La Coquillade, un superbe hôtel, relais et château situé à Gargas, dans le Vaucluse. Un endroit où on a tendance à traîner et à profiter du temps qui passe. D’autant plus que le Luberon est à perte de vue, que la propriété produit un superbe vin rouge/rosé, la cave Aureto, et que des vélos et VTT BMC sont à disposition pour éliminer. Andy Rihs a jeté son dévolu sur cette magnifique propriété et aime en faire son point de chute pendant le Tour de France et les épreuves françaises. Il y vient avec ses amis, voit son équipe gagner et s’en va toujours animé par la passion de son équipe cycliste et de ses business plutôt florissants. C’est là que Cadel Evans est venu se reposer en famille, sa vraie coupure après le tourbillon du Tour. Malgré tout, il prend le temps de rouler tranquille et reste ouvert au monde du vélo. Il répond à nos questions.
Cadel, depuis votre victoire dans le Tour de France il y a deux mois, qu’avez-vous fait ?
Après le Tour, j’ai juste couru le Tour du Colorado et c’est tout. Ma saison s’est arrêtée là. Depuis mon retour des Etats-Unis, je me suis reposé. Je suis rentré en Australie début août et j’y retournerai en novembre. Je ne cours plus mais je roule encore régulièrement et pour le plaisir. En fait, c’est la première fois que je coupe aussi tôt alors que je suis en bonne forme. On verra l’année prochaine si ça me sera bénéfique ou non et si ça me permettra d’arriver plus en forme. Car avec les Jeux Olympiques, la saison 2012 sera plus délicate.
Comment votre succès dans le Tour de France a-t-il été perçu en Australie ?
Le Premier Ministre et le Gouverneur de l’Etat m’ont demandé si j’étais d’accord pour revenir en Australie de manière à ce qu’on fasse une cérémonie après le Tour. Le 12 août, on a fait un petit circuit d’un kilomètre avec de jeunes licenciés. C’était la folie, il y avait du monde partout. Pour un sportif australien, recevoir un tel accueil, c’est beaucoup ! L’Australie a reconnu ma longue carrière, que ce soit en VTT ou sur la route. Ça faisait longtemps que j’essayais de gagner le Tour. Malgré quelques difficultés, j’ai persévéré, et les Australiens aiment cette mentalité. Les gens apprécient le succès, mais encore plus contre l’adversité.
Serez-vous cité athlète australien de l’année ?
Oh, je ne sais pas. Cette année il y aussi eu la victoire de Samantha Stosur à l’US Open, où pour la première fois une Australienne l’a emporté.
Deux mois après votre victoire sur les Champs-Elysées, que vous reste-t-il comme image du Tour de France 2011 ?
Pour dire vrai, j’en reparlais dernièrement avec ma femme et je ne parvenais toujours pas à réaliser. Ça me paraît en même temps tellement loin déjà. J’ai fait beaucoup de choses depuis que j’ai ramené le maillot jaune sur les Champs-Elysées, alors c’est comme si ça faisait déjà un certain temps. Ce n’est pourtant pas le cas. C’est difficile de ne retenir qu’une image. C’est surtout ce que ça entraîne. Gagner le Tour, c’est quelque chose de si incroyable. C’est une victoire parmi beaucoup d’autres dans ma carrière mais celle-ci modifie tout. Etre le vainqueur du Tour change vraiment les choses.
Vous emparer du maillot jaune au tout dernier jour seulement faisait-il partie d’un plan ?
Nous sommes arrivés sur le Tour avec un seul objectif, celui de ramener le maillot jaune à Paris. Comme nous y sommes parvenus, je pense que notre plan a parfaitement fonctionné. Il y a eu plusieurs choses qui n’ont pas marché comme nous l’avions prévu. Parfois ça ne veut pas tourner en votre faveur, mais au final ça a été un Tour fantastique. John Lelangue et moi-même nous étions fixés ce seul objectif d’arriver en jaune à Paris, le reste n’avait aucune espèce d’importance, et nous nous en sommes tenus à cela. L’équipe avait foi en moi, tout le monde voulait que j’aille chercher ce maillot, ce que j’ai fait la veille d’en finir à Paris. Bien sûr, c’est plus facile à raconter aujourd’hui que ça ne l’a été à faire !
