Blel, quel était le plan défini ce matin par l’équipe Ag2r La Mondiale ?
L’objectif de l’équipe aujourd’hui était de prendre l’échappée. Nous étions trois, quatre coureurs désignés pour prendre la bonne. Au départ, nous nous sommes bien battus l’un après l’autre. Nous avons accompli un très beau travail collectif. C’est moi finalement qui ai réussi à prendre ce coup. Dans l’échappée, on a vu qu’on prenait du temps sans jamais chercher à gérer l’écart avec le peloton. Nous avons bien roulé, nous nous sommes bien entendus, jusqu’à ce que Sylvain Chavanel nous attaque dès le pied du col de la Croix des Moinats.
Vous avez aussitôt réagi…
Par expérience, je savais qu’il ne fallait pas le laisser partir. Avec mon directeur sportif Julien Jurdie, on savait que Sylvain allait bouger. Dès qu’il a attaqué, j’ai de suite réagi. J’ai compris qu’il était un peu juste, sans quoi il aurait insisté et je ne serais pas rentré sur lui. Derrière, Simon Yates plafonnait à 20 secondes et revenait au train. Je me suis dit qu’il ne fallait pas le laisser rentrer. Je me sentais bien, je ne voulais pas basculer au sommet avec Sylvain Chavanel, sachant qu’il descendait bien sous la pluie. J’ai donc préféré parti tout seul pour gérer dans les descentes afin de ne pas y prendre trop de risques. L’équipe avait bien reconnu cette étape, je savais quels pourcentages difficiles m’attendaient, et je ne voulais pas arriver au pied de la Mauselaine avec Chavanel.
A partir de quand avez-vous commencé à savourer votre victoire d’étape ?
A l’oreillette je savais que j’avais 50 secondes d’avance sur Chavanel. Je suis resté prudent avec la pluie. Je n’ai savouré qu’à 200 mètres de la ligne. Je ne voulais pas couper mon effort plus tôt, même si Julien Jurdie me répétait après la flamme rouge que j’avais gagné. J’ai voulu rester concentré jusqu’au bout, de peur de relâcher la pression ou de subir une crampe, quelque chose comme ça. Quand je suis arrivé dans les 200 derniers mètres, j’ai pu profiter de ma victoire. Je ne voulais pas croire ce qui m’arrivait. Cette victoire, je la dois à l’expérience de coureurs auprès desquels je suis au contact comme Christophe Riblon, qui me donne pas mal de conseils.
Qu’est-ce qui a fait la différence aujourd’hui ?
J’ai gagné avec le métier. Je me suis forgé un caractère et de l’expérience à force de faire des échappées. J’ai vraiment couru pour la gagne, comme je l’avais fait dimanche dernier vers Sheffield. L’objectif, ce n’est pas de se montrer costaud dans une échappée ou de prendre les plus gros relais mais de gagner une étape. J’ai tout fait pour ça, j’ai essayé de courir au métier.
Votre saison a été interrompue après une chute à l’entraînement en mars. Avez-vous douté de retrouver votre niveau ?
Je suis tombé bêtement le week-end précédant Tirreno-Adriatico. J’ai pris un trou et je me suis cassé une côte. J’avais également mal à un genou mais l’osthéo n’arrivait pas trop à me manipuler à cause de ma côte. J’ai pris du repos, et pour ça l’équipe a été vraiment super. Elle m’a laissé me soigner tranquillement, sachant que la saison est longue et que l’objectif était d’être opérationnel à 100 % sur le Tour. On ne m’a pas mis la pression lorsque j’ai repris, j’ai bien suivi les entraînements, le stage à Briançon. Après le Dauphiné, sur lequel l’équipe m’a rassuré quant à ma sélection pour le Tour, j’ai complété ma préparation avec la Route du Sud, une course qui me tient à cœur. C’est une marque de confiance, on fonctionne comme ça dans l’équipe.
On dit de l’équipe Ag2r La Mondiale qu’elle est davantage une équipe de Tours. Comment l’expliquez-vous ?
Ce qu’il y a de super dans une équipe comme la nôtre, c’est qu’on laisse à des coureurs dans mon profil la chance d’aller dans des échappées. Je suis content d’avoir carte blanche dans des étapes comme aujourd’hui pour aller dans les échappées, pouvoir jouer la gagne sans être contraint à rester dans le peloton pour travailler pour les leaders. En revanche si je n’étais pas parvenu à rejoindre la tête de course, je me serais mis à 100 % au service des leaders. Nous avons des objectifs qui sont de gagner une étape et de faire le meilleur classement général possible. Nous essayons de faire le maximum pour atteindre ces objectifs. Et pour cela nous faisons bien tourner le collectif.
Vous avez un profil particulier, et pourtant vous parvenez à tirer votre épingle du jeu. Comment l’expliquez-vous ?
Chez Ag2r La Mondiale, on a cette chance d’être libres pour aller dans les échappées. Par contre interdiction d’aller dans des coups voués à l’échec quand l’étape est toute plate et promise aux sprinteurs. Quand je prends le départ d’une course, je me demande toujours quel est le meilleur coureur de l’équipe pour faire le meilleur résultat. Quand l’échappée peut aller au bout, je saisis ma chance et j’essaie de jouer la gagne. Quand je suis derrière, je fais d’abord passer le maillot avant mes ambitions personnelles. Beaucoup de coureurs ont un rôle de l’ombre, un travail qu’on ne voit pas forcément à la télé. Je pense à Sébastien Minard qui fait un travail absolument gigantesque dans un peloton. C’est un travailleur de l’ombre, quelqu’un dont on n’entend pas beaucoup parler, mais c’est le capitaine, un mec indispensable dans l’équipe.
Vous êtes le nouveau détenteur du maillot à pois. Vous verriez-vous le défendre dans les deux semaines à venir ?
On l’a vu l’année dernière avec Pierre Rolland, c’est très difficile pour un coureur de se battre pour passer les différents grimpeurs en tête. Alors pour quelqu’un comme moi… En plus, les points sont doublés lors des arrivées en altitude, ce sera très difficile pour un coureur comme moi, face à Vincenzo Nibali ou Alberto Contador, de ramener un maillot à Paris. Il n’empêche que je suis toujours content de le porter. J’ai eu la chance de l’endosser l’année dernière pour une journée. Ce sera encore le cas demain. Mais l’objectif prioritaire, pour l’équipe, reste le classement général pour Romain Bardet et Jean-Christophe Péraud.
Propos recueillis à Gérardmer le 12 juillet 2014.