Christian, quel bilan tirez-vous de la reconnaissance du parcours de Paris-Roubaix ?
Les secteurs pavés sont très propres. Les plus propres que je n’ai jamais vus depuis une demi-douzaine d’années. Thierry Gouvenou et Jean-François Pescheux ont fait moult reconnaissances, dont une, il y a huit jours. Certains secteurs étaient impraticables à cause des congères. Ce n’est plus le cas. Sur certains secteurs, il y a encore de la neige sur le bas-côté, mais cela passe très bien. Au contraire, d’une certaine manière, on pourrait croire que les secteurs ont été protégés par la neige. Ils sont très propres, sans trop de poussières.
L’hiver particulièrement rude dans le Nord n’a donc pas abimé le parcours ?
Non, mais chaque année, certains secteurs sont refaits. Ces travaux sont les bienvenus et permettent le retour de certains secteurs. Notamment celui de Pont-Gibus qui s’inscrira juste après la trouée d’Arenberg.
Ce Paris-Roubaix sera marqué par l’absence du vainqueur sortant, Tom Boonen…
On va bien vivre sans lui. C’est malheureux pour lui. C’est avec Fabian Cancellara, le personnage central de ces huit dernières années. Sur les huit dernières éditions, il y en a quatre pour Boonen, deux pour Cancellara et deux autres (Stuart O’Grady en 2007 et Johan Vansummeren en 2011 NDLR). Il faut dire que l’on a souvent eu soit un Boonen très fort sans Cancellara, soit un Cancellara très fort sans Boonen. On sera dans la deuxième configuration cette année.
Peut-il être battu ?
Fabian Cancellara après sa démonstration sur le Tour des Flandres, va être à l’évidence le personnage central. Mais qui dit personnage central, ne dit pas forcément vainqueur. On n’a pas toujours une logique dans Paris-Roubaix. Je dirai même que c’est assez rarement le cas. Parfois, le favori triomphe, parfois c’est un outsider. On peut très bien se retrouver dans ce cas de figure, car c’est Fabian Cancellara seul contre tous. Si les outsiders se liguent, il peut très bien ne pas gagner et on peut avoir là une vraie surprise.
Un Français peut-il selon vous profiter de cas de figure pour succéder à Frédéric Guesdon, dernier vainqueur français en 1997 ?
Il y a surtout plusieurs Français. Une vraie densité qui n’existait pas ces dernières années. On a vu cinq Français dans les vingt premiers du Tour des Flandres. Matthieu Ladagnous, 5ème, Sébastien Turgot 8ème, Yoann Offredo qui n’est pas loin, Sébastien Hinault qui s’est montré et bien sûr Sylvain Chavanel qui a terminé 4ème de Milan-San Remo et qui arrive sur la course de ses rêves. Sans oublier Damien Gaudin qui a gagné Paris-Roubaix chez les Espoirs en 2007, c’est son obsession cette année. Mais la seule façon à mon sens de battre un Cancellara d’exception, ce sera de le harceler, de se liguer contre lui. Et dans les coureurs susceptibles de faire cela, il n’y a pas que des Français.
Le parcours a été légèrement revu cette année…
Sur Paris-Roubaix, ce qui compte, c’est le kilométrage et l’accumulation des secteurs pavés. On est toujours à 50 ou 52 kilomètres. Il y en a un peu plus cette année que l’an dernier sur un parcours un peu moins long. On est toujours dans la même tranche de kilomètres. Ce qui compte, c’est de modifier d’un chouïa le parcours, c’est le même sans être le même. On prend un secteur qu’on ne prenait plus, car des travaux ont été faits comme le Pont-Gibus et c’est important. C’est à la marge que l’on change, l’esprit reste le même, surtout parce que même s’il y a des secteurs mythiques comme la trouée d’Arenberg, le Carrefour de l’Arbre ou le secteur de Mons-en-Pévèle, c’est l’accumulation des secteurs qui fait la différence. Il y a des petits changements qui sont faits au gré des travaux réalisés par les collectivités ou les lycées horticoles. Des travaux essentiels pour maintenir la légende et pour que nous puissions, nous organisateurs, choisir un peu chaque année.
Ce sera la dernière de Jean-François Pescheux, comment avez-vous vécu toutes ces années à ses côtés ?
C’est sa dernière sur le Tour de France, mais pas forcément sur Paris-Roubaix ! J’ai vécu ces années avec beaucoup de bonheur et beaucoup de fous rires. Jean-François est un personnage magnifique et théâtral. Il est extrêmement drôle. Dans la vie de tous les jours, c’est un vrai bonheur. D’une part, d’apprécier sa connaissance et sa passion invraisemblable de la compétition cycliste. Ensuite, sa vie d’homme très agréable, qui a toujours un mot pour les uns ou pour les autres, qui fait toujours rire. C’est quelqu’un qui met beaucoup de convivialité dans une équipe. Je vais définir sa passion pour le cyclisme de manière très simple : les rares week-ends où il n’organise pas avec nous, il va suivre des courses de vélo.
Il y a quinze ans, on disait qu’il n’y aurait plus de Paris-Roubaix à cause de la dangerosité des secteurs.
Il faut souligner le travail d’Albert Bouvet, de Jean-François Pescheux, de Jean-Marie Leblanc, de Thierry Gouvenou et de toutes les collectivités qui se sont approprié les secteurs, que ce soit le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ou les villes et les communautés de communes. Cela fait partie du patrimoine de la région : cette course et donc les pavés. En l’occurrence, pour les gens du Nord-Pas-de-Calais, l’enfer n’est pas toujours pavé de mauvaises intentions, bien au contraire. C’est une course dont ils sont fiers, à juste titre, et qui met en valeur les coureurs cyclistes de manière exceptionnelle ce jour-là, mais aussi toute une région.
Vous venez de recevoir la légion d’honneur, cela va-t-il changer quelque chose pour Paris-Roubaix ?
Cela ne va rien changer du tout. C’est une surprise d’abord et une vraie fierté pour moi, mais aussi pour les équipes qui défendent le Tour de France et des légendes comme Paris-Roubaix au quotidien. Je ne m’y attendais pas une seule seconde. Quand cela vous arrive, cela fait tout drôle.
Propos recueillis à Wallers-Arenberg le 2 avril 2013.