Votre contre-performance en 2010 semblait vous éloigner un peu plus encore d’une victoire dans le Tour mais vous êtes revenu plus fort en 2011. Qu’est-ce qui a changé dans ce laps de temps ?
Cette année, nous avons suivi un programme de course davantage axé sur le Tour de France. J’ai moins couru que les années passées mais j’ai été plus concentré sur le fait d’obtenir un bon résultat. J’ai passé un bon hiver et ma saison 2011 a bien commencé. J’ai entamé l’année avec une grosse motivation et un meilleur travail mental. Je me suis renforcé psychologiquement après le décès de mon coach Aldo Sassi. C’est resté dans un coin de mon esprit, mais je suis parvenu à rester concentré sur mes objectifs. J’ai misé sur la qualité plus que sur la quantité. Et sur le Tour, j’ai échappé aussi à la malchance que j’avais rencontrée un an plus tôt.
Serez-vous présent à la présentation du Tour de France 2012 à Paris le mardi 18 octobre et qu’attendez-vous du parcours ?
J’y serai, oui, mais je n’ai pas la moindre idée de ce que je vais découvrir ! J’espère plus ou moins la même chose que cette année. Si c’est la même chose, je serai bien content. Je m’attends au même type de tracé mais on découvrira ça à Paris, puis je passerai les sept prochains mois à me préparer en fonction.
Les organisateurs des Grands Tours semblent parfois privilégier le spectacle, quitte à emprunter des routes difficiles et dangereuses. Votre statut de vainqueur du Tour vous permet-il désormais de leur donner votre sentiment ?
Parfois ils écoutent les suggestions, après que vous ayez gagné. Mais à titre personnel j’ai bien aimé le parcours du Tour de cette année, parce qu’il m’a convenu ! En termes de danger, je ne sais pas si c’était plus dangereux. Il y a eu beaucoup de chutes terribles, c’est vrai, mais je ne sais pas ce qui change, si c’est la course elle-même ou le peloton. Tout le monde sur le Tour est très stressé, que ce soit le staff, les coureurs, il y a beaucoup de pression et d’attente, beaucoup d’anxiété, l’envie de bien faire, et ça augmente les risques.
Vous avez remporté le Tour de France, après lequel vous courriez depuis des années, désormais quelles sont vos motivations ?
Eh bien je monte sur mon vélo et je n’ai plus rien de plus à prouver. C’est vrai qu’avoir atteint mon objectif pourrait affecter ma motivation mais j’en doute me connaissant. Actuellement nous travaillons déjà pour le Tour 2012. Pour moi ça va être une année intéressante avec les Jeux Olympiques. Ensuite j’ai prévu de disputer le Championnat du Monde de Valkenburg, sur un parcours qui s’annonce dur. Ça va donc être une saison très captivante et j’ai déjà très envie de répéter les efforts accomplis en 2011.
Vous ne devriez plus avoir autant de pression l’an prochain, cela peut-il vous rendre encore plus fort ?
D’une certaine manière, je pense que oui, certainement. Vous savez, quand vous terminez deux fois 2ème du Tour de France comme je l’ai fait en 2007 et 2008, vous devenez le coureur le plus critiqué du Tour. Or pour être 2ème, il faut déjà être sacrément bon. Je l’ai été deux fois, je ne suis pas tout jeune, et ça m’a valu des critiques sur ma façon de courir. Maintenant que j’ai gagné le Tour, je pense que ces remarques négatives vont cesser. Et dans le même temps, ce qui compte avant tout, c’est la confiance que l’équipe et les gens vous accordent. C’est cela qui change tout.
Retrouvez demain la suite de l’interview de Cadel Evans, son programme 2012, son avis sur le recrutement de sa formation, ses ambitions…
Propos recueillis à Gargas le 21 septembre 2011.