Benoît, quand vous avez quitté le monde pro en 2009, pensiez-vous pouvoir le retrouver un jour ?
Pas forcément, non. J’avais décidé de refaire du vélo en amateur avec un ami pour m’amuser. J’avais prévu d’arrêter le vélo de compétition tout en continuant à en faire pour le loisir à côté. Mais l’Armée de Terre a monté son projet. David Lima Da Costa nous a fait part de ses ambitions. C’était un rêve en 2010 quand il m’a appelé pour accéder au monde professionnel. C’était d’abord une DN et je devais être capitaine de route dans cette équipe amateur. Tous les ans nous avons progressé. David s’est mis de plus en plus à rêver à ce projet de faire passer l’équipe chez les pros. Après le titre de champion de France de Yann Guyot, il s’est décidé à le concrétiser. La réponse est intervenue au mois de décembre. Faire partie de ce projet, c’était pour moi la seule raison de revenir chez les pros.
Aviez-vous des doutes quant à sa réussite ?
Personnellement non, j’étais en formation militaire et j’avais complètement décroché du côté sportif du projet. Mais quand je suis revenu de mon stage, Yann Guyot et Romain Combaud m’ont dit qu’il y avait des hauts et des bas et que ça commençait à devenir compliqué. On a ressenti quelques tensions, surtout après le premier rejet de la ligue. Mais une quinzaine de jours plus tard, David nous a rassurés. Il nous a dit que c’était reparti et qu’il y croyait. Mi-novembre ou début décembre, on savait que c’était tout près d’aboutir. On a retrouvé l’espoir. C’était le moment de retrouver l’entraînement. On a fait en sorte de s’entraîner comme si on passait pro. Et puis mi-décembre, nous avons eu un premier accord verbal de monsieur le ministre. Ça concrétisait beaucoup d’espoirs et beaucoup d’attentes de notre part.
Dans quel état d’esprit abordez-vous la saison ?
Un peu d’appréhension, mais surtout beaucoup de joie et d’envie. On y va dans l’esprit de découvrir le milieu. De toute façon, il faut tout reprendre à zéro. Il faudra s’adapter au niveau et revoir nos stratégies. On y va sans pression. Ou s’il y en a, elle est vraiment positive, du fait que ce soit de la découverte et du plaisir pour nous d’être là.
Sur quels aspects estimez-vous que le milieu pro a évolué depuis que vous l’avez quitté ?
On a vu qu’au niveau stratégique, tout est plus organisé au niveau des sprints. Les tactiques de course sont assez cadenassées. On a vu aussi que la préparation physique s’était professionnalisée dans toutes les équipes avec des entraîneurs mis à disposition, des capteurs de puissance, etc. Nous avons suivi la vague à moindre échelle, mais nous avons une belle marge de progression. C’est ce qui va nous permettre de grandir dans les années à venir.
Vous considérez-vous comme le leader de l’équipe ou aurez-vous un rôle de poisson-pilote ?
J’ai été poisson-pilote par le passé. Mon directeur sportif Jimmy Casper peut en témoigner puisque j’ai été dans son train quelques années. Sur la Marseillaise par exemple, nous avons décidé qu’il y aurait sept coureurs qui feraient la course, excepté moi qui serait préservé pour le sprint. Nous ne privilégions pas un coureur plus qu’un autre. Tout le monde a sa chance. Favoriser le coureur qui est à l’avant a toujours été notre philosophie. On va voir si c’est possible d’avoir cette stratégie chez les pros. Avoir un coureur à l’avant, ça permet toujours d’être tranquille derrière et de ne pas avoir la course en main. Quand ça arrivera au sprint, j’aurai toujours des copains pour me donner un coup de main.
Avez-vous travaillé sur la mise en place d’un train ?
Nous avons fait quelques exercices. Ça a été encore un peu léger. Le dernier stage s’est terminé fin janvier. Nous avons bossé différentes combinaisons. Mais il y a encore beaucoup de travail. Notre idée, c’est de nous imposer et avoir notre place parmi les équipes qui mettront un train en place lors des sprints.
Vous passez de gros poissons chez les amateurs à Petit-Poucet chez les pros. Qu’est-ce que cela change pour vous et votre équipe ?
Ça change l’approche de la course. Depuis deux ou trois ans, on avait le poids de la course. On savait que ce serait à nous d’imposer notre façon de courir, que l’on serait suivi et regardé. Maintenant c’est l’inverse. On va regarder ce qu’il se fait, copier, égaler et faire mieux peut-être dans quelques années.
Propos recueillis à Marseille le 1er février 2015.