Christian, que peut-on dire du Tour de France de l’équipe Giant-Alpecin ?
On peut dire que nous avons atteint notre objectif avec une victoire d’étape avec Simon Geschke à Pra-Loup. Ça a été une belle victoire, extraordinaire, pour un coureur qui le méritait. Toute l’année, il accomplit un travail énorme pour les leaders. Que ce soit lui qui se soit imposé, un équipier modèle, c’est un petit sentiment particulier. Notre objectif premier sur ce Tour, c’était une victoire d’étape. Le second, c’était de développer un peu Warren Barguil dans son rôle de futur prétendant au classement général. Il a appris énormément et n’a craqué qu’à La Toussuire à deux jours de Paris. Quoi qu’il arrive, il s’est battu pendant trois semaines avec les meilleurs du classement. Vu sa position, il n’avait pas de billet de sortie pour les échappées. Il a donc dû dépenser énormément d’énergie pour rester au contact des meilleurs. Il est encore très jeune et je pense que cette première expérience du Tour de France lui sera très enrichissante pour le futur.
Pour ses premiers pas sur le Tour, on a découvert un Warren Barguil décomplexé, osant attaquer ici et là le groupe Maillot Jaune. A-t-il fallu le canaliser ?
Il faut qu’il découvre les choses par lui-même, mais c’est clair que sur un Tour de France tous les détails sont primordiaux. Dès qu’on a un moment pour récupérer, il faut le faire. Il faut s’interdire tout ce qui est superflu, rester protégé des médias et des nombreuses sollicitations, penser à récupérer dès qu’on arrive à l’hôtel… Ce sont plein de petits détails. Warren est quelqu’un de très dynamique, presque hyperactif. Il faut effectivement parfois le canaliser, lui dire d’aller se reposer, mais il est doué, il a le sens de l’observation, et il a beaucoup appris par lui-même.
14ème du général et encore dans le Top 10 à deux jours de Paris, vous attendiez-vous à ce qu’il performe de la sorte pour un premier Tour de France ?
Je connais ses qualités depuis longtemps, et c’est pourquoi nous l’avons recruté dans l’équipe, mais rien n’est joué avant. Il faut avoir un développement linéaire. Sa performance ne m’a pas surpris à 100 %. Ce qu’il a fait, c’est la confirmation de ce que j’avais en tête.
Warren Barguil est encore jeune, 23 ans, sur quoi va-t-il devoir travailler prioritairement pour augmenter ses capacités physiques et mentales ?
Je pense qu’il va encore lui falloir accumuler deux saisons pour arriver à pleine maturité. C’est ce qui fait la différence. Je lui ai parlé de certains coureurs en montagne qui sautaient avant lui puis revenaient au fur et à mesure : c’est qu’il lui manque encore un peu cette endurance, il lui manque de la caisse. Après, il y a des détails tactiques à peaufiner, bien qu’il ne fasse pas beaucoup d’erreurs. Il est parfois un peu fougueux, mais ça il ne faut pas le lui enlever. C’est une qualité car lorsqu’il aura vraiment la caisse, qu’il sera mûr, il lui faudra avoir toujours cet enthousiasme à attaquer.
Contrairement aux années passées, sans Marcel Kittel, l’équipe Giant-Alpecin disposait de plusieurs atouts. Avez-vous trouvé cela plus excitant ?
Oui, c’est exacement ça. La sélection s’est faite sans Marcel du fait de son problème de santé. Il n’était pas à 100 % avant ce Tour qu’on a vu très exigeant avec peu d’opportunités pour les purs sprinteurs. John Degenkolb a fait deux fois 2ème. Tom Dumoulin, qui avait de grandes chances de prendre le maillot jaune à Huy, a malheureusement chuté. Nous n’avons pas toujours eu la chance avec nous, mais les gars se sont battus jusqu’au bout. L’exemple-type, c’est Simon Geschke qui gagne à Pra-Loup. Notre sélection a été réalisée à bon escient.
Que manque-t-il encore à John Degenkolb pour s’imposer dans les sprints du Tour ?
On sait que les purs sprinteurs en pleine fraîcheur sont un petit cran au-dessus de John quand c’est super plat. Les arrivées qui semblaient mieux taillées pour lui ont été en définitive un chouïa plus dures et ont fait l’affaire des puncheurs comme Zdenek Stybar au Havre ou Greg Van Avermaet à Rodez.
N’était-il pas non plus en retrait par rapport à son pic de forme des classiques de printemps ?
Non, la préparation entre les classiques et les étapes du Tour est complètement différente. Je pense qu’il s’est bien préparé. On a vu Alexander Kristoff un peu moins bien que John par rapport à ses résultats de l’an passé. John, lui, a été constant, fidèle à ce qu’il avait fait en 2014. Mais il y a toujours quelqu’un devant.
Quelle équipe rejoindra Puerto Banus dans deux semaines pour le Grand Départ de la Vuelta ?
Il nous faut régler encore quelques détails. Nous avons eu pas mal de pépins, des clavicules cassées pour des jeunes, il nous faut peaufiner l’équipe que nous annoncerons prochainement. Ce qui est certain, c’est que Marcel Kittel n’y sera pas. La Vuelta est trop dure pour lui.
Propos recueillis à Sèvres le 26 juillet 2015.