Christian, le Tour de France de l’équipe Argos-Shimano était réussi dès la première étape à Bastia. Qu’en est-il trois semaines plus tard et trois victoires de plus ?
C’est vraiment super. Notre but, c’était d’en décrocher une. Quatre avec celle des Champs en conclusion, c’est l’apothéose. A Paris, sans Tom Veelers et surtout en fin de Tour, ça s’est fait avec le cœur. Il fallait avoir la cuisse dans le final. Les jambes et le cœur ont conduit tout ça.
Vous aviez engagé deux sprinteurs sur le Tour, Marcel Kittel et John Degenkolb, chacun dédié à des terrains différents. L’un a gagné quatre fois, l’autre pas, quelle analyse faites-vous ?
Si on regarde le profil des étapes, ça correspondait davantage aux purs sprinteurs avec beaucoup d’étapes de plat. Même Peter Sagan a dû utiliser une autre stratégie pour décrocher sa victoire à Albi, où John Degenkolb a pris la 2ème place. C’est un très beau résultat pour John. Son Tour n’a pas été négatif mais le parcours lui était moins approprié.
Comment se passe la cohabitation entre les deux ?
Les choses étaient claires au début entre eux deux. Et quand les choses sont organisées, chacun connaît son rôle. Cette année le parcours se prêtait plus à Marcel, peut-être que le prochain se prêtera davantage aux qualités de John.
Que retenez-vous des sept autres coureurs de l’équipe Argos-Shimano sur le Tour ?
Nous avons presque terminé au complet. C’est malheureux que Tom Veelers, le poisson-pilote de Marcel Kittel, ait dû renoncer dans l’étape du Grand-Bornand. C’était trop dur pour lui mais il a joué son rôle auparavant et participé aux victoires. Globalement tout le monde a joué son rôle, même en montagne où on a vu Simon Geschke et le tout jeune Tom Dumoulin. On a vu une belle émulation. Quand ça gagne dès le premier jour, c’est facile de garder la bonne spirale.
Vous aviez fait le choix d’une équipe orientée autour des seuls sprinteurs…
Pour l’instant nous n’avons personne pour le classement général. L’équipe est donc construite ainsi mais nous avons de très bons grimpeurs, très jeunes, qui vont pouvoir s’affirmer sur la Vuelta et le Giro, y faire leurs armes avant de songer à participer au Tour de France. Il était prévu que Warren Barguil découvre le Tour d’Espagne et c’est en bonne voie, en dépit de petits soucis dont il a souffert avec son dos.
La présence d’un jeune comme Warren Barguil dans une structure étrangère, où il est mis davantage à l’abri de la pression médiatique qu’un Thibaut Pinot, semble être un bon point ?
C’est vrai qu’en France on attend toujours notre grand champion. Une grosse pression arrive donc tout de suite sur les épaules des jeunes français qui percent. Evidemment, ce n’est pas évident à gérer. Thibaut est tombé malade mais peut-être que la pression a influé sur lui. Warren Barguil n’en est pas à ce niveau-là, il faut déjà qu’il confirme.
Le marché des transferts va ouvrir le jeudi 1er août, l’équipe Argos-Shimano va-t-elle évoluer ?
Non, pour l’instant nous allons rester fidèles à notre ligne : la formation, le recrutement de jeunes… Nos jeunes d’il y a trois ans sont maintenant nos leaders, nous allons continuer dans ce sens-là.
Christopher Froome a gagné son premier Tour de France. Combien peut-il en gagner ?
On ne peut pas prédire les choses. Les champions peuvent avoir leurs années sans. On se rappelle d’Andy Schleck, qui promettait énormément si jeune mais qui finalement a du mal à retrouver un certain niveau. C’est très compliqué. Il faut être mûr. Chris Froome arrive quand même à gagner son Tour de France à 28 ans, à une certaine maturité. Je pense que les trois-quatre ans à venir, il devrait logiquement être là.
En tant que directeur sportif français, comment avez-vous ressenti la 100ème édition du Tour de France ?
Le Tour, c’est déjà hors norme. Nous sommes sollicités de façon beaucoup plus importante par les médias. Et dans un autre sens c’est bizarre. Nous sommes tellement concentrés sur notre équipe qu’on essaie de faire abstraction et de prendre ça comme une course normale tout en sachant qu’elle ne l’est pas. Maintenant, qu’il s’agissait du 100ème ou non, ça restait le Tour. La vraie différence pour nous c’est que nous avons obtenu quatre victoires.
Propos recueillis à Paris le 26 juillet 2013.