège. Je ne sais pas qui c’est. Peut-être qu’il sera là en Irlande. On devrait revoir le panda, plusieurs même.
Propos recueillis à Playa de Muro le 14 février 2014.