Le Tourangeau qui vient d’avoir 31 ans entame sa onzième saison professionnelle. Cyril Lemoine est un coureur très apprécié et respecté dans le peloton. L’homme est d’une grande simplicité et d’une grande sagesse, il fait montre de sang-froid et possède toutes les qualités requises pour faire un bon capitaine de route. Un rôle qu’il a à cœur de tenir dans sa nouvelle formation Cofidis cette année.
Cyril, vous avez débuté votre onzième saison professionnelle, cela commence à compter dans la carrière d’un coureur…
C’est vrai, cela passe très vite, quand j’y pense, déjà onze ans ! Je n’ai pas vu les années passer en fait. A chaque début de saison, j’ai toujours une grande motivation, comme à mes débuts, et ça c’est plutôt bon signe. Ça veut dire que j’ai toujours envie. Je suis le deuxième vétéran de l’équipe après Christophe Le Mével, cela fait un peu bizarre. Ça me donne aussi plus de responsabilités, forcement, et j’en suis même très content.
Yvon Sanquer vous a prêté le rôle de capitaine de route, comment l’anticipez-vous ?
Oui, c’est ce que l’on m’a laissé entendre. Au cours des dernières années, j’ai accumulé beaucoup d’expérience et je pense que cela va me servir quand il va falloir prendre les bonnes décisions aux bons moments et assez rapidement. On a un bon collectif chez Cofidis et tout le monde est en forme.
De cette expérience vous dégagez une grande sérénité, peut-on dire que vous gérez bien la pression ?
La pression, ça se gère, oui, et avec l’expérience je sais comment va se dérouler la plupart des courses. Avant le départ, je suis tranquille, mais une fois que c’est parti, je suis dans ma bulle et je reste bien concentré, surtout dans les courses comme les classiques où il faut rester à l’avant du peloton et où cela frotte beaucoup. Il faut être attentif pendant plus de 200 kilomètres, c’est très usant, mais j’arrive bien à le faire. Il y a aussi des courses où l’on peut se permettre de souffler un peu par moment, de traîner à l’arrière et de discuter avec des collègues. Je suis assez serein et lorsque il s’agit de préparer un sprint, je ne m’emballe pas.
Comment guidez-vous vos coéquipiers dans les derniers kilomètres ?
Il arrive parfois que des coéquipiers soient un peu nerveux et veulent être aux avant-postes dans les 10 ou 15 derniers kilomètres. Je sais les rassurer et les tempérer. Je connais le timing et je sais quel est le bon moment pour remonter. Il faut savoir gérer la situation. Je ne m’inquiète pas. Si je suis enfermé, je sais que je vais pouvoir remonter, je sais qu’il me reste encore tant de kilomètres et que je vais trouver une ouverture. J’ai confiance en moi et, quoi qu’il arrive, on va trouver une solution. Des fois, cela ne se passe pas comme l’on voudrait, mais je pense qu’il faut savoir rester serein car être stressé nous fait commettre des erreurs.
Dix ans après la création du WorldTour, le cyclisme est à l’aube d’une nouvelle réforme. Qu’en attendez-vous ?
Je pense que l’on a fait pas mal d’avancée dans le cyclisme, ça a bien bougé depuis quelques temps. Maintenant, si comme il se dit, il y a une révision sur la manière d’attribuer les points aux coureurs de façon plus équitable et qui récompense aussi le travail des équipiers, ce sera parfait. Je pense aussi que cela serait bien que les points restent dans l’équipe. Quand un coureur se sacrifie pour son leader tout au long de l’année et qu’il ne marque pas de points, il est ensuite pénalisé au moment de retrouver une équipe en fin de saison, c’est dur. Heureusement, il y a des équipes qui savent valoriser le travail réalisé, mais on a vu aussi beaucoup d’injustice avec le WorldTour.
Quels sont les principaux changements que vous avez perçus depuis vos débuts ?
La méthode d’entraînement à beaucoup évolué avec l’apparition des capteurs de puissance. Au niveau de la performance, rien n’est laissé au hasard. Avec la nutrition, on est dans le détail, tout est étudié. Il y a eu aussi des progrès techniques au niveau du matériel. J’y attache beaucoup d’importance, que ce soit au niveau de la rigidité du cadre, de l’aérodynamisme, des roues, d’autant plus que cela se joue parfois pour des dixièmes de seconde, notamment dans les contre-la-montre et les prologues. Au niveau de la logistique et du confort, les bus sont mieux aménagés, on est aussi mieux assistés, car il y a plus de personnel d’encadrement et de mécaniciens. On ne va pas dire que le travail est mieux fait, mais cela permet aussi au staff de travailler dans de meilleures conditions.
Votre statut de coureur d’expérience ne vous prive pas d’ambitions. Quelles sont-elles ?
J’aimerais faire une belle campagne de classiques. J’espère que je serai en bonne condition pour y jouer ma carte, être présent dans le final et ramener un résultat pour l’équipe si je suis vraiment bien. Maintenant, si je vois que je suis un ton en-dessous, je n’hésiterai pas à me mettre au service de celui qui aura les meilleures dispositions pour faire une belle performance.
L’équipe participera au Tour à la Vuelta cette saison, avez-vous une préférence ?
J’aimerais encore faire le Tour de France cette année. Il y a des étapes dans le nord qui me conviennent bien avec des secteurs pavés et probablement des bordures. Je sais très bien protéger un leader, je l’ai déjà fait auparavant avec Jérôme Coppel chez Sojasun. Je peux aussi emmener les sprints pour Adrien Petit. J’ai déjà participé à trois Tours de France, je sais ce que c’est et il faut vraiment être en bonne condition. Ce n’est pas un cadeau que l’on vous fait. Il m’est arrivé une année de ne pas être au top et cela a été une galère de trois semaines. Subir la course, ne pas pouvoir aller à l’avant, ne pas pourvoir jouer une étape ce n’est pas très marrant. Il faut y arriver avec de la fraîcheur, avoir des étapes en tête pour viser un résultat. Il faut pouvoir y prendre du plaisir. Après, et je le dis souvent, il n’y a pas que le Tour dans une saison, même si c’est le gros objectif des équipes. Je serais très heureux de pouvoir gagner une course, quelle qu’elle soit cette saison.
Propos recueillis par Patrick Guino.