Christophe, près de deux mois après le 18 juillet 2013 et votre victoire à l’Alpe d’Huez, qu’est-ce qui a changé pour vous ?
La notoriété auprès du public et des médias. J’ai énormément de sollicitations. Mais personnellement, au niveau sportif, je pense que depuis, j’ai acquis une bonne confiance en moi. J’ai vu le niveau que je pouvais avoir et ça me laisse envisager de belles choses pour l’avenir. Je me suis fixé d’autres objectifs qui sont élevés. Ça me conforte dans tout cela.
Ces objectifs, quels sont-ils ?
Il n’y a pas de grosse surprise. Après Plouay, je vais viser les courses au Canada, mais le gros objectif que je me suis fixé depuis le Tour de Pologne, c’est le Championnat du Monde. J’espère être sélectionné et être dans la même condition qu’en Pologne. Si tout est réuni, je pense que je peux être un vrai outsider pour le titre ou le podium.
En avez-vous déjà discuté avec le sélectionneur Bernard Bourreau ?
Oui on en a déjà discuté. Il m’a appelé plusieurs fois et il est venu me voir au Tour du Limousin. Il compte sur moi. Il sait que, si je suis au niveau, je pourrais peser sur la course, comme Sylvain Chavanel, Thomas Voeckler, ou Tony Gallopin. On en a beaucoup discuté et on a les mêmes objectifs. Bien sûr, il faut que toutes les conditions soient réunies. C’était bien parti. J’étais content de ma deuxième quinzaine d’août avant que je ne chute à la Classic de l’Indre, même si ça aurait pu être pire si je m’étais cassé quelque chose.
Quel est votre programme de préparation pour Florence ?
Je ferai la Brussels Cycling Classic (NDLR, anciennement Paris-Bruxelles), et les classiques canadiennes. Si je vais aux Championnats du Monde, on partira pour Florence une semaine avant la course en ligne. On aura une semaine pour réunir les neuf coureurs qui y seront, pour s’entraîner ensemble et essayer de créer une osmose. Tout cela pour qu’au départ, on ait neuf coureurs au top, et une belle bande de copains qui ont envie de tirer le meilleur du groupe.
On dit pourtant souvent que la meilleure préparation aux Mondiaux, c’est la Vuelta…
Oui, c’est sûr. Mais il y a des choix à faire. Ceux qui sont sur la Vuelta et qui ont fait le Tour n’ont pas fait le Tour de Pologne. Depuis deux ans, je faisais deux Grands Tours : le Tour et la Vuelta. J’ai bien senti cet hiver que l’organisme était fatigué. C’est peut-être de là que venaient mes maux de dos aussi. Du moins, ça a peut-être amplifié les choses. On avait prévu que je ne fasse qu’un Grand Tour. Du coup, on a adapté avec la Pologne après le Tour. On fera le bilan au soir des Championnats du Monde, mais je pense que je suis en bonne voie pour retrouver un très bon niveau. Bien sûr, on peut toujours faire mieux, aller à la Vuelta et ne faire que quinze jours. D’un autre côté, on ne peut pas tout faire. Après les Mondiaux, j’irai sur le Tour de Pékin, et je vais finir avec près de 100 jours de courses, même si j’ai eu des problèmes de dos en début de saison. Il faut savoir gérer son capital.
Le fait que vous avez été écarté des pelotons en début de saison est-il finalement un mal pour un bien ?
C’est sûr, je pense que cela m’a aidé. Quand on voit les très mauvaises conditions climatiques que l’on a connues jusqu’à fin avril… Je ne les ai pas subies ou très peu. Si je voyais qu’il faisait mauvais, j’abandonnais, comme j’avais mal au dos. Donc oui, ça a été un atout. On le sait : quand un coureur revient de blessure, il est généralement mieux. La fraîcheur est un atout pour moi. Il reste encore cinq semaines où il faut être concentré. C’est aussi une leçon à tirer pour les prochaines années : peut-être avoir un début de saison plus léger.
Qu’est-ce qui a été le déclic pour que vous trouviez la confiance : votre victoire à l’Alpe d’Huez ou votre 3ème place au Tour de Pologne ?
Le Tour de Pologne, clairement. Même si ma victoire à l’Alpe y a aussi contribué. Il y a aussi mon titre de supercombatif sur le Tour. Ça veut tout et rien dire à la fois, mais j’ai décroché ce titre en étant échappé tous les jours en dernière semaine. J’étais en très bonne condition, je me suis moi-même surpris. Au Semnoz, je fais encore 12ème alors que j’ai passé la journée devant. Arrive alors ce Tour de Pologne qui était devenu un objectif pour moi. J’ai eu raison de poursuivre avec une victoire d’étape, une place de 2ème et une 3ème place au général. Ça aurait pu être encore mieux. Si on veut être gourmand, il y aurait pu y avoir deux victoires d’étape et un maillot jaune. Je retiens surtout que j’avais le niveau que je pensais pouvoir atteindre depuis que je suis pro. C’est pour ça que je travaille depuis des années. Maintenant que je l’ai atteint, je sais comment y aller. Ça me laisse de belles perspectives dès la fin de cette saison, mais surtout pour l’année prochaine où certaines courses, épreuves par étapes comme courses d’un jour, me font rêver.
Après le Tour de Pologne, vous disiez qu’il vous faudrait du temps pour digérer cette déception…
Exactement. Ce n’est toujours pas digéré, et je pense que je ne le digérerais pas. J’avais le niveau pour gagner et je fais finalement 3ème. Je pense qu’il y avait autre chose à faire. Ça restera une déception, mais je veux m’en servir, en tirer des leçons pour les prochaines courses : me dire que rien n’est jamais gagné. Je vais tâcher de m’en servir pour les prochaines échéances.
Êtes-vous sûr de pouvoir ravoir ce rôle de leader sur une épreuve de ce niveau, compte tenu de la concurrence au sein de votre équipe ?
Cela fait plusieurs fois que je montre que je peux le faire. J’ai apporté beaucoup de garanties à l’équipe, et l’équipe a envie de croire en moi. Du moins, c’est le discours qui est tenu. Je suis réaliste : je sais que je ne gagnerai jamais un Grand Tour, je sais que, par rapport à Carlos-Alberto Betancur ou Jean-Christophe Péraud, je ne serai pas au niveau sur un Grand Tour. Mais les courses d’une semaine peuvent tout à fait me convenir. On a un gros programme de courses entre le WorldTour et le programme français. Tout le monde peut s’y retrouver. En Pologne, on était deux coureurs protégés avec Domenico Pozzovivo. On en met deux dans les dix premiers. Ça ne m’a pas empêché de faire une super course. Je pense même que c’est plutôt un atout. Il faut se servir de cela pour essayer de tirer tout un groupe vers le haut. Ça se passe plutôt bien cette année, on va continuer dans cette voie-là.
Cela veut-il dire que vous pourriez être leader d’Ag2r La Mondiale sur des courses WorldTour comme le Tour de Catalogne, ou même Tirreno-Adriatico ?
Oui, je pense à Tirreno-Adriatico. La Catalogne, ou même le Tour du Pays Basque peuvent aussi me convenir puisque j’ai déjà fait 18ème en 2012, cela prouve que je peux y jouer un rôle. Je pense aussi aux courses d’un jour, et notamment à Milan-San Remo. Pour moi, elle est dans mes cordes. Si ça attaque dans le final et qu’on arrive en petit groupe, je peux être là, car je suis plutôt rapide au sprint. C’est le type de courses qui peut me convenir. Il y a un autre objectif dans ma carrière que j’aimerais réaliser, c’est d’être champion de France. Ça me tient vraiment à cœur. Je l’ai déjà été chez les amateurs et j’aimerais vraiment rééditer ça chez les pros.
On sent que cette perspective vous fait rêver…
Oui, ce serait un sacré truc ! Il s’est passé plein de choses pour moi, cette victoire à l’Alpe en fait partie. Mais si je peux aller chercher ce maillot de champion de France et courir le Tour avec, ce serait un immense honneur pour moi.
Vous avez gagné à Ax-3 Domaines, à l’Alpe d’Huez et au Passo Pordoi, quelle est la prochaine ascension que vous aimeriez dompter ?
Il faudra voir le parcours du prochain Tour de France. Cette année, j’avais aussi en tête le Mont Ventoux. Cette année, on est repassé à Ax-3 Domaines, j’ai retenté ma chance. J’étais devant aussi au Ventoux. Finalement, ça a souri à l’Alpe. Comptez sur moi pour saisir toutes les opportunités qui vont se présenter à moi ! Je ne veux pas être trop gourmand, on fera en fonction du menu qui nous sera proposé. Mais s’il fallait choisir, je ne cracherais pas sur un Mont Ventoux, c’est sûr.
Propos recueillis à Hellemmes, le 26 août 2013.